A peine avons-nous franchi la porte vitrée du salon, que nous nous retrouvons nez à nez avec le président de la Rue publique. Assis au salon, la tête entre les mains, il transpirait à grosses gouttes. L’accueil est glacial. Pas un mot. Pas un seul. Il nous fixe avec son regard de braise. Et nous fait signe de le suivre dans le jardin où des chaises en tissu sont alignées autour d’une table basse en osier tressé. C’est là qu’IBK s’est, pour la première fois, prêté à nos questions. C’était, dimanche dernier, à son retour du bureau de vote de Sébénikoro où, il venait de remplir son devoir civique. Entretien. Sans concession.
Mr le président, vous revenez du bureau de vote où vous venez de vous acquitter de votre devoir civique. Peut-on savoir pour qui vous avez voté ?
Je vais vous surprendre : j’ai voté pour le candidat de l’URD. J’ai longtemps hésité entre lui et celui du RPM. Mais après réflexion, j’ai décidé de voter pour le candidat de l’URD, le parti de mon jeune frère, Soumaïla Cissé, aujourd’hui, otages d’hommes sans foi, ni loi. Une façon de montrer à mon « Dôgô » Soumi-champion que je suis de cœur avec lui.
Avez-vous écouté l’enregistrement audio diffusé sur les réseaux sociaux par ses présumés ravisseurs ?
Les services de renseignements me l’ont fait écouter. Mais rien n’atteste que mon jeune frère est entre leurs mains.
Avez-vous fait expertiser cet enregistrement ?
Mes services y travaillent pour savoir s’il n’émane pas d’un apprenti terroriste, qui s’est enivré avec du pipi de chat.
Que dites-vous de leurs revendications ?
Rien ! Du moins, jusqu’à ce qu’on aura fini d’expertiser l’enregistrement audio.
Les Forces armées maliennes et de sécurité, Barkhane et la Minusma sont-elles toujours à sa recherche ?
Bien sûr !
Avez-vous de nouvelles fraîches du chef de file de l’opposition ?
Aux dernières nouvelles, il mange des dattes, boit du lait de chameau et échange en peulh avec Amadou Koufa autour d’un thé.
Donc, plus de peur que de mal ?
On peut le dire ainsi.
Mr le président, votre fiston adoré, Mahamadou Camara, votre ex-chef de cabinet et ex-ministre de l’Economie Numérique, de l’Information et de la Communication vient d’être placé sous mandat de dépôt dans le cadre de l’enquête sur les équipements militaires. Qu’en pensez-vous ?
Ah bon ? Je ne suis pas au courant.
Selon nos informations, nombre de vos proches est ex-ministres se verront, dans les jours à venir, derrière les barreaux.
Que voulez-vous que je vous dise. C’est moi qui ai donné carte blanche au ministre de la justice et des droits de l’Homme, Garde des « Sots » de redonner à la justice malienne ses lettres de noblesse. Donc, je ne peux plus me dédire. Tous ceux qui ont passé les fonds publics à la casserole doivent en rendre gorge. De gré ou de force.
Même s’il s’agit de vos proches ?
Et alors ?
Le procureur de la République, chargé du Pôle Economique et Financier a, dans un communiqué, pointé un doigt accusateur sur Soumeylou Boubeye Maïga, votre ancien ministre de la Défense ; Mme Bouaré Fily Sissoko, ex-ministre de l’Economie et des Finances ; Sidi Mohamed Kagnassy, votre ex-conseiller spécial ; Moustapha Ben Barka, votre fiston adoré….la liste n’est pas exhaustive.
Et alors ? Fiston ou pas, tous ceux qui sont impliqués dans l’affaire dite des équipements militaires et du Boeing présidentiel vont devoir en répondre devant la justice. Je ne couvre personne !
Mr le président, le nombre de cas testés positifs de coronavirus augmente d’heure en heure. De quatre cas, nous sommes passés à 11, puis à 18 et depuis quelques heures à 20 cas, auxquels s’ajoute le décès d’un homme de 71 ans, revenu d’Europe…
C’est ce qui me faisait transpirer à votre arrivée. L’heure est grave. A l’allure où vont les choses, je me demande si on ne va pas fermer les mosquées et les marchés pour limiter la propagation de ce satané virus.
Mr le président, des milliers, voire des millions de femmes au foyer vous remercient pour avoir décrété le couvre-feu, qui oblige leur époux à rester à la main. Certaines avouent que c’est la première fois, depuis une décennie de mariage, que leur époux dine et regarde la télé toute la soirée avec leurs enfants.
Rires… j’ai reçu les plaintes et les complaintes de nombre d’amis coincés à la maison. Parce qu’ils redoutaient de se voir malmener, dans la rue, par les forces de l’ordre.
Cependant, je suis heureux que cette mesure fasse le bonheur des femmes au foyer, qui ne voient pas leur époux pendant plus de deux heures par jour.
Que répondez-vous aux chefs de famille, disons aux rats de bar et de discothèque qui souhaitent que ce couvre-feu prenne fin ?
Vous connaissez bien l’adage : ce que femme veut, Dieu le veut. Ce couvre-feu va continuer. Et les femmes peuvent compter sur moi, le seul « Kankélintigui » de la classe politique qui se soucie de leur bonheur.
Mr le président, une dernière question : que faites-vous pour garder cette forme olympique que vous arborez sept jours sur sept ?
C’est un secret de famille, qui remonte à Soundiata Keïta. Vous connaissez le « N’Golobè » ?
Oui !
C’est ça mon secret de jouvence.
Propos recueillis par Le Mollah Omar
Source: Canard Déchainé