Il y avait, ce midi-là, un peu de tout sur la table à manger : du chô, du tô et, comme chez tout bon Maninka qui se respecte, du riz à la sauce pâte d’arachide. Dans une grande assiette en verre, le dessert. Un mélange de papaye, d’orange, de banane et de pomme…
Assis en face, IBK n’avait pourtant pas d’appétit. Les traits tirés, il regarde, fixement, les plats embaumant l’air de leurs arômes, avant de baisser la tête.
Notre présence, ponctuée d’un gros salamalec, l’arrache à ses pensées. D’un geste brusque de la main, il nous invite à prendre place à ses côtés. C’est dans cet immense salon, décoré à l’italienne, que se déroulera pour la seconde fois, depuis la création de cette rubrique il y a quatre ans, l’interview imaginaire. Ou presque. Sans détour.
Mr le président, quelque chose ne va pas ?
Comme ça peut aller, alors que tout semble aller de mal en pis pour mon second et dernier mandat. Mes hommes de main, chargés de convaincre le PDES et l’Adema de soutenir ma candidature, à la présidentielle du 29 juillet prochain, se sont montrés incapables d’être à la hauteur de cette mission. Le PDES, avec à sa tête le « petit Tall » refuse de céder ; quant à l’Adema, il est au bord de la dislocation. Parce que l’écrasante majorité de ses militants menacent, à défaut d’un candidat interne, de voter pour le candidat de l’URD, mon pire cauchemar.
Pourtant, ceux que vous appelez vos « hommes de main » avaient, sous le bras, de quoi les convaincre d’accepter votre proposition…
C’est, justement, ce qui m’a fait perdre l’appétit. Chaque homme, fut-il politicard ou pas, à son prix. Il suffit juste de le découvrir. Mais, mes envoyés sont revenus bredouilles de leurs missions.
Pensez-vous que les ministres Adema sauront convaincre leurs militants de voter pour vous le 29 juillet prochain ?
J’en doute. Sincèrement. Certes, ils n’ont pas, encore, dit leur dernier mot ; mais, je suis inquiet.
Pourquoi ?
Parce que si les militants Adema votent pour Soumaïla Cissé, mon intime ennemi, mon second mandat est à l’eau. C’est pourquoi, il faut tout faire pour convaincre l’ensemble des membres du Comité exécutif, afin qu’ils me soutiennent.
Et ce n’est pas gagné, visiblement …
Vous pouvez le dire !
Mr le président, ne dit-on pas que chaque homme a son prix ?
Le problème, Le Mollah, c’est qu’ils disent, clairement, qu’ils ne veulent plus de moi, ni de mon régime à Koulouba. Dans ce cas, comment négocier avec eux ? Et sur quelle base ?
Leur avez-vous fait des propositions concrètes ?
Si je le fais, j’aurai des problèmes avec mon parti, qui voudrait me tenir à l’œil, durant mon second mandat.
Comment ça ?
Je t’explique : le RPM est en train de mettre les bouchées double pour me faire élire le 29 juillet prochain. En revanche, il tient à m’avoir à l’œil, à me surveiller à Koulouba, comme du lait sur le feu. Voilà pourquoi je ne peux accepter toutes les conditions posées par l’Adema.
Pensez-vous, Mr le président,http://bamada.net que la CODEM, le parti de Housseïni Amion Guindo, l’ex-ministre de l’Education nationale qui vient de claquer la porte du gouvernement, va rallier le camp de vos opposants ?
Ce n’est pas impossible ! D’autres partis comme l’ADP-Maliba, SADI et autres… risqueront de leur emboiter le pas. Dans ces conditions, comment puis-je avoir l’appétit ?
Plus l’échéance du 29 juillet approche, plus on vous sent dubitatif…
Inutile de vous le cacher ! Car, ceux qui sont chargés de réunir les conditions nécessaires à ma réélection n’en font qu’à leur tête. Ils sont plus préoccupés de leurs petits intérêts que de ma victoire à la présidentielle du 29 juillet prochain.
Et j’ai bien peur que, cette fois-ci, Soumaïla Cissé ait sa revanche sur moi !
Propos recueillis
par Le Mollah Omar
Source: Canard Déchainé