Entre le notable magistrat épris de reconnaissance dans ses prétentions salariales, et dans une certaine mesure de ses prétentions sécuritaires, et le révolutionnaire en peau de lapin, qui frappe d’anthèse et d’anachronisme toute disposition, ne servant pas ses intérêts, on ne sait pas lequel parle quand il prend la parole. Et cela désole et exaspère les Maliens pris en otage par 3 mois de grève illimitée.
La grève a été longue. Cela fait bientôt 3 mois qu’elle dure et les perspectives d’en sortir sont si alambiquées et si aléatoires que l’on ne peut que gager la prudence. Ce, d’autant plus que, nonobstant le geste de décrispation du climat social, à travers le paiement des salaires du mois de septembre initialement retenus pour fait de grève ; l’engagement personnel du Président de la République, président du Conseil supérieur de la Magistrature, à améliorer les conditions de vie et de travail des magistrats, le mot d’ordre de grève illimitée est maintenu.
Malgré l’annonce du Chef du Gouvernement, à Mopti, le 13 octobre dernier, la grève est maintenue : ‘’ nous avons indiqué à tous nos partenaires sociaux que sur la question générale des salaires, nous allons organiser, au mois de décembre et de janvier, une conférence sociale sur la question des salaires pour voir comment traiter cet aspect de notre vie de manière durable en tenant compte des ressources et dans l’équité. D’ailleurs le pays reconnaît la spécificité d’un certain nombre de services et c’est pourquoi il y’a autant de statuts particuliers et de statuts autonomes que ce soit l’armée, la police, les Eaux et forêts, l’administration pénitentiaire, l’enseignement supérieur et la justice’’.
En outre et comme le font savoir les syndicats de magistrats grévistes ‘’plusieurs démarches sont en cours aussi bien pour consolider l’apaisement amorcé que pour une sortie responsable et honorable de la présente crise’’.
A tout cela, il faut ajouter les dommages collatéraux de la grève des magistrats quant à la jouissance de certains droits fondamentaux des citoyens et la bonne marche de l’État.
Au regard de ce qui précède, les acteurs étaient fondés à croire que les magistrats grévistes allaient lâcher du lest. Et certaines déclarations des syndicats (SAM et SYLIMA), y incitaient fortement : ‘’le sens de responsabilité avéré conduira à des résolutions heureuses et honorables à l’issue de l’Assemblée générale du jeudi 25 octobre 2018’’ ; les responsables syndicaux ont ‘’hautement apprécié, à l’occasion, d’une part l’engagement pris par le Chef de l’État de mettre les Magistrats dans les meilleures conditions de vie et de travail et, d’autre part, son invitation à l’adresse de la magistrature de lui faire confiance ’’. Ils réaffirment ’’leur disponibilité au dialogue et à accompagner toute initiative tendant à une sortie responsable et honorable de cette crise’’.
Mais retournement de situation, l’Assemblée générale de jeudi 25 octobre 2018 a été reportée au jeudi 1er novembre 2018.
Aucun argument imparable à cette grève n’est servi dans le communiqué rendu public par les syndicats de magistrats. L’on apprend seulement que cette décision de report résulte d’une réunion conjointe des 2 syndicats après examens des points inscrits à l’ordre du jour, le tour de table, ainsi que l’examen objectif de la situation de la grève. Il faut convenir que ce genre de tête-à-queue, alors que l’on est inscrit dans une dynamique de détente ne crédibilise pas particulièrement les syndicats grévistes qui, plus que jamais, exaspèrent les Maliens.
Entre parenthèses : la sécurisation des juridictions et des personnels judiciaires. La révision de la grille salariale est indubitablement le nœud gordien qui prend en otage toute la République. Si le droit de grève est consacré par la Constitution du 25 Février 1992, il faut convenir que le maximalisme auquel l’on assiste trahit un narcissisme rarement égalé au Mali en matière de revendications syndicales et qui tranche avec toute notion de responsabilité galvaudée en ces moments dans la bouche de responsables syndicaux dépassés par les événements.
Cette grève est désolante, parce qu’elle fait du Mali la risée du monde. C’est affligeant que ce soit pendant que le monde entier se donne rendez-vous au Mali pour l’aider à se relever que des Maliens prennent en otages d’autres Maliens, et paralysent des institutions de la République.
Par Bertin DAKOUO
Info-matin