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Il y a un an, la signature de l’accord de paix par la CMA: la bonne foi à rude épreuve

20 juin 2015. Dans la grande solennité des retrouvailles au CICB. La CMA, presqu’un mois après de nombreux acteurs, y compris la communauté internationale et le gouvernement, signait, à son tour, l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali. Un accord de paix devenu inclusif à partir de cette date, engageant dès lors la responsabilité de toutes les parties. Comme le 15 mai, premier acte de signature de l’accord ; ce jour du 15 mai, en présence du président IBK, du gotha national et des personnalités venues d’un peu partout dans le monde, c’était l’hymne de la paix. Il n’en demeure pas moins que les ennemis de la paix s’étaient également manifestés, à travers une déclaration incendiaire, émanant de personnages bien connus qui continuent toujours, sans essuyer la moindre crainte, de saboter le processus de paix en cours. Un an, presque jour pour jour, après la signature, par la CMA, de l’accord de paix, le constat tient un peu à ce paradoxe, où défenseurs et ennemis de la paix se montrent à visages découverts.

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Ce 20 juin 2016, premier anniversaire de la signature de l’accord de paix, au CICB, par la CMA, est un symbole. Un anniversaire, tant attendu, qui coïncide, dans quelques jours, avec une nouvelle résolution de l’ONU qui sera prise, aux Nations-Unies, pour renouveler le mandat de la Minusma qui sera éventuellement renforcé, pour la rendre robuste, en vue de prévenir les nombreuses menaces que représentent aujourd’hui l’intensification et la planification des attaques terroristes contre les contingents de la Minusma et de l’armée malienne. C’est en tout cas, le vœu exprimé par le Premier ministre, Modibo Keïta, lequel vient de boucler une mission officielle auprès du Conseil de sécurité des Nations-Unies, où il a tenu à exprimer l’engagement du Mali en faveur de la paix.

Un président comblé
20 juin 2015. Dans les retrouvailles des grands jours. C’est un président IBK, comblé de pouvoir réunir tous les frères, jadis dissidents, en un même lieu de rassemblement pour la paix, qui dira ceci à l’entame de ses propos protocolaires : « Nous ferons en sorte que nul ne soit déçu. Que main dans la main, nous fassions du Mali, une fois terminé, le plus envieux que jamais des pays. Du Mali, nous en ferons un pays envieux, par les routes que nous bâtirons très rapidement ; des routes qui réuniront Bamako à Kidal, Aguelhoc, Tin Essako, Abeibara. Ainsi, nous pourrons tranquillement aller en vacances à Abeibara ». Un vœu de paix, partagé par les Maliens, dans leur grande majorité, qui, depuis près d’un an que l’accord de paix a été signé par tous les protagonistes de la crise, ne comprennent pas jusqu’ici comment les obstacles contre la paix se multiplient. Au point de menacer la paix si fragile, si difficile à construire.
Pourtant, ce jour-là, quand le représentant de la CMA a signé solennellement le document de la paix, dans la bouche de tous les intervenants, il y avait la célébration de la paix. De la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), à l’Association Malienne des Droits de l’Homme (AMDH), au WILDAF- Femmes Droits et Développement en Afrique Association DEME SO, l’AJM-Association des Juristes Maliennes, en passant par le Collectif Cri de Cœur (CCC), le Réseau Régional des Associations des Victimes des Evènements du Nord (2RAVEN, l’Association des victimes (GAO, tout le monde s’était érigé en grand défenseur de la cause de la paix. Côté groupes armés, c’était le même hymne à la paix. Le porte-parole de la plate-forme, Me Harounah Toureh, lui, s’était illustré à l’occasion d’un discours de grande sagesse, tel qu’il pouvait enflammer en son temps les cœurs et les esprits. Il a commencé à dire ceci : « Nous nous réjouissons ce jour 20 juin 2015 de la signature par nos frères de la CMA de l’Accord du 15 mai 2015 tant attendue par les populations du Nord, en ce qu’elles croient que cet accord porte en lui, un espoir de paix et de réconciliation et leur offre la chance de reconstruire et consolider leurs liens sociaux faits de brassage, de fraternité et de solidarité dans la diversité. Enfin arrive pour chacun de nous, membre des groupes armés de la « Plateforme d’Alger et de la déclaration d’Alger » l’heure de vérité, l’heure de la preuve de notre engouement réel et de notre désir sincère de sortir nos communautés plongées par notre faute dans la détresse et le doute, l’heure des responsabilités est arrivée ».
Ce fut un grand moment d’éveil de conscience nationale.

Le monde entier au chevet du Mali
Sous le même registre de la paix, comme à l’accoutumée, l’adresse du SG de l’ONU a été entendue. Le patron de l’ONU, qui suit avec intérêt l’évolution de la situation au Mali, a lui aussi salué ; ce jour-là, la signature à Bamako de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali par les groupes armés de la Coordination, tout en se réjouissant que le gouvernement du Mali et les groupes armés de la Plateforme l’avaient déjà signé, le 15 mai. En félicitant les parties maliennes et l’équipe de médiation, dirigée par l’Algérie, pour leurs efforts, qui ont mené au parachèvement du processus de signature,
le Secrétaire général considère que « la signature par toutes les parties ouvre la voie à la mise en œuvre intégrale de l’Accord de paix selon le calendrier établi ».
L’ambassadrice Bisa Williams, sous-secrétaire adjointe chargée des questions de politique économique de l’Afrique de l’Ouest et Sub-saharienne, n’a pas manqué d’exprimer l’engagement des États-Unis au profit de la paix : « Les États-Unis se joignent à la communauté internationale en déclarant notre engagement pour le succès des efforts du Mali pour parvenir à une paix durable, comme un seul peuple avec un but et une seule foi, et avec plusieurs voix. Cette paix sera atteinte grâce au travail acharné, la compréhension mutuelle et la coopération, suivant les paroles de Nelson Mandela, selon lesquelles « Nous travaillerons ensemble pour soutenir le courage là où il y a la peur, pour encourager la négociation là où il y a le conflit, et donner l’espoir là où règne le désespoir ».
La haute Représentante, vice-présidente Federica Mogherini et du commissaire de l’Union européenne pour la coopération internationale et le développement, Neven Mimi, étaient toutes les deux présentes à Bamako, ce jour-là. Pour l’UE : « La signature par toutes les parties de l’Accord de paix pour le Mali est une nouvelle étape importante du long processus visant à rétablir la confiance mutuelle. Cet accord va contribuer à la restauration de la stabilité et de la sécurité, à l’amélioration des conditions de vie pour la population et ouvrira la voie à la réconciliation nationale. Toutes les parties doivent maintenant remplir leurs obligations, et en priorité respecter le cessez-le-feu encore fragile que tous les groupes armés se sont eux-mêmes engagés à respecter ».
Comme lui, des représentants de la France et l’Algérie, chef de file de la médiation dont le rôle robuste a été salué et apprécié comme tel, ainsi que de nombreux autres représentants de pays ou de structures, fortement impliqués dans la résolution de la crise malienne, ont également parlé en faveur de la paix retrouvée. Depuis Addis Abeba, où elle se trouvait, la présidente de la commission de l’Union africaine (UA), Dr Nkosazana Dlamini-Zuma, a adressé des mots de paix à la rencontre de Bamako. En se réjouissant de la signature, par la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA), ce 20 juin 2015, à Bamako, de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du Processus d’Alger, ouvrant ainsi la voie à la mise en œuvre consensuelle des dispositions qui y sont contenues, la présidente de la commission de l’UA a exprimé « l’engagement de l’UA à suivre et à accompagner le processus de mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, dont elle est l’un des garants », tout en appelant les « États membres de l’UA et l’ensemble de la communauté internationale à mobiliser le soutien politique, financier et technique nécessaire pour l’application effective de l’Accord ».

L’espoir d’un peuple
En faveur de la paix, les bonnes intentions n’ont pas manqué, ce jour-là où la CMA a signé l’accord de paix. Même si on a déploré l’écho de certains oiseaux de mauvais augure, à la trempe du très décapant Moussa Ag Assarid qui, depuis son exil européen, intensifie les obstacles contre la paix au Mali, il est évident que la signature de l’accord de paix par la CMA, ce 20 juin 2015, a créé l’espoir chez les Maliens d’une paix retrouvée. Depuis ce 20 juin 2015, il est vrai que les responsables des groupes armés, qu’il soit de la plate-forme ou de la CMA, ont retrouvé entre eux le chemin de la paix. Ce fut la paix dans la paix : autrefois ennemis jurés, les deux responsables des deux mouvements armés, qui ne se partageaient absolument rien du tout, ont tout de suite retrouvé le besoin de s’unir et de parler du même langage, concernant les nombreux aspects liés à la mise en œuvre du processus de la paix. Régulièrement, les deux mouvements armés, à savoir la CMA et la plate-forme qui ne s’entendaient pas du tout, il n’y a pas encore longtemps, ont initié des actions communes, avec en fond de toile des déclarations publiques ou des accords paraphés, pour se faire entendre sur l’évolution du processus de paix. Ce fut le cas récemment pour la mise en place des autorités intérimaires, où les deux mouvements armés combinés ont menacé de boycotter les travaux du Comité de suivi de l’accord de paix. Même ambiance de protestation des mouvements armés en ce qui concerne la constitution des patrouilles mixtes : parlant du même langage, les deux groupes armés ont estimé dans une déclaration publique qu’ils n’entendent entamer aucune opération dans le sens de la mise en œuvre de l’accord de paix, tant que préalablement les autorités intérimaires ne sont pas constituées. En fait, la semaine dernière, avec le gouvernement du Mali, ils ont tous les deux signé une entente, prévoyant des dispositions pratiques, assorties d’un chronogramme détaillé, pour la mise en place de ces autorités intérimaires, selon des modalités convenues.

Volte-face des groupes armés
Dans les faits, il y a un an, au moment de la signature de l’accord de paix par la CMA, si les parties étaient convenues sur le fait que la mise en œuvre de l’accord de paix ne sera pas facile ou immédiate, d’autant qu’elle requière le dévouement ainsi que l’attention de tous pour réussir, il est aujourd’hui facile de constater que c’est sur le gouvernement, quelque peu esseulé sur la question sensible et complexe de la paix, que les pressions des groupes armés se consacrent. Dans leur entendement, il n’est pas question ni de participer aux patrouilles mixtes, ni de suivre les travaux du comité de suivi, tant que le gouvernement ne se décide pas à mettre en place, et de manière systématique, les autorités intérimaires. Cette nouvelle exigence des groupes armés, qui peut apparaît comme une lourde menace contre le processus de paix, qui est déjà mal au point à cause de nombreuses attaques et infiltrations terroristes contre les installations militaires, est également une énième pression sur le gouvernement, accusé d’avoir trainé les pieds. Or, il est clair que si les autorités intérimaires, comme elles sont prescrites par les dispositions de l’accord de paix, sont cruciales pour la matérialisation du processus de stabilisation, il est évident qu’elles ne sont pas systématiques, comme l’exigent les groupes armés, qui, souhaitent, eux, une généralisation de la norme dans toutes les localités des régions nord du pays. Ce qui du reste n’est pas prévu dans l’accord de paix.

Collusion entre des groupes armés et des terroristes
Autre incongruité : le premier anniversaire de la signature de l’accord de paix par la CMA, au-delà de la polémique, coïncide avec de graves accusations de connexions entre certains groupes armés et les groupes terroristes qui, on le sait, ont pris le pari de saboter le processus de paix, en accentuant des raids meurtriers, dans de nombreuses localités du pays, contre les positions de l’armée et les forces de la Minusma. La semaine dernière, en visite officielle en France, c’est le président nigérien, Mahamadou Issoufou, qui a accusé certains groupes armés du Mali, signataires de l’accord de paix, de connivence avec les terroristes. Il s’agit là, contre toute attente, d’une lourde accusation contre des groupes armés qui intervient dans un contexte trouble, sur fond de forte suspicion, d’autant que des officiels militaires, en mission sur le terrain opérationnel, avaient également formulé contre les mêmes mouvements armés les mêmes reproches. Venant de la part des experts militaires européens sur le terrain, qui savent bien ce qu’ils disent, il est clair que les accusations de collusion entre des groupes armés et des terroristes doivent être prises très au sérieux, en ce sens que ces accusations, une fois avérées, constitueront de réels périls contre la paix qu’il importe, pour la communauté internationale, de traiter avec la fermeté dont elles requièrent.
Dans quelques jours, l’ONU se penchera sur la situation sécuritaire du Mali dans le cadre du renouvellement du mandat de la Minusma. Compte tenu de la dangerosité d’une connivence possible entre des éléments des groupes armés, pourtant signataires de l’accord de paix, avec des groupes terroristes, ayant causé tant de victimes parmi le contingent des casques blues, comme tout dans les rangs de l’armée malienne, il est stratégique que l’ONU examine clairement cette douloureuse question afin que de rien d’obscurs n’en soit occulté. Pour la cause de la paix.

Sékouba Samaké

 

Source: info-matin

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