Selon le syndicaliste, la grève est l’arme ultime du syndicaliste, « elle doit être déclenchée dans les situations où le syndicat est quasiment sûr de faire pencher la balance de son côté… Il conseille à ses camarades syndicalistes de ‘lâcher du lest’ pour soulager les populations après la levée de la mesure de retenue de salaire et l’engagement formel du déploiement des mesures de sécurisation par le président IBK, 1er magistrat et président du Conseil supérieur de la magistrature ». Car, explique-il, « le syndicalisme est une course de fond et non de vitesse, les revendications légitimes peuvent être posées à tout moment sur le court, moyen ou long terme ».
« En ma qualité de juriste droit de l’hommiste, de syndicaliste, j’estime que toutes les masses laborieuses ont droit à l’amélioration des conditions de travail, de vie et de sécurité dans l’exercice de leurs fonctions. A cet égard, les syndicats de magistrats ont le droit de revendiquer l’amélioration de leurs conditions de travail et de vie.
Cela dit, la liberté syndicale est un droit fondamental consacré tant par la Constitution du Mali que par des conventions internationales ratifiées par la République du Mali, notamment les conventions 87 et 98 de l’OIT. C’est dire que la grève est un droit consacré par les textes ci-dessus. La Constitution du Mali dispose aussi que ce droit d’observer la grève se fait dans le cadre des lois de la République.
Cette même Constitution dispose que le juge est soumis à l’autorité de la loi. C’est pourquoi dans les préavis de grève de toute organisation syndicale, sont visées les lois régissant la grève, notamment la loi 87-47 et d’autres textes. En visant une loi, on reconnaît volontiers qu’elle régit la matière ou le domaine concerné, même si la loi n’a pas besoin d’être visée pour application chaque fois qu’une matière rentre dans son champ d’application.
Il est vrai que dans la grève des magistrats, le juridisme a tendance à prendre le pas sur les actions syndicales, d’où beaucoup de confusions dans la tête du commun des mortels. Je n’entre pas dans la théorie de la hiérarchie des normes juridiques encore moins dans l’applicabilité d’une loi non expressément abrogée.
Cependant, il convient de préciser que la grève, en tant que moyen de pression, est l’arme ultime du syndicaliste, c’est pourquoi elle doit être déclenchée dans les situations où le syndicat est quasiment sûr de faire pencher la balance de son côté. Pour ce faire, une analyse minutieuse de tous les paramètres s’impose, au-delà de la mobilisation des militants et de leur résilience. Dans ce cadre, l’information, la sensibilisation des autres organisations syndicales ainsi que l’opinion publique nationale, voire internationale sont déterminantes.
De mon point de vue, lorsque l’on agit en qualité de syndicaliste, l’on est naturellement régi par les lois règlementant cette activité. Lorsque l’on agit en qualité de magistrats dans l’exercice de ses fonctions, aucune confusion ne serait possible par rapport au pouvoir judiciaire indépendant, du juge constituant un pouvoir…
Si l’on retient cette dernière option, il est évident que l’on aura en face des pouvoirs concurrents, indépendants (exécutif, législatif et judiciaire) les uns des autres, et non un employeur, partenaire social du syndicaliste.
Toujours dans cette option, le pouvoir judiciaire pourrait attraire l’Etat (un sujet de droit) devant la juridiction compétente pour prouver et exiger les engagements promis et non respectés, si tant est que le droit administratif prévoit un tel recours.
S’agissant de l’option syndicale, ce sont des rapports « employeurs/employés » qui prévalent, c’est pourquoi la terminologie « partenaires sociaux » existe.
Sur la légalité de la réquisition
Par rapport à la légalité de la réquisition, je donne un point de vue de syndicaliste qui ne souhaite jamais l’application d’une telle mesure, je n’entre pas dans le juridisme sur la question.
Je crois que l’application du service minimal prévu dans certains secteurs, et dont la mise en œuvre est concertée selon les principes de l’OIT, entre l’employeur et les grévistes, devrait permettre d’éviter de recourir à la réquisition, parce que l’objectif est de ne pas saboter la grève sous le prétexte du service minimal et empêcher qu’elle ne produise le moindre impact, tout en assurant l’impératif de continuité du service public dans les secteurs essentiels.
Au total, je souhaiterai que les protagonistes sortent de cette escalade, de cette surenchère, du juridisme pour se retrouver sur le terrain syndical, en recourant aux vertus du dialogue social, après 80 jours de grève, 80 jours de massacre des droits de l’Homme notamment les délais de garde-à-vue largement dépassés, les innocents croupissant en prison sans avoir le droit de prouver leur innocence, les comptes bancaires éternellement objet de saisie sans possibilité de main levée, l’impossibilité de recouvrer les créances par voie judiciaire, le blocage des réalisations de garanties bancaires, etc.
Pour soulager les populations, après la levée de la mesure de retenue de salaire, l’engagement formel du déploiement des mesures de sécurisation par le 1er magistrat non moins président du Conseil supérieur de la magistrature, les syndicalistes peuvent lâcher du lest, parce que le syndicalisme est aussi une course de fond et non de vitesse, les revendications légitimes peuvent être posés à tout moment sur le court, moyen ou long terme.
Est-il besoin de rappeler que le juridisme ne nous avance en rien, en l’espèce, puisque quelle que soit la pertinence ou le sophisme d’une analyse juridique à une autre, lorsqu’un recours est exercé devant la juridiction compétente, celle-ci a le dernier mot. C’est donc un couteau à double tranchant parce qu’au cas où vous succomberiez devant le juge, vous êtes obligés de vous en tenir à ce verdict (après épuisement des voies de recours). Syndicalement, cette option peut-être suicidaire.
Il est évident que les actions syndicales sont très souvent fondées sur les arguments de droit et le respect de la réglementation de façon générale ; tout de même, il est important de distinguer « actions syndicales » et « actions judiciaires ». Autrement, il suffirait de substituer les avocats aux syndicats.
Prions pour que toutes les parties soient bien inspirées pour amorcer la désescalade. Dieu préserve notre patrie.
‘Prolétaires de tous les pays, unissez-vous’, dit-on ! »
Propos recueillis par S. I. K.
Le Focus