Le premier rôle lui semble tellement réussi qu’il y a matière à s’interroger sur sa réelle volonté à s’impliquer dans le retour de l’honorable Soumaïla Cissé, qui doit être mieux dans ce rôle que les acteurs religieux
La sortie mouvementée des dernières élections législatives d’avril et mai 2020 a servi de tremplin pour les anciens amis et alliés du président de la République Ibrahim Boubacar Kéïta, notamment l’ancien président du Haut conseil islamique, l’imam Mahamoud Dicko, les anciens ministres Choguel K. Maïga, le bouillant Mohamed Aly Bathily et Me Mountaga Tall, passés dans l’opposition depuis la dernière élection présidentielle de 2018, pour alimenter une forte contestation populaire de certaines Institutions de la République. Unis désormais dans un regroupement politique, dénommé M5-RFP, les contestataires, sous le leadership de l’imam Dicko, présenté par les siens comme l’autorité morale du regroupement, avaient exigé la démission du Président de la République et tout son régime pour être remplacé par des Organes de la Transition devant conduire le Mali vers une nouvelle heure.
Dans un pays très éprouvé par les difficultés économiques, datant fondamentalement de la rébellion du MNLA en 2012, un tel slogan de mobilisation ne pouvait qu’avoir des échos retentissants. Conscient de cette situation explosive, l’opposition politique, notamment le FSD, en l’absence de son président l’honorable Soumaïla Cissé, qui se trouve en ce moment entre les mains des ravisseurs sans foi ni loi, le Mouvement politique de l’ancien ministre de la Culture d’ATT, Cheick Oumar Sissoko, « Espoir Mali Koura » (EMK), auxquels se sont greffés un conglomérat de partis et d’associations politiques et mêmes des personnalités politiques s’organisent autour du Mouvement politique de l’Imam, la CMAS pour appeler à la mobilisation contre le président IBK et son régime. La première manifestation populaire convoquée à cet effet, le 5 juin passé a été un succès total. Des milliers de Maliens de les toutes sociales ont répondu à l’appel du 5 juin sur au carrefour du Monument de l’Indépendance. Les manifestants galvanisés par les slogans mobilisateurs des animateurs de la scène, chantonnaient la démission d’IBK et son régime. Sur les pancartes, on pouvait lire clairement des slogans « IBK DEGAGE ».
Ce jour-là, l’imam Dicko, qui se faisait désiré par la foule, a volontairement pris un gros retard avant de rallier la manif. Pendant ce temps, les idéologues de son mouvement, notamment Kaou Djim enflammaient la foule avec son nom, multipliant par zéro, les leaders politiques, venus plus tôt. Il s’agit de Choguel K. Maïga, qui parle au nom du FSD, en lieu et place de l’honorable Soumaïla Cissé, sans jamais insisté sur son rôle de secours en l’absence du principal ; Me Mountaga Tall, qui parlait en son nom et au nom de son parti le CNID, pour ne citer que ceux-ci. La liste des intervenants était très longue.
C’est vers la fin du meeting que l’Imam est annoncé par son protocole. Très ovationné par un public en délire, Mahamoud Dicko prend place dans la tribune avant de s’adresser au public. Son porte-parole, Kaou Djim, prendre le micro pour l’introduire. A la différence de ses prédécesseurs au pupitre, l’intelligent imam ne prononce pas un seul mot de la démission du Président et son régime. En lieu et place du mot d’ordre, l’Imam a lancé en langue nationale Bambara, un message fort et surtout dans un ton et un regard très menaçant. Le message transcrit dit ceci : « Comme tu ne manques pas de stratégie pour se débiner dans la mise en œuvre des accords politiques, cette fois-ci, je te préviendrai plus de ce qui va se passer la prochaine fois ».
Ce ton et le regard menaçant de l’imam Dicko n’a laissé aucun spectateur de la scène. Du coup la classe politique de la majorité et les amis du Mali ont aussi volé au secours du président IBK. Lesquels se sont levés comme un seul homme pour démarcher le leader religieux et ses camarades politiques. La Chancellerie américaine est allée plus fort en disant ouvertement que son pays est opposé à tout changement non prévu par la Constitution. La deuxième manifestation, tenue le 19 juin dernier, annoncée comme décisive, n’a finalement été qu’une simple tempête dans un verre d’eau. Les milliers de manifestants, qui avaient effectué le déplacement dans l’intention de déloger IBK du Palais de Koulouba sont retournés à la maison la mort dans l’âme. Ils étaient très fâchés contre l’imam, qui n’a pas donné de consignes de destruction massive. Officiellement, il dit avoir tenu parole à un engagement pris la veille avec les représentants de la CEDEAO, qui avaient effectué le voyage de Bamako pour plaider le dialogue comme mode de règlement du différend politique et non la violence. Dans la suite du dialogue instauré entre les deux camps, l’imam Dicko, qui est l’autorité morale du regroupement devient du coup l’interlocuteur principal et des médiateurs de la Communauté dite internationale et de la majorité présidentielle, conduite par Dr Bocary Téréta. Et en dernier ressort le président de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta. Lequel le reçoit en grande pompe, à part, le vendredi dernier avant de rencontrer sa majorité, le samedi et le reste du M5-RFP le dimanche dernier.
Dans toutes ces démarches, l’imam Dicko, qui revendique, certes, un leadership religieux, en tant qu’imam, dit-il. Mais, il n’en demeure pas moins qu’il dirige un mouvement hétéroclite, constitué d’acteurs politiques et d’acteurs religieux, notamment des leaders musulmans. On se rappelle que la démarche avait été qualifiée en son temps par l’ancien Premier ministre Soumeylou Boubeye Maïga, comme une activité politique menée par « des acteurs hybrides ».
Sauf que la manifestation du 05 avril 2019, alors dirigée contre le Premier ministre Soumeylou Boubeye Maïga, s’était déroulée en présence du chef de fil de l’opposition, qui tenait pleinement son bâton de leader de l’opposition légale et légitime. Cette fois-ci, c’est l’imam Dicko qui joue pleinement ce rôle de fait. Il est vrai que l’honorable Soumaïla Cissé est retenu par des prétendus djihadistes, il est vrai que dans toutes ces manifestations, l’imam Dicko, regrette la disparition de l’honorable, mais réellement, serait-il prêt à accepter encore Soumaïla Cissé comme le chef de fil de l’opposition et se plier à son leadership ? C’est la question qui taraude nombre d’observateurs de la scène politique. Selon nos interlocuteurs, c’est pour cette raison, que ces derniers temps le président IBK aime à répéter dans ses prises de paroles publiques, il rappelle son attachement au retour de son frère Soumaïla Cissé. En le disant, il pense à une clarification des rôles.
A l’URD, certaines grosses pointures commencent à murmurer sur la réelle volonté de l’imam à s’impliquer dans la recherche de leur leader. Et, pourtant d’abord c’est la famille de l’honorable qui a fortement sollicité son implication à la recherche de la solution, après c’est la Cellule qui le saisit à son tour pour lui renouveler son souhait à le voir s’impliquer fortement. Effectivement, tous les signaux prouvent qu’il a effectivement pris le problème à bras le corps. Il a même envoyé des émissaires dans la zone d’opération des présumés djihadistes. Mais, jusque-là le résultat se fait désiré. Surtout que les nouvelles missions que l’imam s’est données leur donne du souci. Certains, se pose la question s’il ne les a pas oublié. Car depuis, les prises de contacts, ils s’attendent à des retours, qui n’arrivent pas. « Nous osons croire qu’il ne nous pas oublié », s’inquiète, un interlocuteur, qui a requis l’anonymat.
La même remarque sied au Choguel K. Maïga, qui semble prendre son rôle de second tellement au sérieux, qu’il semble oublier le principal.
Attendons de voir la suite.
A. Diakité
Source : Le Tjikan