Dans la nuit du samedi au dimanche, au bout d’une lutte stoïque contre le mal, Bara Sambarou s’en est allé. Il avait 73 ans et une carrière kilométrique. Il s’appelait exactement Bara Sambarou Housseini, comme me l’apprendra le président de la République, Ibrahim Boubacar Keita, grand Malinké devant l’éternel qui se lamente pourtant : «Bara n’enchantera plus ces belles nuits où il savait dire la gloire et la bravoure d’Ambodejo et d’autres». Le dernier grand barde du Macina, aussi populaire dans sa terre que Bob Dylan chez les siens, est mort dans son lit et dans sa maison. Cela n’est pas donné à tout le monde et Dieu en soit loué. De toutes les façons, personne n’y pouvait rien et personne n’y coupera. Pour chacun d’entre nous, il y a un moment et un lieu où ça s’arrête et ne compteront alors que l’œuvre accomplie, l’héritage laissé. A cet égard, Bara est sans égal. Sans être le concepteur de gambari, il en est l’interprète le plus connu. Dès les premières notes de ce « chant- culte », la guitare (hodu) et la poésie de cet énorme artiste désormais couché, récrée l’ambiance des ports de pinasses, les rives du Debo, les marchés chatoyants où cohabitent Bozos et peulh, bamanan et Dogons, poisson et lait, riz et bœufs. Car le Delta intérieur du Niger avait su avoir le monopole de ce paisible voisinage entre chaque chose et son contraire, jusqu’en ces temps de zizanie obscurantiste que Bara Sambarou a choisi de quitter. Le gardien du temple, qui avec Yero Arsoukoula, défendait pied à pied les hommes et l’esprit de Hamdallahi, ne pouvait sans doute pas soutenir les prêches de l’islam encagoulé. Car il se savait à fois le vigile d’une Culture et voix d’une Histoire. Sa guitare était un peuple et son message un monde. Nul comme lui n’aura su aussi bien , joué sa partition.
La rédaction