Le week-end dernier, contre toute attente, le Roi d’Arabie Saoudite a procédé à la création d’un «Comité anticorruption» chargé de «recenser les délits et abus de biens publics». Dirigé par le Prince héritier Mohammed Ben Salman (MBS), il a été accordé audit comité de larges pouvoirs pour enquêter sur tout suspect. Un quitus qui a valu au futur roi d’Arabie Saoudite de s’adonner immédiatement à une purge politique tous azimuts, en arrêtant et limogeant plusieurs dizaines de personnalités de très haut rang, dont des princes de la famille royale et des ministres en exercice détenant des portefeuilles importants. Un coup de filet qui a également eu pour cibles, des responsables militaires et hommes d’affaires de stature internationale.
La rapidité et la brutalité de ces purges ont, à coup sûr, pris de court l’ensemble du système politique saoudien, mais la survenue de ces évènements est tout à fait logique. Car depuis deux ans, MBS est dans la dynamique de reconquête du pouvoir. Il y a cinq mois, en pleine crise diplomatique et de rupture avec le Qatar, il est parvenu, par l’entremise de son père le Roi, à écarter de la succession son cousin Mohammed Ben Nayef, celui qui était jusque-là le véritable prince héritier du trône wahhabite, pour cumuler à 32 ans seulement, les postes de vice-premier ministre, ministre de la Défense, Conseiller Spécial du Souverain, Président du Conseil des Affaires économiques et du développement, un organe qui supervise la production du pétrole.
Toute chose qui lui a permis d’éliminer un à un l’ensemble des personnalités influentes du clan du précédent Roi Abdallah, dont Metab Ben Abdallah et Abdel Fakeih, les désormais ex-ministres de la Garde Nationale et de l’Economie. Mais pour totalement désarticuler l’ancien système royal, le futur Roi d’Arabie Saoudite MBS ne ménage pas les hommes d’affaires qui lui sont proches. Mais en s’attaquant brutalement et sans ménagement à tous les piliers de l’ancien système dirigeant du royaume wahhabite, MBS pourra-t-il atteindre ses objectifs d’être, à la mort ou l’abdication de son père, le jeune roi despote éclairé ? La réponse à cette interrogation n’est-elle pas fonction de ce qu’il adviendrait de la désormais guerre de clans enclenchée ouvertement au niveau de la famille royale saoudienne ? Il faut forcément que MBS parvienne à liquider toutes les sources de rivalité et d’opposition dans le royaume wahhabite, pour parvenir à ses fins.
Ce qui est, sans nul doute, une entreprise très risquée qui connaîtra d’énormes embûches, eu égard au nombre très élevé de princes que compte la famille royale (des milliers générés depuis deux cents ans) et à la diversité d’intérêts des uns et des autres. MBS, en s’attaquant aussi aux religieux conservateurs et prédicateurs très influents du royaume, par leur arrestation ou par la libéralisation de la société saoudienne (comme par exemple, l’autorisation aux femmes à conduire…), ne fait que plonger davantage le royaume wahhabite dans une grande incertitude sociopolitique de son histoire.
Gaoussou Madani Traoré
Source: Le Challenger