Dr. Moumouni Guindo, président de l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite (Oclei) a officiellement remis, mardi 28 novembre 2023, le rapport annuel 2022 de sa structure au président de la transition, colonel Assimi Goïta. Dans le discours du responsable, il est question des irrégularités financières estimées à 188 milliards 876 millions de nos francs, dont 1166 irrégularités administratives et 88 manquements aux exigences de performance dans les différentes structures du pays.
La rencontre impatiemment attendue a été l’occasion pour le Dr. Moumouni Guindo et ses compagnons de remettre au président Goïta des documents majeurs produits par les différents services de l’Oclei. Lesquels documents comportent du rapport annuel 2022 de la structure ; une étude sur les techniques de l’enrichissement illicite dans l’administration publique au Mali ; une étude sur la stratégie d’implication des secteurs dans les activités de prévention et de lutte contre l’enrichissement illicite ; voire un rapport d’analyse sur les subventions accordées par l’Etat aux établissements privés d’enseignement secondaire général, technique et professionnel. Le rapport 2022 épingle plusieurs secteurs ayant fait l’objet d’enquêtes par la structure et ses partenaires. Des activités visant à sensibiliser les gens pour l’abandon de la pratique ont été également menées par l’office central de lutte contre l’enrichissement illicite. Lesquelles activités ont touché 2063 personnes de toutes les couches socioprofessionnelles, annonce le responsable. De 2019 à 2022, explique Moumouni Guindo, l’office a transmis 23 dossiers à la justice pour 23 milliards 855 millions de nos francs, soit en moyenne plus d’un milliard de franc CFA par dossier. Dans lesdits dossiers, les enquêtes de l’Oclei ont identifié 503 biens immobiliers présumés illicitement acquis, à savoir 124 maisons d’habitation, 29 bâtiments commerciaux ou professionnels, 285 parcelles et 65 concessions rurales dont le total fait 181 hectares. Le montant total des fonds, présumés illicites sur les comptes bancaires des 23 personnes, se chiffre à 21 milliards 335 millions F CFA, alors que leurs revenus légitimes s’élevaient, dans la même période, à 1 milliard 106 millions de nos francs, détaille Moumouni Guindo. Les personnes incriminées dans ce dossier sont des élus, des membres du gouvernement, des cadres de l’administration générale, ceux de l’administration financière, de la justice, de l’armée, des personnels travaillant dans les affaires étrangères, les établissements publics… A l’occasion de cette remise de rapport au président de la transition, le Dr. Guindo tenait à rassurer que le conseil de l’Oclei veille au respect scrupuleux et principe du contradictoire, de la présomption d’innocence et de la confidentialité dans la réalisation de ses enquêtes.
Des écoles irrégulièrement ouvertes, des difficultés sur la déclaration des biens à la Cour Suprême.
A la date du 31 décembre 2022, l’Oclei a exploité 2842 déclarations. Dans ce discours de circonstance, le Dr. Moumouni énonce constater la baisse drastique du nombre de déclarations des biens déposées à la Cour Suprême. Conformément à sa mission, l’Oclei a réalisé des études conduites par des cabinets de consultation sélectionnés en conformité avec le code des marchés publics. Chaque rapport d’étude est validé par un atelier national auquel sont conviés des départements ministériels, des services centraux, des autorités administratives indépendantes, des syndicats et d’autres acteurs de la société civile. Ainsi, va-t-il arguer, la première étude a porté sur les techniques d’enrichissement illicite dans l’administration publique au Mali. Une étude ayant permis aux acteurs de formuler plusieurs recommandations à l’endroit des autorités. S’agissant, entre autres, d’alléger et supprimer les privilèges de juridiction et les immunités dans les dossiers de délinquance financière ; mettre en place un cadre juridique de protection des lanceurs d’alerte et d’autres acteurs de la lutte contre la corruption ; lever les obstacles à l’accès de l’Oclei aux documents domaniaux et fonciers ; renforcer la capacité des services domaniaux et fonciers dans la gestion de leurs archives… La seconde étude a porté, ajoute le Dr. Moumouni, sur l’élaboration d’une stratégie d’implication des acteurs d’activités dans les actions de prévention et de lutte contre l’enrichissement illicite au Mali. « Enfin, l’analyse faite par l’Oclei en 2022 a porté sur les subventions accordées par l’Etat aux établissements privés de l’enseignement secondaire général, technique et professionnel, dans la période de 2017 à 2021 ». « Cette analyse a révélé que, chaque année, l’Etat verse, en moyenne aux écoles privées, la somme de 49 milliards 600 millions F CFA. Avec ce montant, signale-t-on, l’Etat peut construire et faire fonctionner annuellement 80 nouveaux lycées. En outre, plus de 1 000 écoles fonctionnent avec des arrêtés présumés faux », indique-t-on dans le discours du président.
Des révélations suite à l’évaluation des activités de lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite en 2022
Courant l’année 2022, l’office central de lutte contre l’enrichissement illicite a reçu et analysé 32 rapports produits par les structures de contrôle et de régulation, enchaîne le Dr. Guindo. En claire, rapporte-t-il, l’analyse de ces rapports fait ressortir « des irrégularités financières pour un montant de 188 milliards 876 millions F CFA, 1166 irrégularités administratives et 88 manquements aux exigences de performance ». A cet effet, précise-t-il, l’Oclei recommande, entre autres aux autorités du pays ; de valoriser le contrôle interne, les inspections et le contrôle général des services publics. Cela, pour favoriser la prévention et doter les juridictions de moyens logistiques, financiers et humains afin de diligenter le traitement des dossiers. Au président de la transition, il fera savoir que l’Oclei évalue « malheureusement » dans un environnement national « ambigu » face à la corruption. Par conséquent, les enquêtes de la structure sont parfois ralenties par diverses obstructions qui continuent. Evoquant la corruption et l’enrichissement illicite dans le secteur de l’enseignement privé, l’intervenant recommande aux autorités de procéder à un contrôle administratif systématique des actes de création et d’ouverture des établissements privés de l’enseignement secondaire général, technique et professionnel sur l’ensemble du territoire national ; de veiller au strict respect des dispositions réglementaires en matière d’orientation et de réorientation des élèves dans les établissements privés ; d’adopter un plan de progression du nombre d’établissements secondaires publics… Notons que l’Oclei mène des activités de prévention dans la lutte contre l’enrichissement illicite par des séances d’information et de sensibilisation. Il contribue à la répression du phénomène à travers des enquêtes ; rassure la promotion de la collaboration interservices et de la coopération internationale…
Mamadou Diarra
Source : LE PAYS