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IBK : une vérité à géométrie variable

Le président IBK a mis à profit la cérémonie de présentation des vœux à l’occasion de la fête de ramadan pour se livrer à un plaidoyer pro domo sur son projet de révision constitutionnelle.

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Dans sa posture de la victime qu’il affectionne tant, il a tenté d’attendrir son auditoire. La révision constitutionnelle ? Elle n’offre aucun gain politique au président qu’il est. Le camp du NON ? Des manipulateurs ou des faussaires qui ont mis dans le projet ce qu’il ne contient pas. Pour couronner le tout, ce conseil-admonestation du grand chef aux compatriotes récalcitrants : « De grâce, qu’on est pitié de ce pays, qu’on chérisse un peu la vérité au Mali ! »

Tout y passe ! Le bel étalage des humanités pour prendre de la hauteur et donner force au propos. Baudelaire a été maladroitement convoqué pour confondre ses calomniateurs. Sauf que la citation : « calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose », est plutôt de Francis BACON, savant et philosophe anglais du XVIème siècle.

Pour dire à ses détracteurs qu’il a « le cuir épais », en même temps que le sens du dépassement, il a cité dans un désordre excusable Rudyard Kipling, auteur du beau et grand texte : « Tu seras un homme mon fils ».

Mais si la forme est approximative, le fond ressemble étrangement à une vérité à géométrie variable. Dans la conjoncture compliquée que traverse notre pays, la clarté du message participe à la bonne gouvernance.

À écouter le président IBK, on perd un peu de son latin. Démonstration ! Aux lendemains de la grande marche anti-référendum du 17 juin, le chef de l’Etat a pris l’initiative, croyait-on salutaire, de consulter les institutions de la République, les autorités religieuses sur la situation politique. Les services de Koulouba se sont empressés de poster les photos d’audience avec des commentaires louant l’attachement du président au dialogue et à l’apaisement. Avant même de l’entendre de la bouche du chef, nombre de nos concitoyens se réjouissent par avance de cette décrispation annoncée. Espoir très vite déçu par le paragraphe du report du référendum contenu dans le communiqué du conseil des ministres. On y apprend que le scrutin référendaire est différé simplement en raison du recours de l’opposition devant la Cour constitutionnelle contre le projet de révision.

Question à deux balles : Pourquoi cette mise en scène de concertation en réalité sans objet ?

La démarche est beaucoup plus subtile. Certains interlocuteurs du chef de l’Etat sont partis avec la satisfaction que le report est une suite des entretiens qu’ils ont eus à la Maison dite des Hôtes. Non seulement il n’en était rien, mais la formule du report « sine die » du conseil des ministres relevait au mieux de la ruse, au pire de la duperie puisque le président et son gouvernement savaient les nouvelles dates concoctées avec la Cour constitutionnelle qui décidément a beaucoup de mal à adopter la posture débout !

Et voilà comment l’indignation sélective et calculée du président IBK ménage les faits à son avantage donnant ainsi raison à Birago Diop qui écrit que « quand la mémoire va chercher du bois mort, elle ramène le fagot qui lui plait… ».

Où est la République hautement célébrée en mots de la Démocratie tant exaltée dans cette connivence malsaine entre l’Exécutif et le pouvoir judiciaire en l’occurrence le juge de Lois et des Elections ?

Est-ce Soudanien de se jouer des leaders religieux et légitimités traditionnelles en les conviant juste pour la photo et continuer la même lancée grosse de tous les dangers pour le pays ? Le discours équivoque du président de la République présente les opposants à sa réforme comme réfractaires à toute révision quand bien même elle serait dictée par l’impératif politique de la mise en œuvre de l’Accord d’Alger. La vérité est un peu plus nuancée. La plateforme, qui regroupe toute la galaxie du NON, balai l’amalgame : pas d’opposition de principe à toute révision constitutionnelle mais désaccord total avec celle qui est proposée à la fois pour son contenu et le moment choisi. Dire cela dans le Mali d’aujourd’hui vous fait dégringoler sur l’échelle de la citoyenneté et du patriotisme. Le manichéisme politique dans toute sa splendeur !

Les bons, les bien-pensants et les preux chevaliers d’un côté ; les méchants, les envieux et les gueux de l’autre. On se demande bien souvent si l’avènement du président IBK n’était-il pas le fait du Saint-Esprit qui a placé à la tête du pays un homme qui n’a jamais rien contre personne et rien fait à quiconque. C’est plutôt à la stature de ces devanciers, AOK et ATT, que nous devons d’avoir vécu les 20 premières années de la démocratie dans un système non fondé sur le « Koromatiguè li bambali ».

L’épisode de la visite-surprise de Soumaïla Cissé au candidat élu au soir de la proclamation pour lui concéder la victoire est la plus belle illustration de cette dérive. La beauté du geste enlevait-elle au challenger, à la conférence de presse bilan de sa campagne de réitérer ses critiques contre l’intrusion des militaires, les cartes Nina disparues avant de conclure que son seul devoir compte tenu de la fragilité du pays était de concéder la victoire. Le président IBK le traitera quelques mois plus tard dans les colonnes de Jeune Afrique d’ « imposteur ». Hallucinant !

Durant la demi-heure d’intervention du chef de l’Etat, il enjoint à ses adversaires, sur un ton comminatoire, d’avouer que leur rejet du référendum cache in fine leur opposition à l’Accord d’Alger ! Le président touche là « l’os » du débat  et chiche est-on tenté de répondre : ledit Accord introduit un tel bouleversement dans l’ordonnancement institutionnel de notre pays, que le vrai courage eût consisté à mettre ce document en référendum. L’histoire des négociations qui ont abouti à cet Accord sera sans doute écrite un jour pour révéler l’amateurisme du camp gouvernemental face à des rebelles sur-vitaminés par les conseils de multiples lobbies et un arbitre algérien qui s’est évertué à établir une discussion d’Etats entre notre pays et une rébellion.

Mais les Maliens n’ont jamais fait mystère de leur hostilité à un Accord qui porte les germes de la partition du Mali. Ces concessions donnent au projet de révision un goût déjà suffisamment amer. Les pouvoir exorbitants que s’octroie le président de la République, dans la foulée, sont la goutte d’eau qui fait déborder le vase.

Ces points inacceptables ont été largement explicités par la presse et les praticiens du droit. Je m’attarderai juste sur l’article 36 qui stipule qu’en cas d’impossibilité d’organiser des élections, le titulaire reste en place.

Terminons sur une note de politique-fiction sans prêter aucune intention malicieuse au président IBK. Mon petit doigt me dit que la même Cour constitutionnelle qui ne voit aujourd’hui qu’ « insécurité résiduelle » au Mali n’a qu’à changer de regard pour juger demain cette même insécurité rédhibitoire à la tenue de tout scrutin et le tour est joué en… 2018. A moins que cet article 36 ne soit un aveu d’impuissance à ramener la paix sur le territoire national.

C’est toute cette somme qui rend insupportable le jugement méprisant du pouvoir sur ceux qui disent NON à ce projet de révision constitutionnelle. Le régime a raison : nous avons oublié d’être SOTS !

Tiéfing                

 

Source: L’Aube

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