En dépit des nombreux espoirs placés en lui, le président américain a abandonné l’idée d’une résolution du conflit israélo-palestinien durant son mandat.
Son discours historique du Caire en juin 2009 où il se prononçait en faveur d’un État palestinien et réclamait la fin de la colonisation israélienne avait suscité de nombreux espoirs dans le monde arabe. La même année, Barack Obama avait même obtenu un prix Nobel censé l’encourager dans ses efforts pour la paix au Proche-Orient. Or, six ans plus tard et avant même la fin de son second mandat, le président des États-Unis s’est rendu à l’évidence : il a passablement échoué.
Pour la première fois, ses proches conseillers admettent que le conflit israélo-palestinien ne trouvera pas d’issue favorable sous sa présidence. Pire, ces derniers se montrent extrêmement pessimistes quant à une reprise des négociations israélo-palestiniennes avant janvier 2017, date à laquelle le pensionnaire de la Maison-Blanche rendra définitivement son tablier. L’administration américaine est « confrontée à la réalité » qu’une solution au conflit israélo-palestinien « n’est pas sur la table pour le reste » de la présidence, confie au Washington Post Rob Malley, coordinateur pour le Proche-Orient du Conseil pour la Sécurité nationale. Cela nous a « conduits à réévaluer non seulement ce que nous pouvons faire, mais ce que les [autres] parties peuvent faire », a ajouté ce proche conseiller du président.
« Sommet trop difficile à atteindre »
« En dépit de ses promesses de campagne, Barack Obama a compris que le conflit israélo-palestinien était un sommet trop difficile à atteindre », explique Célia Belin, chercheur associé au Centre Thucydide de l’université Paris-II. « Il a compris qu’il ne pouvait pas se battre sur tous les fronts, d’autant qu’en termes de leg historique, le président américain a suffisamment réussi en décrochant l’accord sur le nucléaire iranien, l’ouverture à Cuba, et peut-être un accord à venir sur le changement climatique. »
Cet échec a en réalité été endossé dès avril 2014 et le fiasco de la dernière tentative de négociations bilatérales entre Israéliens et Palestiniens, sous la médiation des États-Unis. Neuf mois durant, le secrétaire d’État américain John Kerry a fait la navette entre Washington, Tel-Aviv et Ramallah pour arracher une issue à ce conflit vieux de 67 ans. Mais il s’est heurté à un mur : l’implacable poursuite de la colonisation israélienne, à Jérusalem-Est et en Cisjordanie occupés, pourtant illégale au regard du droit international. Selon l’ONG israélienne La Paix maintenant, Israël a ainsi approuvé la construction de 13 851 logements dans les colonies d’août 2013 à avril 2014, à un rythme « sans précédent ». « Ces chiffres montrent mieux que le gouvernement Netanyahu n’a pas été sérieux durant ces négociations et a tout fait sur le terrain pour rendre impossible une solution de deux États pour deux peuples », déclarait à l’époque Yariv Oppenheimer, directeur de La Paix maintenant.
Poursuite de la colonisation
Une analyse confortée par Benjamin Netanyahu en personne, qui a déclaré en mars 2015 qu’il n’y aurait pas d’État palestinien s’il était réélu Premier ministre. Résultat, Benjamin Netanyahu a été reconduit à la tête d’un des gouvernements les plus à droite de l’histoire d’Israël, faisant la part belle aux nationalistes, aux ultra-orthodoxes et aux partisans de la colonisation, tous de fervents opposants à la création d’un État palestinien souverain. Cela n’a pourtant pas empêché le Premier ministre israélien de faire volte-face et de se déclarer, lors de sa rencontre lundi avec Barack Obama, favorable à une solution à deux États, caractérisée par « un État palestinien démilitarisé qui reconnaisse l’État juif ». Or, pour Yves Aubin de La Messuzière, ancien directeur Afrique-Moyen-Orient au Quai d’Orsay et spécialiste du conflit israélo-palestinien, « cette exigence de la reconnaissance d’Israël commeÉtat juif est inacceptable d’un point de vue palestinien, car il exclut d’une certaine manière les 20 % d’Arabes israéliens et annihile le principe, même symbolique, du droit au retour des réfugiés palestiniens [reconnu par plusieurs résolutions de l’Assemblée générale de l’ONU n’ayant aucune valeur juridique] ».
Cette déclaration israélienne de bonne volonté a toutefois été favorablement accueillie par le porte-parole de Barack Obama, Josh Earnest, non sans souligner avec force qu’il jugerait Benjamin Netanyahu sur ses actes. « Le nœud du problème est la fin de l’occupation israélienne, et toutes les mesures discriminatoires qui en découlent, ainsi que le gel de la colonisation », martèle l’ancien diplomate Yves Aubin de La Messuzière. Or, là-dessus, le porte-parole de la Maison-Blanche a simplement indiqué que les États-Unis jugeaient « contre-productive » la poursuite de constructions dans les colonies israéliennes de Cisjordanie, sans pour autant la condamner. À en croire Benjamin Netanyahu, cette question n’aurait même pas été abordée lors de son entretien avec Barack Obama.
Accord militaire israélo-américain
Critiqué par le camp républicain pour avoir été le président américain le plus hostile à l’État hébreu, notamment après la conclusion d’un accord sur le nucléaire iranien jugé « dangereux » pour Israël, Barack Obama a livré lundi un vibrant plaidoyer en faveur de l’État hébreu, saluant « le lien extraordinaire » existant entre les deux pays. Israël a « non seulement le droit mais aussi l’obligation de se défendre », a insisté le président des États-Unis, condamnant vivement les « violences palestiniennes contre des citoyens israéliens innocents », alors que le cycle attaques palestiniennes-représailles isréliennes en Israël et dans les Territoires palestiniens a fait 10 morts côté israélien et 75 côté palestinien depuis le 1er octobre dernier. « Mais Obama n’a pas eu un mot pour les véritables causes de cet embrasement, à savoir la poursuite de la colonisation et l’absence de perspectives pour les Palestiniens », déplore Yves Aubin de La Messuzière.
Mettant un point d’honneur à rappeler que la sécurité d’Israël était l’une de ses priorités en termes de politique étrangère, Barack Obama a assuré – à juste titre – que la coopération avec l’État hébreu sur le plan militaire et du renseignement n’avait jamais été aussi forte. Et a annoncé qu’elle se poursuivrait par la conclusion prochaine d’un nouvel accord militaire israélo-américain de 10 ans, qui prendra effet en 2017. À en croire la presse israélienne, Benjamin Netanyahu aurait demandé lors de cette rencontre que l’aide militaire américaine de plus de trois milliards de dollars annuels passe à cinq milliards, afin de mieux être armé face à un Iran renforcé par l’accord sur le nucléaire.
Ne pas ternir son bilan
« Barack Obama doit montrer à son électorat et au Congrès qu’il n’est pas anti-israélien. Il donne ainsi à Israël un certain nombre de gages sécuritaires en contrepartie de l’accord sur le nucléaire iranien », décrypte la spécialiste Célia Belin. « D’autant que le dossier iranien n’est pas encore totalement réglé. À tout moment, le Congrès [qui a ratifié l’accord] peut revenir à la charge et décider de nouvelles sanctions contre Téhéran en arguant du soutien de la République islamique au terrorisme. »
Pour Yves Aubin de La Messuzière, « Barack Obama souhaite terminer ses mandats sur ses succès iranien et cubain, et ne pas s’encombrer lors de sa dernière année d’un dernier dossier – le conflit israélo-palestinien – extrêmement délicat dans l’optique des prochaines élections présidentielles [où la démocrate Hillary Clinton fait partie des favoris, NDLR] ». Or, en l’absence d’avancée politique au Proche-Orient, l’année 2016 ne devrait pas échapper à de nouvelles flambées de violences en Terre sainte. Et une partie, au moins, en incombera à Barack Obama.
Source: Le Point