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Issa Traoré, président du SAM : « les conditions de vie et de travail des magistrats n’ont pas changé pendant les deux ans du président IBK »

Dans entretien qu’il nous a accordé dans son bureau à la Cour D’appel de Bamako, le président du Syndicat autonome de la magistrature (SAM), Issa Traoré, nous parle de la promesse électorale non encore tenue du président de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta, quant à  l’amélioration des conditions de vie et de travail des magistrats maliens.

Issa Traore president syndicat autonome magistraturePour Issa Traoré, dès son arrivée à la tête de l’Etat, le président IBK avait mis la justice au centre de son mandat. IBK avait fait de la justice son cheval de bataille du combat qu’il veut mener pour le Mali, et à cet effet, a tenu beaucoup de promesses. Pour notre interlocuteur, deux ans après, les magistrats n’ont pas vu pour le moment grand-chose même si d’importants efforts sont en train d’être  entrepris çà et là pour l’amélioration des conditions de travail des magistrats, et de toute la famille judiciaire. Issa Traoré a estimé que beaucoup de gens ignorent les conditions de travail des magistrats maliens et qu’au moment des campagnes électorales passées, la justice a été au centre des promesses.

Pour lui, on a fait en sorte que la justice soit le premier responsable de tout ce qui arrive comme mauvais dans ce pays alors qu’en réalité la justice n’est que l’une des  composantes de la société et à ce titre, elle n’est donc ni meilleure ni pire que les autres. Il a rappelé qu’à un moment donné un ministre était venu pour jouer son quart d’heure de gloire, et qu’en tant que grand populiste, il avait voulu enfoncer le clou, mais les magistrats sont restés très sereins parce que conscients de la responsabilité qui est la leur. Les juges sont conscients de l’espoir en eux placé par les Maliens et il n’y a pas de développement et démocratie sans la justice digne de ce nom, a indiqué Traoré. « On ne peut pas tout le temps crier haro sur une profession en exposant ses carences et passer sous silence ce qui se trouve à la base de cette carence. Chaque fois qu’on n’a parlé de justice dans ce pays, c’est pour faire allusion à la corruption, cependant cette corruption n’est pas le seul apanage de la justice. Pour preuve, de nos jours, les grands dossiers de corruption viennent d’ailleurs, aucun magistrat n’est impliqué de près ou de loin dans ces dossiers scandaleux », a-t-il indiqué.

Le président du SAM a fait savoir que le Mali regorge de magistrats qui font la fierté de la profession, et qui travaillent avec honneur et dignité, même si certains ont des comportements qui méritent d’être fustigés et condamnés avec la dernière rigueur. Notre interlocuteur s’est étonné par le fait que le citoyen lambda pense que le magistrat malien est le mieux payé et le mieux traité. Ce qui est faux. Il a expliqué qu’au plan national, il y a beaucoup de professions qui dépassent sur le plan salarial et de revenus celle de la magistrature. « Sur le plan international, le magistrat malien est le moins payé de la sous-région. Au Sénégal, la prime de judicature fait plus de 850. 000 FCFA, pendant qu’au Mali le magistrat le plus ancien dans le grade le plus élevé n’a pas ce montant comme salaire. Au Niger, le magistrat débutant a un salaire 1.150.000FCFA ; au Burkina, c’est plus du million et en Côte d’Ivoire, c’est encore plus élevé », a confié M. Traoré.

« Comment voulez-vous qu’on puisse travailler de façon correcte et responsable dans ces conditions. Je ne suis pas en train de prêcher pour ma propre paroisse, mais il y a certaines vérités qu’il faut souvent se dire. On ne peut pas vouloir d’une chose et son contraire à la fois. On veut que la magistrature arrive à redorer son blason et pour ça, on crie sur tous les toits, mais on ne veut rien faire dans le sens de l’amélioration des conditions de travail des magistrats », a tonné M. Traoré.

« Le seul reproche qu’on fait à la justice c’est d’être corrompue. Cette forme de corruption en elle-même se traduit par un certain nombre de faits à savoir : négocier les décisions de justice contre de l’argent ; les juges en un moment se sentent dans la nécessité de chercher avec les justiciables ce que l’Etat n’a pas été capable de mettre à leur disposition. Pour faire en sorte que cela cesse, aux dires d’Issa Traoré, la première des choses est de mettre les juges dans les conditions qu’il faut pour éviter qu’ils ne se sentent pas obliger à prendre sur le justiciable ce qu’ils attendent de l’Etat. Cela aura un avantage pour le pouvoir, parce qu’une fois que les magistrats seront dans les conditions idoines de travail, ils s’acquitteront de leur devoir, ils ne vont plus lorgner la poche du justiciable, en le faisant, il aura les sanctions qu’il mérite. En ce moment, les syndicats seront les premiers avocats du pouvoir pour combattre de tels magistrats ».

A en croire le président du SAM, après avoir opté pour la magistrature, les juges doivent s’acquitter de leur mission avec les moyens qu’ils ont, mais cela aussi ne peut pas continuer sans que l’Etat ne s’assume. La réalité, c’est que la justice malienne est à l’image de l’Etat malien, et chaque pays a la justice qu’elle mérite, souligne-t-il.

Le secrétaire général du SAM a indiqué que les magistrats étaient très enthousiasmés de l’arrivée du président IBK au pouvoir et rassurés par ses premiers discours. Mais de nos jours, les juridictions de Bamako ont toutes les difficultés du monde pour extraire les détenus pour les besoins des audiences et des instructions, a fortiori dans les autres régions du pays, où c’est des machines de dactylographie qui sont utilisées pour les saisies. Les juridictions dans certaines régions ne disposent même pas de locaux dignes de ce nom.

Pour le numéro un du SAM, 2 ans représentent la moitié d’un mandat de 5 ans et les jours et mois à venir seront mis à profit pour permettre au premier magistrat de réfléchir profondément à une véritable réforme de la justice. Réforme sans laquelle les magistrats ne pourront pas atteindre les objectifs qu’elle s’est fixée par rapport au rendement de la justice. Notre interlocuteur estime que l’espoir est permis. Par rapport à la récente nomination des magistrats de la Cour d’Appel et la Cour Suprême, Issa Traoré pense que cela allait de soi et qu’elle ne constitue pas un évènement extraordinaire. Ces nominations, à son avis, sont venues combler un vide qui existait au niveau de la Cour Suprême laquelle n’avait pratiquement pas de magistrats en son sein. La Cour Suprême était pratiquement aux arrêts pour manque de magistrats. Il n’y avait plus de 5 magistrats au siège, idem au parquet. « Comment une Cour Suprême digne de ce nom peut travailler avec un nombre insuffisant de magistrats ? Cela était une nécessité. Cette décision a été accueillie avec beaucoup de soulagement sauf qu’on a déshabillé Jean pour habillé Paul. Pratiquement tous ceux qui ont été nommés à la Cour Suprême ont quitté la Cour d’Appel, laissant du coup un vide à ce niveau. Il est donc urgent de faire un mouvement vers la Cour d’Appel pour palier à ce manque de magistrats. On peut ne pas aimer les magistrats, mais on ne peut pas nier le fait qu’il n’y a pas de démocratie et de développement sans justice ; il n’y a pas de justice sans magistrats aussi », a-t-il conclu.

 

Bandiougou Bouaré

Source: Delta News

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