C’est au bord de sa piscine, masquée par d’énormes parterres de fleurs, que le président de la Rue publique nous a accueillis pour l’hebdomadaire interview imaginaire. Ou presque. C’était, le week-end dernier, à Sébénikoro, quelques heures seulement après son retour d’Abuja, capitale du Nigéria où, il venait de participer au sommet des Chefs d’Etat de la CEDEAO. Interviou. Sans concession.
Mr le président, comment voulez-vous que je vous appelle ? Mon « beau » ? Ou Mr le président ?
Le Mollah, tu ne m’auras pas. Appelle- moi Mr le président, parce que je ne suis pas ton beau-frère. Mon épouse est originaire de la région de Gao ; tandis que toi, tu es d’un petit bled perdu dans les confins de Tombouctou : Goundam. Dans ces conditions, je ne vois ni pourquoi, ni comment, je peux être ton beau-frère.
D’ailleurs, qui t’a permis de rentrer chez moi ? Ne t’ai-je pas demandé, depuis la semaine dernière, de ne plus fouler le sol de mon Palais ?
Qu’ai-je fait, Mr le président, pour me voir interdire votre résidence ?
Tu sais très bien pourquoi tu es persona non grata chez moi.
Non, je ne sais pas, Mr le président, Astagafouroullah, mon beau !
Ce n’est pas toi, qui a écrit dans ton journal, la semaine dernière, que Tiémoko Bélébélé ou Néguédiourou Tiémoko, mon grand-père, avait zigouillé celui d’Angela Merkel pendant la 2e guerre mondiale, au lendemain du débarquement de Normandie ?
Ah bon, j’ai écrit cela ?
Tu as écrit pire que cela. Tu as dit dans ton journal que Tiémoko Bélébélé a torturé Manfred Merkel, le grand-père de la chancelière allemande. Parce que « Bah Tiémoko » l’obligeait à parler le Maninka. Sous peine de l’envoyer ad patres.
Après avoir lu tes fadaises, Angela Merkel m’a appelé, en pleurant à chaudes larmes, pour me demander si ce qu’elle a lu dans ton canard affolé est vrai. J’ai dû faire appel à mes talents
Que lui avez-vous dit ?
Que Tiémoko Bélébélé dégustait son plat de riz à la sauce pâte d’arachide – comme, d’ailleurs, tout bon Maninka qui se respecte – au moment du débarquement de Normandie ; qu’il n’a jamais participé à la guerre même si son nom figure dans les archives françaises.
Et elle vous a cru ?
Pourquoi pas ? N’est pas Sorbonnard qui veut ?
Je t’ai bel et bien dit que je suis historien, diplômé de la Sorbonne.
La chancelière allemande m’a appelé aussi, histoire de confronter nos deux versions.
Et qu’est-ce que tu lui as dit, mon beau ?
Mr le président, vous avez dit que vous n’êtes pas mon beau, que ma grande sœur n’en pas une, que je suis persona non grata dans la résidence de ma sœur…
Tu n’as pas compris, Le Mollah ! Ce sont des plaisanteries entre beaux-frères. Je suis et je reste ton beau-frère. Alors, qu’est-ce que tu as répondu à Angela Merkel ?
Que j’ai inventé cette histoire de toutes pièces.
Et elle t’a cru ?
Bien sûr, Mr le président !
Ne m’appelle plus Mr le président, mais mon « beau ». Tout simplement.
Entendu !
Cette histoire de Tiémoko Bélébélé a failli créer un incident diplomatique avec l’Allemagne, mais que tout est rentré dans l’ordre. Fort heureusement !
Angela Merkel menaçait de traduire Tiémoko Bélébélé devant la CPI pour avoir obligé son grand-père, Manfred Merkel, à parler le Maninka sur la plage de Normandie.
Donc, c’est pour que je t’appelle mon beau, que tu as inventé cette histoire, au risque de créer un incident diplomatique entre le Mali et l’Allemagne ?
Je vous réponds comme un Normand : oui et non !
Oui, parce que je veux que vous m’appeliez, désormais, votre beau. Non, parce que c’est juste une histoire inventée. Mais, Tiémoko Bélébélé ou Néguédiourou Tiémoko est le vrai nom de votre grand-père. Tout le monde le sait à Koutiala.
Qui t’a dit cela ?
Est-ce un crime de chercher à connaître le nom de son beau-frère ?
Ecoute-moi bien, Le Mollah : je ne suis pas ton beau-frère et je ne le serai jamais. Et si tu m’appelles encore ton beau, je demanderai à « Djougel » de s’occuper de toi.
C’est qui « Djouguel » ?
C’est ce cheval fou, qui s’occupe de mes visiteurs indélicats. La liste des personnes, dont il s’est occupé, est longue. On y compte un certain Soumaïla Cissé, Aliou Boubacar Diallo, Cheick Modibo Diarra….
C’est par peur de se faire mordre par Djouguel, qu’ils ne sont pas venus, au lendemain de la dernière présidentielle, pour me féliciter et reconnaître ma victoire. C’est un scoop que je te donne. Gratuitement.
Un dernier mot pour clore cette interview ?
Djouguel, occupe-toi de cet emmerdeur !
Propos recueillis par Le Mollah Omar
Source: Canard Déchainé