Contexte sécuritaire nationale oblige, les Maliens nourrissent tous ou presque un intérêt marqué pour l’offensive russe ordonnée par Vladimir Poutine afin de soumettre la récalcitrante Ukraine. Il suffit de faire cent pas dans les rues de Bamako, Kayes, Gao, Sikasso etc. ; pour mesurer le degré élevé d’attention que les citoyens maliens accordent à la situation ukrainienne. Cette fois-ci, pour l’opinion publique malienne, l’effet d’éloignement n’aura point été un facteur d’indifférence ou une raison de détachement émotionnel vis-à-vis du drame qui se joue à des milliers de kilomètres de nos terres.
Le principe qui veut que tout ce qui est lointain « dans le temps et/ou dans l’espace » ne nous affecte que très peu, est bien démenti pour le coup. Les Maliens et les Maliennes se sentent concernés au premier chef par cette crise, au point de suivre jour après jour et avec une quasi-passion « l’avancée des troupes russes ».
Dans leurs commentaires riches en métaphores filées dont les langues bambara, peul ou encore sonrhaï regorgent ; dans leurs pronostics qui se suivent et se ressemblent, dans leurs prières intérieures mêmes ; les Maliens sont très majoritairement acquis à la cause de Moscou.
La raison de cette russophilie et surtout de cette Poutinophilie tient évidemment à la nouvelle alliance russo-malienne qui a servi de « force de propulsion » décisive aux FAMAs dans leurs opérations de reconquête des zones auparavant contrôlées par les groupuscules jihadistes. En apportant un éventail de soutiens que l’état-major malien même qualifie de « très efficace », les russes présents au Mali ont vite été crédités du statut de « sauveurs » et d’« alliés sûrs » par des populations soulagées de se voir « libérées » de l’étau terroriste. C’est donc en toute logique que l’opinion publique malienne se sent solidaire « à 100% » de l’« ami russe » avec qui la plupart des Maliens se considèrent comme en communauté de destins.
Le soutien massif malien à la Russie est aussi l’expression cathartique du traumatisme que les peuples africains en général ressentent toujours du fait de la colonisation, et même, pour certains, du néocoloniasme. Pour les Maliens, à l’instar de millions d’Africains, le maître du Kremlin est le vengeur par procuration de tous les torts et toutes les injustices subis par les nations africaines sous le joug de l’impérialisme occidental. D’où, de Kigali à Alger, de Mopti à Koulikoro, l’admiration énorme que suscite le chef d’Etat russe dans le cœur des habitants du continent.
Poutine, aux yeux des Maliens, donc, est adulé comme le pourfendeur providentiel de l’anti-impéralisme, et est l’épouvantail de l’hégémonisme occidental dont, selon beaucoup, l’Afrique est la proie depuis toujours. Le Président russe est l’objet de la plus vive adulation de la part des Maliens qui, par une sorte d’effet miroir des aspirations, voient en lui le messie politique qu’ils auraient tant rêvé avoir à la tête de leur Nation.
Poutine, Ange ou Démon ? La position des Maliens est majoritairement tranchée : ANGE JUSTICIER !
MOHAMED MEBA TEMBELY
Source: Journal les Échos- Mali
