L’émission «Grand débat économique», présentée par notre confrère Issa Fakaba Sissoko, recevait le samedi 29 août 2015 à la Maison de la presse l’ancien Premier ministre et expert-comptable, Moussa Mara, et l’honorable Mody N’Diaye de l’Urd, économiste. Ces deux personnalités se sont affrontées autour du thème : «Qu’est-ce qu’il faut changer dans la gouvernance économique au Mali» ?
La gouvernance au Mali est-elle un modèle ? Quelles sont ses insuffisances ? Selon l’ancien Premier ministre, Moussa Mara, la gouvernance économique, c’est le système mis en place, développé par le pays pour planifier, mettre en œuvre et développer les stratégies de développement. Ce système, dit-il, fait appel à des acteurs comme l’Etat et les opérateurs privés.
Pour Moussa Mara, cette gouvernance économique a pour objectif de créer suffisamment de richesses et de faire en sorte que ces richesses puissent être équitablement réparties. Aux dires de l’ancien Premier ministre, l’état de développement du Mali ne nous permet pas aujourd’hui d’estimer que notre dispositif est efficace et efficient. Selon lui, si le but de la gouvernance économique est de faire en sorte que le pays soit développé, en créant de la richesse qui puisse permettre aux enfants de prospérer, force est de constater qu’au vu des résultats au Mali, on ne peut pas estimer que notre système de gouvernance publique est un système qui peut être un modèle pour d’autres pays.
Pour sa part, l’honorable Mody Diaye a dressé un tableau sombre de la gouvernance économique actuelle au Mali, dû au manque de volonté politique et de leadership. Selon lui, la dernière évaluation du Cadre stratégique pour la croissance et la réduction de la pauvreté (Cscrp) a fait ressortir des indicateurs qui nous permettent aujourd’hui de dire que les fondamentaux attendus de la gestion ou la manière dont les aspects économiques sont gérés par les autorités sont encore très dubitatifs.
Il a expliqué qu’au niveau de la production, de 2012 à 2014, le Mali a connu une croissance moyenne de 3% contre une croissance démographique de 3,6%. Il a également souligné que les prix des produits de première nécessité ne cessent de grimper et que le Mali est un pays en sous-traitance de sa politique monétaire. «Quand on voit un pays qui sort de crise sur la base d’un référentiel qui a été élaboré en 2011 par le Cscrp, alors que ce référentiel n’a pas fait l’objet de relecture ou de révision et qu’on continue à travailler sur ce même référentiel, nous sommes fondés à croire qu’il n’y a pas une volonté politique par rapport à la gouvernance économique.
Il n’y a pas un leadership parce qu’avec tous les pays qui ont fait de la croissance, c’est grâce au leadership économique et de gouvernance économique qui existaient. On a un régime qui, au regard de tous ces faits, n’a pas de politique publique efficace. Les indicateurs sont au rouge aujourd’hui. Le régime n’a imprimé aucune innovation en matière de gouvernance économique. Il est resté sur le Cadre stratégique pour la croissance et la réduction de la pauvreté, malgré la crise», a déclaré Mody N’Diaye.
Pour Moussa Mara, avec le tableau que l’honorable a dépeint, les chiffres peuvent être discutés. «Si vous amenez le Mali 15 ans en avant, ce même tableau restera valable. Pour moi, la structure est toujours plus importante que la conjoncture. On a des insuffisances majeures dans notre système de gouvernance économique qui sont plus structurelles que conjoncturelles. L’économie n’a jamais été un sujet politique majeur dans notre pays et cela est valable depuis 50 ans», a-t-il déclaré.
Nécessité de changer de gouvernance économique au Mali
Selon Moussa Mara, il s’agit de remettre l’économie au cœur de nos préoccupations publiques et de multiplier les débats, les échanges autour de l’économie. Pour l’ancien Premier ministre, l’élite doit se saisir de la question de l’économie, à savoir les cadres de l’administration, la presse, les syndicats, la société civile… «Il faut que ces élites fassent en sorte que dans une élection, quelqu’un ne puisse arriver au pouvoir sans qu’on sache de manière précise quels sont ses objectifs à court, moyen et long termes dans le domaine de l’économie. Pour moi, c’est la base. Sans ça, nous arriverons toujours à organiser des élections dont certains se feront élire sur des promesses vagues», a-t-il déclaré. Le second élément, selon Moussa Mara, est que quels que soient le leadership, le pouvoir, le régime, nous devons tous nous s’inscrire dans la planification à long terme de notre développement.
De l’avis de Mody N’ Diaye, on n’aurait jamais un pays économiquement bien géré quand on n’a pas un leadership au niveau le plus élevé qui puisse prendre conscience de l’importance de cette question.
Diango COULIBALY
Source: Le Reporter