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Inna Modja​ : “L’Afrique n’est pas en retard mais ultra-moderne !”​

Avec son nouvel album “Motel Bamako”, la chanteuse malienne Inna Modja, surprend de nouveau, en mêlant plusieurs genres musicaux, hip hop​, électro, sonorités traditionnelles maliennes. Enregistré entre Bamako, Paris et Londres, avec de nombreux musiciens maliens, elle y rappe et chante même en bambara, sa langue maternelle. Dans cet opus, plus intime que les précédents, où elle ose parler d’elle, de ses préoccupations, de ses espoirs, elle évoque aussi une Afrique moderne, en pleine ébullition, dotée d’une jeunesse dynamique et ultra-moderne. Rencontre.
chanteuse malienne Inna Modja

​Elle est dès le premier abord, très chaleureuse, révélant son grand sourire. Poignées de main franche. Elle donne l’impression à ses hôtes de les avoir toujours connus, montrant aussi son sens de l’hospitalité comme c’est le cas de la plupart des habitants de son pays d’origine, le Mali. “Vous voulez voir quelque chose peut-être”, nous propose Inna Modja, qui a fixé le rendez-vous dans ce petit bar-restaurant très huppé de la capitale parisienne. Arborant fièrement son éternelle afro,​ vêtue de façon très simple, un jean mariée à une veste tendance et des bottines, assise confortablement sur un des fauteuils rouge du bar, les longues jambes filiformes croisées l’une à l’autre, elle semble apaisée, prête à être interrogée sur son nouvel opus Motel Bamako, où elle se livre sans tabou, qui contraste avec le précédent Love révolution, beaucoup plus enjoué. Interview.

​Sur cet album, les thèmes que vous abordez sont beaucoup plus graves que sur le précédent. Etait-ce une façon de montrer une autre facette de vous ?

Pourtant même dans le précédent album, j’abordais des thèmes assez sombres bien que la musique soit enjouée. Je pense que French Cancan, un morceau très léger, a fait penser à beaucoup de gens que toutes les chansons de l’album était très légères. Le titre a fait de l’ombre à tous les autres, même si cette chanson m’a portée chance et m’a permis de me faire connaitre du grand public et j’en suis très heureuse bien sûr. Sur Motel Bamako je parle plus de moi, des choses qui me tiennent à cœur, je me livre plus. Je ne suis pas juste quelqu’un de solaire. (rires) J’ai aussi ma part d’ombre qui fait parti de ma personnalité, et qui se révèle. Je l’assume totalement. D’ailleurs je n’ai jamais dit aux gens que j’étais solaire.

Vous étiez donc enfin prête à parler plus de vous dans cet album ?

Oui, en général je me cachais derrière les histoires des autres que je racontais comme des contes. Ce n’est pas facile de parler de soi, et je n’avais pas forcément envie de me mettre en avant sur l’album précédent. Dans celui-ci, je chante même dans ma langue, je parle de mes engagements, de ce qui me préoccupe. Je parle aussi de l’Afrique actuelle. Je n’avais pas envie d’aborder les problèmes mais la beauté de l’Afrique et je voulais rappeler qu’il n’y a pas que la guerre. Chaque fois que je suis là-bas je ressent une belle énergie en Afrique, les jeunes sont hyper modernes, ils sont dynamiques. J’avais envie de parler de cela pour que les gens s’en rendent compte. Souvent on a tendance à croire que l’Afrique est en retard. Ce n’est pas le cas. L’Afrique n’est pas en retard mais au contraire ultra moderne et dans l’air du temps avec ses propres règles et propres façons de faire.

​Dans votre titre Tombouctou, vous rendez aussi hommage à cette ville mythique. Qu’est ce qu’elle vous évoque ?​

​Tombouctou es​t une ville importante pour le Mali mais aussi pour toute l’Afrique. Une vieille expression dit d’ailleurs que Tombouctou est le bout du monde. C’est la ville des 333 saints, c’est aussi là qu’il y a eu la première université. Le fait de savoir que Tombouctou n’est pas encore totalement libre, est très difficile, c’est une atteinte à la liberté des Maliens.

​Il faut admettre que ça a été une véritable surprise de vous entendre rapper en bambara dans un de vos titre, le premier de l’album d’ailleurs. Le rap, c’est nouveau ?

​P​as du tout​, c’est nouveau pour le public, mais pas pour moi. ​Je rappais déjà en bambara depuis que j’ai 15 ans. ​J’ai très tôt appris à écrire mes textes en bambara. Je n’ai pas appris en trois mois à faire ça, ça aurait été un peu compliqué je pense. Et cela n’a rien d’étonnant, ​le hip hop ​est le ​genre le plus populaire au ​M​ali​. Beaucoup d’artistes de hip-hop chantent en langue locales. ​Après la musique traditionnelle, il faut savoir qu’au Mali le hip hop​ vient en deuxième position, tout comme au Sénégal, où on a énormément d’artistes et de groupe de hip hop comme Daradji​, oule PBS. ​Le hip-hop a été créé pour dénoncer les inégalités sociales donc ce n’est pas étonnant qu’il soit très présent en Afrique aussi.

C’est aussi un album engagé ​où vous dénoncez l’excision​…​

​Je ne parle pas directement de l’excision. Je parle de la condition des femmes. C’est très important car les femmes sont l’avenir de l’Afrique. Elles aident au bon fonctionnement d’une famille. C’est important qu’une femme ait une belle place au sein de la société. ​

​Comment s’est déroulé la préparation de l’album ?

​J’ai mis plus de deux ans et demi à réaliser cet album. La difficulté était de marier la musique occidentale aux sonorités maliennes. Comment faire pour mêler les trois types de musique très différentes, j’ai mis finalement plus d’un an à trouver comment faire. J’ai invité pleins d’artistes à y participer mais si vous ne savez ​pas ​où vous allez ça ne peut pas fonctionner. Il fallait qu’ils trouvent leur place dans mon univers et je voulais aussi éviter que l’album devienne trop éclectique donc il fallait que je sache dès le départ où je voulais aller.

On entend également régulièrement des notes de ​kora​​ qui apparaissent ici et là dans vos morceaux. Que représente cet instrument mythique pour vous ?

​J​e joue ​de la kora​ mais pas très bien. Je ne suis pas Toumani Diabaté mais ​dans cet album ​je l’utilise​​​ comme on joue les samples dans le hip-hop​. C’est une façon unique de joue​r​, après ​qu’​on aime ou pas, ça vient de m​a ​créativité, ​de ma propre pensée. ​C’est une façon d’apporter ma petite pierre à l’édifice dans tout ce ​qui ​se fait déjà​.​

Comment êtes-vous tombée dans la musique ?​

​Alors je ne viens pas d’une famille de musiciens. Mon père était diplomate dans de nombreux pays africains. On a vécu dans de nombreux pays africains notamment au Ghana, que je considère comme mon deuxième pays puisque j’y ai en partie grandi. Sixième d’une famille de sept enfants, mes frères et sœurs ont tous choisi un parcours classique. Je suis en fait quasiment la seule qui ait choisi une voie artistique. J’ai commencé à chanter lorsque j’étais adolescente. J’écrivais au début beaucoup de poèmes. Ensuite, j’ai dû me rendre compte à un moment que les poèmes ce n’était pas cool. Je me suis aussi rendue compte au fil du temps que j’aimais la musique et que c’est ce que je voulais faire. J’avais la chance que la maison de Salif Keita était juste à côté de la notre. Je me suis un jour rendu chez lui pour lui parler de ma passion pour la musique. Il m’a alors prise sous son aile et m’a intégré au Rail Band. C’est dans ce groupe que j’ai vraiment appris à faire de la musique, et à chanter. J’écrivais au début beaucoup pour les autres avant de commencer à écrire mes propres morceaux et de me lancer en solo. Hormis Salif Keita, des artistes comme Oumou Sangaré ou encore Cheikh Tidjane m’ont également beaucoup soutenus.

Vous avez en grande partie toujours vécu en Afrique, comment êtes-vous arrivée en France ?

Je suis venue en France pour étudier. J’étais au début aux Etats-Unis pour faire des études de lettres, ensuite je suis venue à Paris. Pour pouvoir m’en sortir, j’ai fait du mannequinat. Comme je viens d’une grande famille, il fallait que je trouve un boulot pour me prendre en charge. J’étais heureuse qu’on me propose de faire du mannequinant car j’avais postulé partout, dans la vente, même au Mdco, mais personne n’a voulu de moi. (rires). Je me suis donc rabattu sur le mannequinat et comme je suis curieuse, j’ai profité du moment.

​ A quand un concert en Afrique ?

Lors de ma dernière tournée, je n’ai pas pu me rendre au Mali. Je me suis fait interpeller pleins de fois sur internet où l’on me demande quand je viendrai faire un concert en Côte d’Ivoire par exemple ou dans d’autres pays africains. On ne peut pas tout faire en une nuit, ​mais c’est prévu bien sûr que je me représente sur scène en Afrique.

Source: Afrik

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