La tendance qui caractérise pour le mieux la gouvernance Ibrahim Boubacar Keita (IBK) est la ploutocratie (régime politique détenu par les plus riches).
À priori, la ploutocratie est un signe de désintéressement politique et un moyen d’émulation : c’est toujours plus rassurant de confier ses sous et son avenir à un riche qu’à un pauvre, parce que pour l’opinion, le premier est à l’abri du besoin et, par conséquent, de la tentation de la concussion. C’est un moyen d’émulation parce que c’est un message envoyé à tous ceux qui convoitent les honneurs : pour être parmi l’élite gouvernante, il faut au préalable prouver son savoir-faire en gagnant sa vie ailleurs.
La ploutocratie a donc l’avantage de préserver la société des citoyens qui voient dans la politique un moyen de réussite sociale et économique. Cependant, c’est justement cette vertu de la ploutocratie qui est la source de ses tares : en donnant au peuple l’impression que ceux qui gèrent le pouvoir sont assouvis et repus d’argent, on se donne une légitimité artificielle pour bétonner ses errements futurs. Pire, l’impression qu’on donne d’être désintéressé sera le meilleur voile de sa corruption passée ou à venir et le peuple n’y verra rien car comme le disait Machiavel, les hommes savent majoritairement voir, mais peu savent tâter.
Le pouvoir de l’argent étant d’ailleurs toujours corrosif pour la démocratie, la volonté populaire sera la première victime de cette tendance d’autant plus qu’elle sera aveuglée en plus d’être potentiellement plombée. De toute façon le monde des affaires n’a jamais fait bon ménage avec celui de la politique : les lobbies sont les plus grands prédateurs de la volonté populaire et de l’indépendance de l’homme d’État. Le Président G.W. Bush est suspecté d’avoir déclenché la deuxième guerre du Golfe pour tout bonnement satisfaire les lobbies économiques qui ont contribué à son accession au pouvoir. Les intérêts français sont aujourd’hui bien représentés dans les structures financières de notre pays à travers les deux sociétés de téléphonie mobile et les stations Total qui poussent comme des champignons malgré que nous soyons en guerre contre le terrorisme.
Ce qu’est la démagogie est un mystère pour ses victimes qui la prennent toujours pour droiture, abnégation et même sainteté. Si l’on s’en tient à l’étymologie du mot grec, on traduirait le terme «démagogue» (du grec : demos «le peuple» et ago : «conduire») comme celui qui façonne, qui éduque, qui conduit le peuple ou le sert avec science et abnégation. Or la démagogie est aujourd’hui une notion politique désignant l’art de mener le peuple en s’attirant ses faveurs, notamment en utilisant un discours simpliste, occultant les nuances, dénaturant la vérité. Ce travail ne pouvant se faire sans l’aide de certains médias, on ne dédaigne dès lors pas à s’allier avec des vecteurs et amplificateurs d’un discours officiel, qui prend l’allure sournoise de semi-officieux, mais efficient. Le but recherché est toujours le même : susciter l’émotion pour handicaper la capacité de penser de façon lucide. Le discours démagogique, comme on le dit, sort généralement du champ du rationnel pour s’adresser aux passions, aux frustrations de l’électeur : il n’a comme objectif que la fabrique de fanatisés. Il recourt en outre à la satisfaction des souhaits ou des attentes du public ciblé, sans recherche de l’intérêt général. Son but unique est de s’attirer la sympathie et de gagner le soutien d’un public généralement peu outillé pour faire face à la machination. Sachant que ce qui fait bouger les foules, c’est moins la raison que l’émotion, le discours démagogique ne se gêne pas d’être totalement absurde au regard de l’analyse rationnelle et de l’argumentation. Le discours populiste ou démagogique a horreur d’être précis et motivé : son mode opératoire est la persuasion et, pour ce faire, il mise davantage sur la mémoire que sur l’entendement. Bien drapé dans le manteau de la ploutocratie et prenant racine quelque fois dans le monde souterrain d’un pouvoir médiatique inattaquable parce que presque invisible, le régime du président IBK est dans une bulle dorée qui semble hors de portée de toute critique.
Sambou Sissoko
Par Le Démocrate