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Insécurité à Bamako : Spirale de violence

Des braquages qui se soldent souvent par des meurtres, des vols avec violence et des scènes de vindicte populaire. On assiste à une véritable « explosion de la criminalité violente », à Bamako comme dans certaines capitales régionales, depuis quelques années. Une situation qui se caractérise par un environnement politique, économique, social  particulièrement délétère, selon les spécialistes. Si elle a toujours existé, cette insécurité, qui menace la vie des paisibles citoyens, a pris une nouvelle envergure et expose la population à des violences extrêmes. Les réponses face à ce manque d’égards pour la vie humaine sont pour le moment insuffisantes et la défiance envers les autorités ne contribue pas davantage à lutter contre le phénomène.

 

Le meurtre, le 17 juillet 2020, du Docteur Abdramane Kodio, tué dans sa pharmacie à Kalabancoura, officine ensuite cambriolée, a rappelé avec violence que l’insécurité rampante dans la capitale et ses environs est toujours d’actualité. Un cambriolage violent, dont les auteurs « suréquipés » n’en étaient pas, selon certaines informations, à leur coup d’essai.

« Les causes » de ces multiples crimes « sont à rechercher dans la crise de l’État et l’affaiblissement des structures sociales de contrôle », analyse le Professeur Bouréma Kansaye, criminologue. Et l’impunité relative renforce, selon le spécialiste, le choix du passage à l’acte du délinquant, qui a de fortes chances d’échapper à la sanction, compte tenu de la faiblesse des organes de l’État chargés de la répression de la criminalité.

La multiplication de ces actes de violence trouve aussi son origine dans la facilité d’accès aux armes pour des criminels souvent mieux armés que  ceux chargés de les combattre. Pour compléter le cocktail explosif, la  circulation des stupéfiants dont ces malfaiteurs usent contribue à en faire des toxicomanes qui n’hésitent pas, sous l’effet de ces produits, à user de la violence extrême.

Si leurs faits ne sauraient être justifiés, on peut citer parmi les facteurs de cette criminalité galopante chez une partie des jeunes les inégalités sociales, la pauvreté,  le manque d’opportunités réelles, constituant un environnement favorable au phénomène.

Facteurs connus

L’insécurité a toujours été une préoccupation, « un invariant social », chaque communauté développant  ses propres mécanismes de surveillance et de protection des rapports de ses membres et de leurs biens, l’exemple de « la sentinelle perchée dans un arbre » étant bien connu dans notre société traditionnelle. Le phénomène a cependant pris une ampleur sans précédent à Bamako et ne peut être dissocié de l’insécurité dans le centre et le nord du Mali, et dans le Sahel de façon globale, estime le Dr Kawélé Togola, anthropologue. Et le lien entre elles peut se faire à partir de plusieurs éléments, dont le premier est le trafic d’armes.

Des braquages aux assassinats en passant par les différentes formes d’agressions contre les personnes et les biens, c’est l’usage des armes qui est au cœur de la problématique. La provenance de celles-ci et la manière de se les procurer posent la question de la gestion de la circulation de ces armes.

Étant donné l’existence de plusieurs structures  de lutte contre la prolifération de ces armes de petit calibre, les plus généralement utilisées, dans la sous-région et au Mali, il est essentiel de s’interroger sur l’efficacité de ces instances.

Aussi rampant que l’insécurité, le chômage constitue aussi un lien entre la criminalité et ceux qui la commettent. « La délinquance devient donc pour eux une pratique alternative ou même substitutive au travail », explique le Dr Togola. Cette relation de cause à effet ne justifie nullement le phénomène, qui reste condamnable et mérite une réaction à la hauteur de sa gravité.

Réponses inefficaces

Pour le moment, le dispositif de sécurité ne satisfait pas les attentes. Un manque de réactivité qui inquiète et quelquefois révolte la population. Ainsi, il n’est pas rare, souligne le Dr Togola, d’entendre des citoyens se plaindre de la réaction tardive des forces de sécurité, souvent appelées en temps réel mais laissant le temps aux malfaiteurs d’accomplir leurs forfaits et même d’assurer leurs arrières, compromettant ainsi les actions pour répondre à ces faits.

Conscientes de cette forte attente, les forces de sécurité pointent du doigt un climat délétère qui ne leur donne pas le temps d’évoluer et de s’adapter à cette criminalité, qui prend chaque jour de nouvelles formes. Alors qu’elles espéraient un rapprochement avec les populations qu’elles sont censées rassurer par leur présence, les forces de l’ordre ont été prises pour cibles lors des dernières manifestations, déplore un responsable. Il espère que les unités désormais dédiées à prévenir des troubles pourront se consacrer à une lutte plus efficace contre l’insécurité.

Mais, pour rétablir cette confiance entre forces de sécurité et population, le chemin est long et n’est pas sans embûches. En effet, en plus d’enquêtes abouties, les populations attendent une justice efficace et crédible.

Lenteurs et impunité

« Bien que la justice ait besoin de temps pour son accomplissement, la lenteur excessive observable dans les procédures est constitutive d’une forme d’impunité, donc une menace au droit à la vie », notait la Commission nationale des droits de l’Homme (CNDH), dans son rapport annuel 2018.

La CNDH ajoute que les facteurs de cette lenteur de la justice sont entre autres les difficultés inhérentes à la citation des parties, la mauvaise tenue des rôles des audiences, les difficultés d’administration de la preuve, le retard excessif dans la rédaction des décisions rendues, le défaut de diligence de certaines juridictions ou encore la banalisation de la procédure de révision des décisions de justice devant la Cour suprême.

Et le rapport entre les violations des droits de l’Homme et l’impunité est évident, en ce sens que celle-ci est la sève nourricière de celles-là, précise le rapport. Le sort judiciaire réservé aux auteurs des infractions criminelles ne permet pas non plus de dissuader de nouveaux auteurs et d’empêcher les anciens de récidiver, ce qui pose le problème de l’efficacité même de la répression de ces faits.

Si elles doivent être renforcées dans leurs capacités institutionnelles, les procédures judiciaires doivent être également adaptées pour permettre à la justice d’accomplir à souhait ses missions.

La demande de justice doit être davantage renforcée, à travers la sensibilisation et l’information, en vue d’une participation efficiente des victimes et ayants droit, selon la CNDH.

En amont de la chaîne de la répression se trouvent les forces de l’ordre, dont la formation et la qualification se pose comme problème avec acuité. Pour circonscrire le phénomène, il est essentiel que ceux chargés de mettre en œuvre les sanctions prévues communiquent aussi avec les citoyens. Une absence de lien qui peut donner à la population « le sentiment d’être trahie », relève le Dr Togola.

Mais lutter efficacement contre le phénomène de la criminalité revient d’une part à organiser une bonne prévention, ce qui demande du temps et de la patience, et d’autre part à avoir une répression efficace, souligne le Professeur Kansaye.

La prévention passe par des réponses aux facteurs contribuant au fléau. En effet, « pour prévenir, il faut des politiques publiques qui touchent les couches vulnérables, et de manière spécifique les jeunes, en leur offrant des opportunités et en leur permettant de s’insérer dans la société. Il faut créer d’autre part une certitude de la répression », en dotant la police de moyens efficaces et en renforçant la justice.

Fatoumata Maguiraga

Journal du Mali

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