La grève est un droit reconnu par notre Constitution mais en faire usage pour satisfaire son égo, elle devient problématique. En effet, depuis un certain temps la première grande centrale syndicale à savoir l’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM), est entrée en opposition farouche contre le gouvernement de transition et pour cause? Allez savoir.
Ce qui nous paraît une évidence, c’est que la tension est vite montée au sein de l’UNTM quand les militaires ont cédé face à la grève des enseignants qui avait paralysé tout le système éducatif et qui avait sérieusement menacé le sort de l’année scolaire 2020-2021.
À rappeler que la grève des syndicats des enseignants a été surtout motivée par les revendications de l’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM) elle-même. C’est cette même centrale, dans le but de trouver un équilibre entre les salaires des enseignants et les autres fonctionnaires, qui a bousculé et arraché du régime d’Ibrahim Boubacar Keïta un accord d’augmentation de la grille indiciaire sur une échéance de deux (02) ans, à savoir une première augmentation de 20% pour compter de 2019 et 9%, en 2021 et un moratoire d’un an à savoir 2020, cela en toute connaissance du fait que dans la Loi n’007 portant statut général des fonctionnaires dans son article 39, stipule que “toute majoration au niveau du statut général des fonctionnaires est automatiquement applicable de plein droit au statut particulier des enseignants du secondaire, de l’enseignement technique et professionnel et de l’enseignement préscolaire et spécial“. Nul ne peut ignorer la longue lutte menée par le syndicat des enseignants pour l’application des dispositions de cette loi.
Après plusieurs mois de débrayage qui était allé jusqu’à compromettre sérieusement le sort de l’année scolaire 2020-2021 et la montée des tensions sociales, le président IBK avait fini par céder face aux enseignants, cela malgré une opposition voilée de l’UNTM exprimée dans ses multiples déclarations sur ce sujet. Si l’accord avait été obtenu entre les syndicats des enseignants et le président IBK, son application avait été retardée à cause du renversement du régime d’IBK.
Toutefois, face à la détermination et l’engagement sans faille des enseignants, les militaires du Comité national pour le salut du peuple (CNSP) qui s’étaient accaparés du pouvoir, se sont vus obliger de céder face à ces derniers afin de pouvoir sauver ce qui a pu l’être du reste de l’année scolaire en cours, cela malgré l’opposition de la plus grande centrale syndicale. Tout le monde se rappelle que, c’est au lendemain de cet accord conclu entre la junte militaire au pouvoir et les syndicats des enseignants que l’UNTM s’est précipitée à rompre avec l’accord signé entre elle et le régime défunt pour prendre cette posture de va-t-en-guerre contre les nouvelles autorités. C’est ainsi que ses experts en élaboration de cahier de charge sont partis déterrer des revendications datant depuis l’avènement de la démocratie, en 1991, pour rédiger une batterie de revendications qui sera déposée sur la table du ministre du Travail et de la Fonction publique. Malgré une liste exhaustive des revendications, tout porte à savoir que l’ensemble est ramené à un seul point sinon deux à savoir l’harmonisation des salaires et l’annulation ou la relecture du décret de création de l’Office centrale de lutte contre la corruption et la délinquance financière.
En suspendant subitement et de manière unilatérale l’accord signé avec le régime précédent, cela ne traduit-il pas la volonté de l’UNTM de faire payer aux militaires au pouvoir leur incapacité de ne pas pouvoir résister à la pression des enseignants ?
Tout porte à croire que les travailleurs de l’Union nationale des travailleurs du Mali ont du mal à avaler l’application de l’article 39 de la Loi n’007 du statut général des fonctionnaires qui va en faveur du corps enseignant et la façon dont les militaires gèrent leurs dossiers et surtout la sortie ratée du président Ba N’Daw à Abidjan, ne furent pas de nature à apaiser les esprits des travailleurs de l’UNTM pour les amener à avaler la quinine.
Au contraire, ils ont été plutôt irrités d’avantage et c’est qui expliquerait cette radicalisation de leur position. C’est ainsi que de trois jours de grève, ils sont partis à cinq jours et aujourd’hui, sous prétexte qu’un protocole d’accord n’a pas connu même un début d’application , voilà qu’ils se projettent dans une logique de grève illimitée, après bien sûr une semaine de cessation de travail qui débutera ce lundi 17 mai 2021.
En prenant cette posture, l’on a droit de se demander si l’UNTM n’agit- elle pas sous émotion plutôt que de raison ? Car, il leur a suffi seulement la non présence effective de tous les ministres concernés à la table de négociation et surtout une introduction ratée du ministre en charge du Travail et de la Fonction publique, pour que ces responsables en charge de l’avenir de toute une nation se laissent emporter par leur émotion pour quitter la table de négociation et renvoyer leur militants à paralyser le pays. Ont-ils réellement réfléchi à tous les tenants et les aboutissants de leur décision avant de la prendre? Ce sur quoi nous nous permettons d’en douter. Car, en tordant la main ainsi aux autorités pour harmoniser les salaires, il est clair qu’ils ouvrent la porte à une nouvelle crise scolaire dont notre pays n’a nullement besoin encore. Car il serait utopique de penser que les enseignants vont renoncer à un droit chèrement acquise.
Certes, elle est puissante, si non très puissante l’UNTM, cela personne ne peut le nier, mais est ce que la situation a atteint un tel niveau jusqu’à jeter toutes leurs forces dans cette lutte en s’inscrivant ainsi dans une logique de grève illimitée ? Dans la situation actuelle caractérisée par une crise économique chronique et une paupérisation générale, ont-ils réellement pensé à leurs propres militants qui pourront en souffrir d’avantage ? Sont-ils sûrs qu’à l’heure actuelle qu’il est possible de supporter les conséquences d’une grève illimitée par qui que ce soit ?
Certes, aller en grève pour réclamer un droit, nous n’en sommes pas contre mais aller en grève illimitée dans une situation où tout le monde tire le diable par la queue pour pouvoir joindre les deux bouts ne nous paraît pas bien réfléchi, car ce qu’il faut en craindre, c’est surtout le revers de la médaille.
Daouda DOUMBIA
Source: Inter De Bamako