Dans le cadre de la lutte contre certaines formes de violences, les médias sociaux peuvent être d’un apport inestimable, selon Human Rights Watch. Ils peuvent aider en développant des méthodes d’archivage des contenus ayant un caractère violent.
Préserver les contenus considérés comme ayant une dimension terroriste, violemment extrémiste ou haineuse afin de faciliter les éventuelles enquêtes sur les actes criminels graves, telle est la recommandation faite par HumanRights Watch aux plateformes de médias sociaux ainsi qu’à d’autres organismes concernés. Dans un rapport de 42 pages intitulé « Vidéo non disponible » : Les plateformes de médias sociaux suppriment des preuves de crimes de guerre », cette organisation de défense des droits de l’homme précise : « Les plateformes devraient s’assurer que le contenu soit disponible pour soutenir les enquêtes nationales et internationales ainsi que les recherches menées par des organisations non gouvernementales, des journalistes et des chercheurs ».
Selon la chercheuse senior auprès de la division Crises et conflits à HumanRights Watch, BelkisWille, « certains contenus que retirent Facebook, YouTube, et d’autres plateformes ont une valeur essentielle et irremplaçable comme preuves de graves violations de droits humains ». Et de poursuivre : « Sachant que les procureurs, les chercheurs et les journalistes s’appuient de plus en plus sur les photographies et les vidéos publiées publiquement sur les médias sociaux, ces plateformes devraient en faire plus pour leur garantir l’accès à des preuves éventuelles d’actes criminels graves. »
Dans un communiqué publié à l’occasion de la sortie de ce rapport, HRW indique que « le contenu des médias sociaux spécialement les photographies et les vidéos publiées par les auteurs, les victimes et les témoins de violence est devenu de plus en plus essentiel à certaines poursuites pour crimes de guerre et d’autres actes criminels graves ».
Examinant les contenus de Facebook, Twitter ainsi que YouTube, HRW rapporte que sur « 5 396 éléments de contenu cités en référence dans 4 739 articles, dont la plupart ont été publiés au cours des cinq dernières années, elle a constaté que 619 (soit 11 pour cent) d’entre eux avaient été retirés ».
Toutefois, cette organisation de défense des droits de l’homme souligne qu’au cours des dernières années, ces médias sociaux ont fourni assez d’efforts pour « mettre hors ligne les publications qui, selon eux, enfreignent leurs règles et les orientations communautaires ou normes figurant dans leurs conditions de service ». Comme publications concernées par cette censure, HRW cite : les contenus estimés comme terroriste ou violemment extrémiste, les discours haineux, la haine organisée, les comportements haineux et les menaces violentes.
« Les sociétés retirent les publications que signalent les utilisateurs et les contenus qu’examinent des modérateurs. Mais ils utilisent aussi de plus en plus fréquemment, des algorithmes pour identifier et retirer les publications fautives, si rapidement parfois qu’aucun utilisateur n’en voit le contenu avant son retrait », explique-t-on. Toutefois, HRW pose des interrogations : « On ne sait pas très bien si les sociétés de médias sociaux stockent les divers types de contenus qu’elles retirent ou dont elles empêchent la publication, et dans ce cas, pour combien de temps ».
Tout compte fait, ce retrait est apprécié par HRW qui estime que le « retrait permanent de ce contenu peut néanmoins les rendre inaccessibles et entraver les efforts de responsabilité pénale ».
« Il n’existe encore aucun mécanisme permettant de préserver ou d’archiver les retraits des médias sociaux susceptibles de fournir des preuves essentielles de violence, encore moins d’en garantir l’accès par ceux qui enquêtent sur les crimes internationaux », déplore HRW dans ce rapport, publié le 10 septembre, avant de souligner : « Faire répondre des personnes coupables d’actes criminels graves peut décourager des violations ultérieures et favoriser le respect de la légalité ».
À en croire cette organisation de défense des droits de l’homme, « l’intervention de la justice pénale peut aussi aider à redonner leur dignité aux victimes en reconnaissant leurs souffrances et en aidant à créer un document historique qui protège contre le négationnisme de ceux qui nient la réalité de ces violences ».
HRW invite à la création d’un cadre de collaboration entre les sociétés de médias sociaux et tous les intervenants concernés « en vue d’établir un mécanisme indépendant ayant un rôle de liaison avec les plateformes de médias sociaux et de préservation de ce contenu ». À ses dires, « l’archive en question doit être chargée de trier et de donner accès à ce contenu à des fins de recherche et d’enquête conformément aux normes de droits humains et de confidentialité des données ». HRW recommande aux médias sociaux plus de transparence dans leur méthode de retrait de contenu.
BelkisWille reconnait néanmoins : « Nous sommes conscients que la tâche à laquelle sont confrontés les médias sociaux n’est pas facile, notamment celle de trouver un juste milieu entre la protection de la liberté d’expression et de la confidentialité et le retrait de contenus qui peuvent occasionner de graves préjudices ».
F. Togola