Situation confuse en Guinée, où le bilan de la répression s’alourdit encore. Malgré tout, l’opposition poursuit son combat contre un éventuel troisième mandat.
Funeste reprise de la contestation en Guinée. Lundi, deux jeunes manifestants ont été tués au cours d’une nouvelle journée de mobilisation, à l’appel du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), le collectif de partis, de syndicats et de membres de la société civile qui mène la protestation. Une des deux victimes est Mamadou Sow, un élève de classe terminale âgé de 21 ans. Le jeune homme a « été tué par une balle tirée par un agent des forces de l’ordre qui pourchassaient les jeunes » dans le quartier de Coza, dans la banlieue de Conakry, a indiqué son oncle à l’AFP. « Il y avait des heurts, des jets de pierres et du gaz lacrymogène. À un moment, on a entendu une rafale, pan, pan, pan, nous avons entendu des cris et tous les jeunes se sont rassemblés autour de mon neveu, qui était par terre, blessé à la poitrine ».
La seconde victime, originaire de Labé, dans le Nord, est un « jeune de 18 ans, tué par balle au niveau de la tête », a indiqué à l’AFP une source hospitalière. Ce bilan, « aucun des camps en conflit ne devrait s’enorgueillir », estime le journal guinéen Le Djely. Mais en termes de défi et de responsabilité, il interpelle en premier lieu les autorités. C’est à elles qu’il incombe d’assurer la sécurité des Guinéens, aussi bien les manifestants que ceux qui ne souscrivent pas à l’appel à manifestation du FNDC », affirme le média. Ces deux morts, confirmées par les autorités, s’ajoutent donc au bilan d’au moins vingt civils et un gendarme tués depuis le début de la fronde, mi-octobre.
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Le troisième mandat au cœur des préoccupations
Depuis deux mois, le FNDC a en effet fait descendre dans la rue à plusieurs reprises des dizaines ou des centaines de milliers de Guinéens. Aux premiers jours de la contestation, le gouvernent avait invoqué le trouble à l’ordre public et l’absence de permis de manifester pour réprimer durement les premiers rassemblements à partir d’octobre. Puis, devant le tollé suscité par la réaction des autorités, il avait ensuite autorisé les manifestations sous conditions, sans que les violences cessent complètement.
Elles n’ont en revanche pas entamé la volonté des manifestants, persuadés du désir secret du président Alpha Condé de vouloir briguer un troisième mandat. L’opposition est convaincue que le chef de l’État, élu en 2010 et réélu en 2015, entend se représenter fin 2020. Et ce, alors que la Constitution guinéenne limite à deux le nombre de mandats présidentiels. En décembre, leurs soupçons se sont confirmés. Alpha Condé a en effet communiqué son intention de modifier le texte. Si le référendum l’y autorise, le mandat présidentiel pourrait passer de cinq à six ans, renouvelable une fois.
Un scrutin controversé
Pour l’opposition, le chef de l’État se servira des élections législatives, fixées au 16 février prochain, pour mener à bien sa stratégie. Plusieurs fois reportées, le scrutin vise à renouveler l’Assemblée nationale, dominée par le Rassemblement pour le peuple de Guinée (RPG), le parti du président. La semaine dernière, l’opposition l’a confirmé : elle ne participera pas aux élections. « Nous confirmons le boycott. Les conditions pour une élection transparente ne sont pas réunies », a déclaré à l’AFP le principal opposant guinéen Cellou Dalein Diallo. Ses revendications ? « Un fichier électoral assaini, un recensement correct [des électeurs] et un président de la Commission électorale moins partisan. »
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Jusqu’ici, la Commission électorale nationale indépendante (CENI) a enregistré le dépôt de listes émanant de 29 partis, dont celles du RPG, a indiqué le 7 janvier dernier le président de l’instance Amadou Salif Kébé, qui a également affirmé que les candidatures étaient closes. Les élections se dérouleront donc le 16 février, sans l’opposition. Absente des urnes, elle fera très certainement entendre sa voix dans les rues. Mais alors, « faut-il craindre de nouvelles violences en Guinée dans les prochains jours ? », s’interroge le quotidien burkinabé Le Pays. Tout porte malheureusement à le croire. Car, faut-il le rappeler, l’opposition a promis de tout mettre en œuvre pour empêcher la tenue des législatives. Or, Condé y tient mordicus. C’est dire s’il y a un duel en perspective entre la majorité et l’opposition.
Par Le Point Afrique