Dans un communiqué rendu public, avant-hier mardi, la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH) exprime sa vive préoccupation face à la recrudescence de l’insécurité caractérisée par des violations des droits fondamentaux de la personne humaine, dont le droit à la vie, à l’intégrité physique, à la sécurité, à la propriété, à l’éducation à la paix.
Lisez le communiqué
COMMUNIQUE N°009-2021-/CNDH-P
La Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH) exprime sa préoccupation et son inquiétude par rapport à la récurrence de cas de violations et d’abus graves des droits de l’Homme dans notre pays, parfois en lien avec la crise sociopolitique récente.
Aussi, la CNDH, après plusieurs démarches et notification de plusieurs recommandations aux Autorités compétentes, par voie de courriers officiels, dans le sens du respect des droits fondamentaux, est au regret d’établir la persistance de l’assignation à résidence surveillée, de certaines anciennes personnalités civiles et militaires de la Transition, assortie d’interdiction de visites, y compris celles de l’institution nationale disposant de mandat légal pour ce faire.
Pire, dans sa tentative de monitoring des conditions de privation de liberté de certaines personnalités, selon des informations alarmantes faisant cas de l’extension de mesures d’assignation à l’épouse et aux enfants de certaines victimes, la CNDH en a été empêchée par les agents de sécurité en poste devant le domicile concerné.
Sur le fondement de la Constitution du 25 février 1992, de la Charte de la Transition du 1er octobre 2020, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, de la Convention internationale contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants tous imposant au Mali le respect et la protection des droits de l’Homme, la CNDH :
– dénonce toute mesure de privation de liberté hors du cadre légal, y compris l’assignation dite à résidence surveillée
– appelle au respect des règles élémentaires de l’Etat de droit fondé sur le respect des lois de la République, des principes du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire et de la démocratie ;
– invite les Autorités à mettre fin à toute mesure d’assignation à résidence surveillée synonyme de séquestration ou de détention illégale ;
– rappelle que la sécurité juridique et judiciaire constitue le meilleur gage de sécurité pour tous.
Gouvernement– UNTM : sortir de l’impasse
1ère partie : Pourquoi les revendications salariales sont-elles au cœur de la récurrence des grèves dans le secteur public au Mali depuis si longtemps ?
Au cours des trois dernières années, le Mali a connu des grèves plus fréquentes, plus durables et de plus grande ampleur qui ont sérieusement affecté l’accès des citoyens aux services publics et qui de ce fait sont une menace sérieuse pour la stabilité politique du pays. Il est donc impératif que le Gouvernement y apporte rapidement une solution adéquate et durable, ce qu’il n’a pas réussi à faire jusqu’à présent.
Pour rappel, les grèves les plus dures que le pays ait connu sur cette période sont celles des magistrats (en 2018), des enseignants de l’enseignement fondamental (plusieurs grèves entre 2018 et 2020, dont une grève de cinq mois consécutifs en 2020) et cerise sur le gâteau, une série de grèves générales organisées par l’UNTM (en 2019, 2020 et 2021). De nombreuses autres grèves corporatistes ont été organisées sur 2020-2021: médecins et autre personnel de santé; personnel du ministère de l’administration territoriale ; personnel du ministère des affaires étrangères ; personnel des Directions des Finances et du Matériel ; Personnel des Directions des Ressources Humaines ; Surveillants de prisons ; etc.
La grève générale décrétée par l’UNTM à compter du 17 mai 2021, prévue pour être illimitée à compter du 31 mai faute d’accord avec le gouvernement a été suspendue le 25 mai 2021 faute d’interlocuteur avec la démission du gouvernement du Premier ministre Moctar Ouane suite au coup d’Etat. La reprise de cette grève générale est à nouveau à l’ordre du jour car un nouvel interlocuteur est désormais en place, le gouvernement du Premier Ministre Choguel K. Maïga. La menace de grève illimitée de l’UNTM est un véritable couperet sur la gorge de celui-ci à désamorcer au plus vite. Que faire pour cela et comment le faire ? On ne peut apporter une réponse pertinente à ces deux questions sans chercher à comprendre la revendication la plus difficile à satisfaire au cœur de ses ces grèves : la revendication salariale.
Les revendications d’augmentation des rémunérations des agents de l’Etat est l’une des causes majeures des conflits entre l’Etat et les syndicats de travailleurs depuis belle lurette. L’amélioration du pouvoir d’achat des travailleurs pour un mieux vivre est certes une préoccupation légitime présente dans ces revendications, mais c’est surtout le sentiment d’injustice dans les rémunérations des agents de l’Etat qui est l’une des causes majeures du
2- Blocage actuel des négociations entre l’Etat et l’Union Nationale des Travailleurs du Mali pour éviter une reprise de la grève générale seulement suspendue.
La gestion calamiteuse par l’Etat des revendications salariales est l’une, sinon la principale source de la récurrence des grèves des travailleurs depuis plusieurs années. Pour « éteindre le feu » et « se sauver sans la République », les gouvernements ont choisi la fuite en avant qui ne fait que différer et aggraver le problème. Cette fuite en avant a consisté essentiellement à :
-Prendre des engagements vis-à-vis des syndicats pour désamorcer des grèves ou y mettre fin sans les tenir : cette prise d’engagements non tenus figure dans la quasi- totalité des préavis de grève des syndicats ;
-A prendre des mesures difficilement soutenables budgétairement et/ou sources d’aggravation des inégalités injustifiées de salaire, et donc potentiellement source de nouvelles grèves ;
L’Etat a d’abord permis le décrochage de la rémunération de plusieurs catégories de fonctionnaires autres que les magistrats du Statut général des fonctionnaires en leur accordant des Statuts particuliers (enseignants-chercheurs; enseignants de l’enseignement secondaire, de l’enseignement fondamental, de l’éducation préscolaire et spéciale ; etc.). Pour rappel le Statut de la magistrature trouve sa source dans la Constitution.
L’Etat a ensuite accordé d’importantes augmentations de salaires suite à des mouvements de grève des catégories concernées. A titre d’exemple, rappelons les deux cas les plus récents : l’article 39 de la loi relative à leur Statut dispose que « Toute majoration des rémunérations des fonctionnaires relevant du Statut général s’applique de plein droit au personnel enseignant de l’Enseignement secondaire, de l’Enseignement fondamental, et de l’Education préscolaire et spéciale » ; octroi en 2020 de primes et indemnités aux magistrats de montants (1 200 000 à 1 500 000) supérieurs à la totalité du salaire du fonctionnaire le mieux payé relevant des autres Statuts.
Non seulement l’impact budgétaire de toutes ces mesures est difficilement soutenable, mais en outre elles ont beaucoup aggravé les inégalités de salaires entre fonctionnaires.
Quelques indices pour se faire une idée de ces injustices salariales :
-e plus haut salaire statutaire de fonctionnaire (2 182 400 -magistrat) est 21,5 fois plus élevés que le plus faible salaire du Statut général de la fonction publique (100 800) ;
-le magistrat le mieux payé (2 182 400) gagne 4 fois plus que le cadre le mieux payé du Statut général des fonctionnaires, 3,5 fois plus que le plus haut gradé des professeurs de l’enseignement secondaire et fondamental ; 2,7 fois plus que le plus haut gradé des
Professeurs de l’enseignement supérieur ; et 2 fois plus qu’un ministre ;
-avec un même niveau de formation (BAC+6), le salaire du Magistrat débutant (1 584 960) est 5,5 fois supérieur à celui de l’Administrateur civil débutant sorti de l’ENA (285 400), 3 fois supérieur à celui de l’enseignant Assistant débutant de l’enseignement supérieur. Mieux, ce salaire du Magistrat débutant est presque deux fois supérieur au salaire de fin de carrière du plus gradé des Professeurs de l’enseignement supérieur (800 133) et 3 fois supérieur à celui du plus haut gradé des fonctionnaires en fin de carrière du Statut général de la fonction publique ;
Aussi il est évident que la non-réciprocité du fait que le personnel enseignant de l’Enseignement secondaire, de l’Enseignement fondamental, de l’Education préscolaire et spéciale bénéficie de toutes les augmentations de salaires accordées aux fonctionnaires relevant du Statut général ne fera que continuer à creuser les inégalités de salaires entre les
3-Enseignants et les fonctionnaires relevant du Statut général des fonctionnaires. Elle est donc profondément injuste et potentiellement porteuse de conflit social.
Dans son préavis de grève du 02 novembre 2020, l’UNTM cite parmi les motifs invoqués le fait que « des mesures touchant aux grilles salariales, aux primes et indemnités accordées à des catégories de fonctionnaires créent des écarts de traitement, donc des discriminations ». Ce motif reste au cœur de toutes les grèves générales organisées par l’UNTM depuis, avec comme revendications :
-« L’octroi d’indemnités et de primes de spécialités par catégories à tous les fonctionnaires de façon équitable
– La fixation d’un chronogramme d’application immédiate pour répondre en la nécessité de restauration de l’égalité, de l’équité, de la non-discrimination (harmonisation des grilles) ».
Ces constats font ressortir très clairement qu’actuellement, le Statut général des fonctionnaires est de loin le parent pauvre du système de rémunération de la fonction publique. Mais attention, ces chiffres ne reflètent pas suffisamment les inégalités du système de rémunération de l’Etat car il ne prend pas en compte les rémunérations en espèces ne figurant pas dans les Statuts et les avantages en nature dont bénéficient certains fonctionnaires. Au titre des rémunérations hors Statuts, nous pouvons citer :
-es primes non statutaires qui ne sont pas positionnées sur le bulletin de salaire comme celles accordées aux agents des services des impôts et de la douane qui dépassent parfois le montant total du salaire statutaire pour plusieurs d’entre eux ;
-es rémunérations des heures supplémentaires dans l’enseignement supérieur qui atteignent souvent des montants conséquents.
Donc, en plus d’être fortement injuste, le système de rémunération des agents de l’Etat n’est pas suffisamment transparent car difficile de dire qui gagne combien (toutes rémunérations directes ou indirectes confondues) pour beaucoup d’entre eux.
Cette injustice salariale est aggravée par l’octroi de salaires encore plus élevés au personnel des nombreux organismes personnalisés et services rattachés de l’Etat sans justification convaincante dans beaucoup de cas (plus de deux millions par mois pour plusieurs dirigeants et cadres, cela pouvant aller jusqu’à cinq millions). En l’absence d’une politique de gestion des salaires des agents de l’Etat, c’est le pilotage à vue qui a prévalu au gré des évènements, et le système de rémunération de l’Etat est devenu une sorte de jungle où règne la loi du plus fort.
Cette fuite en avant de l’Etat a atteint ses limites : les négociations salariales sont dans une impasse dont il urge de sortir pour la paix sociale et la stabilité politique du pays. Que faire pour sortir de l’impasse sans fuite en avant et comment s’y prendre ? La deuxième partie de cet article traitera de ces deux questions.
Konimba SIDIBE
Ancien Ministre
Source : INFO-MATIN