Ce jeudi, Félix Tshisekedi est officiellement investi président de la République démocratique du Congo. La cérémonie d’investiture doit démarrer vers midi au Palais de la nation. Une première passation du pouvoir entre le leader de l’UDPS, le parti d’opposition historique, et le sortant Joseph Kabila.
Cette cérémonie intervient dans un contexte très particulier, alors que les résultats des trois scrutins du 30 décembre, présidentielle, législatives et provinciales, sont encore largement contestés, notamment parce que la coalition au pouvoir reste ultra-majoritaire dans toutes les assemblées du pays. Et pourtant, l’UDPS attendait depuis longtemps d’accéder à la magistrature suprême.
Trente-huit ans de lutte, c’est ce que rappellent les combattants de l’UDPS. C’est d’ailleurs comme cela que l’on appelle les militants du parti d’opposition historique en RDC. Trente-huit ans de lutte avec d’abord le père, Etienne Tshisekedi, figure tutélaire de l’opposition au Congo, mort en février 2017. C’est à lui que beaucoup pensent aujourd’hui, lui qui en 2011 encore revendiquait en vain la victoire à la présidentielle. Finalement, deux ans après sa mort, son fils, Félix accède à la magistrature suprême.
Un moment important pour Thotho Mabiku, l’un des conseillers du nouveau chef d’Etat : « Aujourd’hui, ce sera la première fois qu’une alternance pacifique se fait sans effusion de sang, sans problème au sommet de l’Etat. Et ça, c’est une grande victoire pour la lutte non violente de l’UDPS. Mais nous ne sommes pas dans l’autosatisfaction parce que ce n’est que le commencement. La tâche est immense et il y a beaucoup d’efforts à faire et l’UDPS, seule, ne pourra pas régler tous les problèmes. »
Depuis la proclamation des résultats définitifs de la présidentielle ce week-end, l’UDPS appelle à l’union sacrée derrière le nouveau président pour obtenir le « changement souhaité par les Congolais ». Mais cette élection, même s’il s’agit d’une alternance au sommet de l’Etat, a suscité beaucoup de contestations. De l’Eglise catholique d’abord, qui comme en 2011, a dit douter des résultats. La Conférence épiscopale avait la plus grosse mission d’observation du pays et a produit sa propre compilation des résultats qui a convaincu ces dernières semaines bien des organisations et même des chefs d’Etat, y compris sur le continent africain de réclamer la vérité des urnes malgré l’élection de l’opposant Félix Tshisekedi.
Le pouvoir Kabila reste fort
Ce cycle électoral est d’autant plus controversé que la plateforme électorale de Joseph Kabila devrait garder tous les autres leviers du pouvoir. Plus de 70% des sièges dans toutes les assemblées pour le Front commun pour le Congo (FCC) qui devrait garder la primature, l’essentiel des postes du gouvernement, des exécutifs provinciaux. Pour l’autre coalition de l’opposition, Lamuka, qui revendiquait une large victoire pour son candidat Martin Fayulu, on conteste plus que les résultats. Félix Tshisekedi, président, cela garantit la survie du régime Kabila.
C’est ce que dénonce Eve Bazaiba, secrétaire générale du MLC, membre de Lamuka : « Nehemie Mwilanya, le directeur de cabinet de Joseph Kabila, l’a dit : ‘nous avons changé de chapeau, la tête reste la même’. C’est la continuité de Kabila, présenté autrement. Parce que c’est Kabila qui tient le bâton de commandement. Et lui (Félix Tshisekedi) n’est qu’un chapeau qu’on peut changer à tout moment, ce n’est pas exclu. »
Pourtant, des attentes, il y en a et elles sont immenses. Notamment du côté de la société civile, très divisée, entre ceux qui réclament toujours la vérité des urnes et ceux qui voient dans la prise de fonction de Félix Tshisekedi l’opportunité d’un changement de gouvernance. C’est notamment le cas de l’Acaj, l’Association d’accès à la justice. Me Georges Kapiamba croit qu’avec les pouvoirs dévolus au président par la Constitution, Félix Tshisekedi peut imposer le changement souhaité et notamment grâce à son pouvoir de nomination, sur le dos, la misère du peuple congolais.
« Nous demandons, nous recommandons vivement au nouveau président d’être vigilant sur les personnalités qu’ils nomment de manière à éviter que ceux qui sont mêlés à des crimes de sang, à des crimes économiques, qui se sont enrichis de manière ostentatoire ne puissent plus bénéficier de postes de responsabilité », interpelle Me Georges Kapiamba.
Parmi les gestes qui sont attendus du côté de la société civile : la fin de l’impunité et l’ouverture de l’espace politique qui n’a cessé de se restreindre depuis quatre ans, avec, entre autres, la libération de tous les prisonniers politiques, le retour des exilés et le rétablissement du droit de manifester.
RFI