Habib Dembélé « Guimba national » nous livre sa vision du théâtre, de l’humour et de ses engagements.
Quel bilan faites-vous des Journées théâtrales qui se sont achevées le 7 août dernier ?
Au bout du compte, nous sommes contents que cela ce soit bien passé. Même si cela aurait pu être mieux. Au théâtre, on ne demande pas de résultats immédiats. C’est comme quand on vous donne un médicament à prendre : il ne fait pas effet tout de suite, cela attend quelques jours. Le thème de cette année était la réconciliation et la paix. Le Mali en a besoin. Les jeunes ont écrit de beaux textes. Ils ont été primés par un jury. La foule était au rendez-vous. On peut donc dire que le bilan est plutôt positif. Nous espérons que la prochaine édition sera meilleure.
Les Journées théâtrales s’inscrivent-elles aussi dans une dynamique de formation de nos humoristes, dont beaucoup pèchent sur cet aspect ?
Absolument. C’est une école de théâtre, de façon générale. Les gens réduisent le théâtre à sa dimension humoristique. Ce n’est pas vrai ! Le théâtre est un grand arbre, avec plusieurs branches, l’humour, le drame, la tragédie, le mélodrame… L’humour est une petite branche. Ce que nous voulons prôner avec les Journées théâtrales, c’est le théâtre engagé, éveilleur de conscience. Et l’humour n’est pas en dehors de cela. Le rire est un véhicule qui porte un message vers une destination donnée. Cette destination, c’est le public. Et le public, c’est nous. Donc, sans nous, il n’y a pas de développement. Si nous n’avons pas une conscience éveillée et réveillée, il n’y a pas de développement. Le théâtre doit éveiller la conscience du peuple.
Durant ces journées, vous avez fait revivre votre personnage iconique, Seko Bouaré. La série arrêtée au bout de cinq saisons aura-t-elle une fin un jour ?
Peut-être. Cela ne dépend pas de moi. Ma volonté, à partir du moment où nous avons constaté qu’au Mali on ne diffusait que des séries étrangères, qui ne traduisaient pas forcément notre culture, parce que Papa, Maman, le fils ou la fille étaient gênés devant certaines scènes des séries brésiliennes ou américaines, était de créer nos propres séries. Nous ne sommes quand même pas bêtes! C’est ainsi que « Les aventures de Séko », la toute première série télévisuelle du Mali, et de la sous-région d’ailleurs, est née. Une série que Papa, Maman et les enfants peuvent regarder ensemble et qui reflète notre culture. Nous avions planifié 26 épisodes au départ mais nous n’en avons tourné que 5. Il y a eu des problèmes de production, d’organisation… Mon idole et grand frère Cheick Oumar Sissoko a même écrit des épisodes qui attendent toujours. Mais s’il n’y a pas de production, si l’ORTM ne s’organise pas, puisque c’est elle qui est la productrice exécutive, c’est difficile. Nous l’avons même proposé à d’autres télévisions, mais faire une série coûte très cher. Il faut donc qu’on prenne les dispositions pour que le tournage redémarre. Tant que la vie existe, une série ne finit pas. Séko ne peut pas finir. Il y a 20 ans qu’il existe. On peut organiser son retour « 20 ans après » et continuer. Séko lui-même peut disparaitre de la série pour la focaliser sur les autres personnages. Cela dépendra de l’écriture.
Vous jouez dans le très attendu « OSS 117, alerte rouge en Afrique noire », sorti le 4 août dernier. Qu’attendez-vous de ce film ?
Je ne regarde pas derrière moi. D’ailleurs il m’est difficile de regarder des films dans lesquels je joue. Je laisse l’œuvre faire son petit bout de chemin. J’ai tellement peur d’avoir la grosse tête. J’ai été élevé dans la plus grande modestie, dans l’humilité… Ce sont des choses qui sont assez importantes pour moi dans la vie. Pour rien au monde, je ne veux que quelque chose me dévie de ça. La popularité ne doit pas nous transformer en démons. Ce que j’attends de OSS? Rien du tout. Au moment où je joue, je fais en sorte d’être profondément sincère. J’utilise tout ce que j’ai comme force à l’intérieur. Je me dis simplement que je dois honorer mon contrat sur le plan professionnel et sur le plan humain. Je veux qu’à la fin d’une création ceux qui m’ont engagé et mes collaborateurs disent « nous sommes contents, satisfaits de ton travail ». Voilà le plus important. Je souhaite que le film ait beaucoup de succès. Il est sorti mondialement en même temps que nous organisons les Journées théâtrales, le 4 août. Je me sentais en même temps sur deux continents. Je n’attends pas grand chose, mais si c’est le cas, ce sera un énorme plaisir, une agréable surprise.
En 2018, vous vous êtes affiché aux côtés de l’URD. Des élections vont venir, si les dates sont tenues, en 2022. Comptez-vous encore vous afficher en politique ? Si oui, avec qui ?
Je ne serais pas candidat. Parce que de toute façon mon agenda artistique est totalement plein. Donc je ne serais pas là. Mais, ceci dit, je soutiens déjà quelqu’un. Je n’ai pas soutenu l’URD, j’ai soutenu la candidature de Soumaïla Cissé. Je ne suis aucun parti, je suis des hommes en regardant leur façon de faire. On a vu ce dont était capable IBK, il fallait donc essayer quelqu’un d’autre. C’est pour cela que j’ai soutenu Soumaïla, par conviction. Je ne suis pas un professionnel de la politique, je suis un bénévole. Il est difficile pour un professionnel de la politique de ne pas voler, de ne pas trahir. J’ai donc peur. Je suis un bénévole dans ce domaine et je fais mon travail, qui me nourrit. Comme cela je suis fier de ce que je mange.
Qui soutenez-vous ?
Je vous répondrai une autre fois. Pas pour l’instant…
Boubacar Sidiki Haidara
Source : Journal du Mali