Entre la parole et l’action au sommet de l’Etat, il existe un décalage aujourd’hui tellement important que tout notre peuple, par finir, a compris que toutes les bonnes intentions énoncées par le chef de l’Etat ne sont en réalité que des discours mielleux sans lendemain, destinés à mieux l’endormir.
Nos compatriotes étaient très nombreux à applaudir le président de la République, qui a décrété en son temps 2014 « Année de lutte contre la corruption ». Ils étaient aux anges quand une loi contre l’enrichissement illicite (seul indicateur réel de la corruption dans un pays) avait été votée par l’Assemblée nationale, mais non encore promulguée… Deux ans après, et tout compte fait, rien de nouveau ne pointe à l’horizon.
Bien au contraire. La caste des fonctionnaires milliardaires voit son rang grossir jour après jour, car, en l’absence d’une répression forte de la délinquance financière, de la malversation, du détournement et de la gabegie… d’aucuns disposent encore à volonté de l’argent public. D’où d’ailleurs le raffermissement du processus de différenciation sociale forcée en cours dans notre pays depuis plus de 20 ans au mépris des principes de la démocratie et de l’Etat de droit.
Le président avait promis la publication d’un rapport de contrôle physique des agents de la fonction publique. Mais, apparemment, pour quelles petites erreurs (on a vite fait d’oublier que l’erreur est humaine), certains se sont employés à saboter ce travail, somme toute salutaire, mais désormais voué à aller dormir dans les tiroirs.
Cependant, la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso, qui ont contrôlé les effectifs de leurs fonctions publiques en même temps que le Mali, s’en tirent présentement à bon compte avec la maîtrise du nombre des fonctionnaires et presque la fin du paiement des salaires fictifs.
Entre nous, quel intérêt notre président a à protéger les prédateurs de la République ? Pourquoi ignore-t-il jusque-là l’attente forte de changement du peuple qui l’a quasi-plébiscité pour qu’il nettoie les écuries d’Augias ? Quid de la libération de tout le territoire et donc de l’affirmation de la dignité et de l’honneur des Maliens ? Rien que des désillusions pour le peuple.
Les Maliens sont davantage sidérés en voyant leur président, qui se devait d’imposer l’austérité budgétaire, de rechercher l’efficience dans la dépense publique, valider la création d’institutions inattendues et inefficaces, simplement pour faire plaisir à des fonctionnaires en quête perpétuelle de situations de rentes.
Or, avec une justice réhabilitée, remise en confiance et donc engagée dans l’application de la loi et des règlements, on pouvait se passer du Médiateur de la République, du Vérificateur général, de la Casca, de l’AMRTP, de la Cree, de l’Autorité de régulation des marchés publics, de la HAAC… et réaliser ainsi des économies substantielles pour booster la production, créer des emplois réels, soutenir la santé, l’école, l’électrification.
Le Comité de l’égal accès aux médias d’Etat et la Cour constitutionnelle, qui ne fonctionnent qu’à l’occasion des élections, sont d’autres sources de dépenses superflues alors que le pays a faim et a soif.
En moins de trois ans de pouvoir, le chef de l’Etat a eu son avion de commandement, il aura bientôt un palais présidentiel digne de lui, etc. Le peuple, lui, attend désespérément sa part depuis trois ans. Et il risque d’en être toujours ainsi jusqu’en 2018 parce que la mauvaise gouvernance est un mauvais pli dont il n’est pas facile de se débarrasser comme d’un Kleenex qu’on jette à la poubelle.
- M. T.
Source: les Echos