Il est surnommé « l’enfant terrible » de la classe politique malienne. A 54 ans, le docteur Oumar Mariko est un homme aux multiples facettes : médecin, militant révolutionnaire et pro-putschiste. Peut-on être à la fois démocrate et proche du capitaine Sanogo ? A Bamako, le secrétaire général du parti Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance (Sadi) s’exprime au micro de Christophe Boisbouvier.
RFI : A chaque fois que vous vous présentez, vous dites que les jeux sont faits à l’avance. Est-ce que c’est le cas aussi cette année ?
Oumar Mariko : Je ne peux pas dire que les jeux sont faits à l’avance. On tente de faire les jeux à l’avance.
Pour protester justement contre la mauvaise préparation de ce scrutin, le candidat Tiébilé Dramé s’est retiré de la course. Qu’est-ce que vous pensez de son geste ?
La vérité est sortie de la bouche du mensonge. Les arguments qu’il a annoncés pour se retirer sont des arguments certes justes, mais il a contribué à ce qu’on soit à cette situation actuelle.
Pourquoi des élections si rapidement ?
Parce que « papa Hollande » l’a voulu ainsi, parce que Laurent Fabius l’a voulu ainsi, parce que la communauté internationale a mis le Mali sous tutelle.
Pourquoi, justement, ne vous retirez-vous pas de la course vous aussi ?
Nous refusons d’être des boucs émissaires de cette classe politique dont Tiébilé Dramé est partie prenante, dans la mesure où nous ne sommes pas organisateurs des élections.
Après le putsch de mars 2012, avec la Coordination des organisations patriotiques au Mali (Copam), vous avez soutenu un officier putschiste, le capitaine Sanogo. En retour, est-ce que lui vous soutient aujourd’hui dans votre démarche ?
Il faut demander cela au capitaine Sanogo. Il est le mieux placé pour pouvoir dire clairement qui il soutient.
Est-ce qu’il soutient Ibrahim Boubacar Keïta, IBK ?
Je ne sais pas, c’est ce qu’on nous fait dire.
Donc c’est ce que vous pensez aussi ?
Je ne suis pas très sûr que ce soit cela, mais j’attends de savoir.
Vous, le démocrate de la révolution de 1991, vous avez pris le parti d’un officier putschiste. Pourquoi cette volte-face ?
Ce n’est pas une volte-face parce que nous avons fait le putsch en 1991 pour l’avènement de la démocratie. En vingt ans de pratique, la démocratie a été étouffée. Le coup d’Etat contre la démocratie a été celui que nous avons connu pendant la gestion des vingt ans des régimes successifs d’Alpha Oumar et d’ATT, des élections truquées, la fraude électorale à foison. Alors qui est putschiste ? Quand le pouvoir devient un pouvoir personnel ou [celui] d’un clan, on sort de la démocratie. Et c’est ce que nous avons connu pendant ces vingt années.
Mais est-ce que vous ne risquez pas de payer ce soutien à une junte militaire dimanche prochain dans les urnes ?
Pas du tout. Ce que je peux payer dans les urnes, peut-être, c’est la fraude. Sinon, le peuple qui a soutenu le coup d’Etat, si ce peuple vote pour moi dimanche prochain, il n’y aura pas deux tours. La majorité des citoyens maliens, y compris des mouvements de la rébellion, ont applaudi ce coup d’Etat. La communauté internationale parle de l’Egypte, on se pose la question [de savoir] si c’est un coup d’Etat ou une insurrection populaire ? Ce qui s’est passé au Mali, c’était une insurrection populaire. Je vous assure que les militaires étaient très populaires au Mali. L’arrivée de la junte répondait à un besoin de démocratie réel.
Mais franchement la junte et la démocratie, est-ce que ça va bien ensemble ?
En 1997, on a fait des élections sans listes électorales. En 2002, il y a eu une fraude massive. On s’est retrouvé à 107% de voix. Vous appelez cela franchement une démocratie ?
Par Christophe Boisbouvier / RFI