La grève illimitée déclenchée par les deux syndicats de la magistrature, le SAM et le Sylima, a totalement paralysé près de deux mois les services judiciaires et a cruellement affecté l’activité socioprofessionnelle. Face à cette hémorragie qui a perduré malgré les efforts de négociations engagées et l’implication des bons offices, le Gouvernement a fait une déclaration pour édifier l’opinion nationale et internationale avant de prendre un décret portant réquisition temporaire de magistrats en grève. L’objectif principal de cette mesure est d’assurer l’exécution du service minimum dans les cours et tribunaux sur l’ensemble du territoire national en vue de réduire le lot de souffrances causées à la population par ce mouvement syndical inédit dans l’histoire du Mali.
Dans une déclaration lue dans le journal de 20h sur l’ORTM par le ministre du Travail et de la Fonction publique, chargé des Relations avec les Institutions, DIARRA Raky TALLA, le Gouvernement a rappelé que depuis le 24 juillet 2018, date de la mise en place d’une commission de conciliation, jusqu’à nos jours, malgré la poursuite des négociations, des actions des bons offices, les syndicats des magistrats n’ont ni suspendu leur grève ni observé le service minimum, toute chose préjudiciable à l’intérêt des populations.
Ce qu’a fait le Gouvernement !
Face à cette situation, le Gouvernement soutient que : « Compte tenu de la multiplication des demandes d’ordre salarial, il a souhaité faire un traitement global pour tous les agents de l’Etat. Cependant, en application du procès-verbal du 9 février 2017, le Gouvernement a exécuté tous ses engagements ». A titre d’exemple, le ministre Tala a indiqué que : «de 2017 à nos jours, les efforts en faveur du personnel de la magistrature se chiffrent à 2 535 537 856 F CFA. Il s’agit, entre autres de : l’alignement de la Cour suprême sur les institutions de même niveau ; la fixation de l’indemnité de logement à 110 000 CFA en 2017 et à 125 000 FCF ». Elle a précisé qu’en plus de ces mesures particulières, les magistrats bénéficient dans toutes mesures d’ordre général comme par exemple l’augmentation de la valeur du point d’indice de 20%.
En ce qui concerne la relecture du statut des magistrats, il est à rappeler que par rapport aux aspects financiers notamment la grille indiciaire, le Gouvernement a pris deux engagements : la majoration de la grille indiciaire de 10% à compter de 2017 et l’examen du reste des demandes lors de la relecture du statut de la magistrature.
Ainsi, la grille indiciaire a été majorée de 10% comme prévu au mois de décembre 2017. S’agissant du reste des demandes, après examen, il ressort que l’incidence financière n’est pas soutenable. En effet, l’examen s’entend de la soutenabilité budgétaire des dispositions du projet de statut. Contrairement aux prétentions des syndicats, il faut important de signaler que le projet de grille issu de l’atelier national n’a pas fait l’objet de validation par le Ministère de l’Economie et des Finances. Par ailleurs, aux termes de l’article 3 alinéa 3 de la Loi n° 2013-028 du 11 juillet 2013, modifiée, relative aux lois de finances : « lorsque des dispositions d’ordre législatif et ou réglementaire doivent entraîner des charges nouvelles ou des pertes de ressources, elles ne peuvent être définitivement votées ou adoptées tant que ces charges ou pertes de ressources n’aient été prévues, évaluées et soumises à l’avis conforme du ministre chargé des finances ». Or, il se trouve que l’incidence financière annuelle du présent projet de grille indiciaire, se chiffre à 2, 108 milliards de FCFA. Cette incidence n’est pas prévue dans le budget d’Etat 2018.
La stratégie d’éviter des émulations des autres corps !
Dans le souci de préserver l’égalité entre les fonctionnaire d’un même Etat, et de minimiser les frustrations, le gouvernement a estimé que le projet de grille proposé par les magistrats est supérieur aux grilles de l’enseignement supérieur, de l’Armée, de la Police nationale, de la Protection civile et des Surveillants de prison qui sont tous des corps régis par des statuts autonomes tout comme les magistrats. D’une part, il a été jugé que l’adoption du présent projet de grille indiciaire risque de susciter des émulations des autres corps et creuser davantage l’écart de traitement entre les magistrats et les autres personnels de l’Etat. D’autre part, il est à signaler que les magistrats sont les agents de l’Etat les mieux traités. A titre d’illustration, un magistrat débutant bénéficie d’un salaire brut mensuel de 700 960 F CFA contre 391 500 F CFA pour un Inspecteur des Finances ou du trésor ayant plus de trente années de service. La présente grille fera passer le salaire brut d’un magistrat débutant de 700 960 FCFA à 832 800 F CFA soit une augmentation de l’indice d’environ 56 %.
L’illégal de la grève confirmé par la Cour suprême
Notons que dans le préavis de grève du 10 juillet 2018, les deux syndicats des magistrats ont informé de leur décision de ne pas observer le service minimum et de se donner le droit d’aller en grève illimitée sans préavis. Ils ont en outre informé qu’ils « inviteront leurs militants qui ne se sentiront pas en sécurité à quitter leurs juridictions pour regagner immédiatement Bamako». A en croire, le ministre Talla, ces décisions sont en violation flagrante des dispositions légales et réglementaires en vigueur en République du Mali et des conventions internationales de l’Organisation internationale du Travail.Face à cette grève illimitée, le Gouvernement a saisi la Cour suprême sur la légalité de la grève des magistrats. Le caractère illégal de la grève ayant été confirmé par la Cour suprême et compte tenu de la discontinuité du service public de la justice avec son lot de souffrances causées à la population, le Gouvernement a décidé, conformément à la Loi n°87-48/AN-RM du 04 juillet 1987, relative aux réquisitions de personnes, de services et de biens, de réquisitionner les magistrats en grève.Tenant de cette manière, le langage d’autorité et de la fermeté, Soumeylou Boubèye Maïga a pris le mardi, le décret N° 2018-0773/PM-RM du 09 octobre 2018, afin de soulager les usagers de la justice. SBM a soutenu quedans le cadre l’exercice du droit de grève consacré par le Constitution, un service minimum a été légalement institué en vue notamment de garantir la préservation de l’ordre public, le respect des libertés individuelles et collectives, la jouissance des droits fondamentaux, la satisfaction des besoins essentiels de le Nation. Le tigre de Badala a maintenu que l’exercice du droit de grève ne saurait avoir pour effet d’empêcher l’autorité administrative d’assurer la continuité du service public de la justice. Pour ce faire, il a précisé que le Gouvernement a « L’obligation d’y veiller ».
Ce décret fixe la liste des services, emplois et les catégories de personnel indispensables à l’exécution du service minimum dans les cours et tribunaux sur l’ensemble du territoire national. Cette liste est constituée de 5 points. Il s’agit tout d’abord de la catégorie « des Premiers Présidents, Présidents de Chambre et deux Conseillers des Cours d’Appel ». Ensuite, vient la catégorie des « Procureurs généraux et Avocats Généraux de la Cour suprême et des Cours d’Appel ». S’ajoute, le lot qui concerne, « le Président, Vice-président des Tribunaux de Grande Instance, des Tribunaux d’Instance, des Tribunaux pour Enfants et des Juges de paix à Compétence Etendue ». Au quatrième point de la liste, on trouve la catégorie des « Procureurs de République ». Enfin, on note le groupe constitué de : « Tout autre magistrat réquisitionné par les soins des chefs de juridiction, des procureurs, des procureurs généraux et des procureurs de la République ». C’est dire que le bras de fer qui oppose le personnel de la magistrature au Gouvernement est loin du bout du tunnel.
Moussa Koné
Source: Le Pays