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Gouvernement de transition : un inquiétant mélange des genres

Le gouvernement, annoncé lundi 5 octobre 2020, va peut-être enclencher le processus de levée de l’embargo imposé à notre pays dès le lendemain de l’intervention des colonels, pour faire tomber le régime d’Ibrahim Boubacar Keita. Le nouvel attelage gouvernemental, de 25 postes ministériels, comprend des personnalités emblématiques et d’illustres inconnus. Son architecture protocolaire dessine la vision qu’ont les nouvelles autorités de l’avenir de la nation. Analyse. Les colonels ont donc pris les choses en main.

Le président de la transition, le colonel-major à la retraite, Bah N’Daw, a entériné les choix de son Premier ministre Moctar Ouane qui aura mis de très longs jours à concocter son équipe, donnant l’occasion aux commentateurs de donner leurs points de vue qui ont souvent fait l’avis de l’opinion publique nationale, alimentant des rumeurs et appréhensions pas toujours rassurantes quant au dessein des colonels qui ont la réalité du pouvoir. Sur l’attelage de vingt-cinq ministres, les colonels se sont octroyé quatre maroquins dans les cinq premiers rangs protocolaires. Quatre ministères stratégiques, la Défense, la Sécurité, l’Administration territoriale et la Réconciliation nationale. Les colonels, pour rappel, se sont engagés, dès le 18 août, jour du renversement du régime d’Ibrahim Boubacar Keita, à rendre le pouvoir à des dirigeants civils élus au terme d’une période de transition d’une durée maximale de 18 mois. Le colonel Sadio Camara, ancien directeur du Prytanée militaire de Kati, devient lui ministre de la Défense et des Anciens combattants, et est le premier dans le rang protocolaire gouvernemental. C’est à un autre militaire qu’on a confié l’Administration territoriale, le Lieutenant-colonel Abdoulaye Maïga, qui arrive en troisième position suivi du Colonel Modibo Koné, qui dirigera la sécurité. Le porte-parole des hommes en kaki, le colonel-major Ismaël Wagué, qui avait annoncé en pleine nuit à la télévision la prise du pouvoir par l’armée, obtient le portefeuille de la Réconciliation nationale. Sur cette liste protocolaire des cinq premiers postes, on retrouve parmi les ministres régaliens, l’ancien procureur Mohamed Sidda Dicko qui est nommé à la Justice. Il se trouve au deuxième rang protocolaire. Cette architecture gouvernementale flanche au niveau des ministères des Affaires étrangères et de la Coopération internationale et celui de l’Economie et des Finances qui arrivent dans la préséance au huitième et neuvième rangs, derrière le ministère de la Refondation de l’Etat et celui des Transports. Ce classement protocolaire signifierait-il l’importance qu’ont les colonels pour les portefeuilles et traduirait-il leur vision de la transition et de l’avenir immédiat du pays ? Si tel était le cas, il faut déplorer la confusion totale qui se fait alors valoir quant à l’importance de ces deux ministères régaliens même si ce sont des personnalités emblématiques qui les occupent. Certes Zeyni Moulaye est un diplomate chevronné qui gravite dans la haute sphère de l’Etat depuis le régime du Général Moussa Traoré jusqu’aux derniers jours d’IBK, auprès duquel il était conseiller diplomatique nommé en début d’année. Cet ancien ambassadeur aurait-il la force de soulever le Mali plus haut sur la scène internationale ? À travers lui, on sent un mélange inquiétant des genres. Des pontes de GMT aux derniers serviteurs d’IBK en passant par les hommes d’Alpha Oumar Konaré et ceux d’ATT, la magie qui crée ce gouvernement semble opérer avec des maléfices qui ont fait perdre la tête à IBK dans sa gestion, lui croyait trouver la solution avec une équipe composée de ses anciens collaborateurs du temps où il était Premier ministre avec des jeunes cadres. La suite, on la connaît. Aucun de ses gouvernements n’a résisté longtemps. La transition de 18 mois, qui s’ouvre avec la nomination de ce gouvernement, est assez courte pour que puisse opérer une équipe aussi hétéroclite faite de bric et de broc. Le jeu d’équilibrisme sera ardu pour faire entendre tout ce beau monde venu des quatre coins et souvent à mille lieues. Comment harmoniser des esprits aussi cartésiens comme Dr. Hamadoun Touré, qui qui a participé à tous les grands défis technologiques et économiques mondiaux des 3 dernières décennies occupant la tête de SmartAfrica et initiant le Marché Numérique Unique Africain et le Développement des infrastructures, avec des jeunes qui, hier encore, étaient des rebelles appelant à la partition du Mali ? Comment Zeini Moulaye pourrait-il comprendre les vues de Mohamed Salia Touré vu tout ce qui les sépare, pas seulement en termes d’existence mais de vue et d’ambition ? On ne sera pas étonné d’entendre une belle cacophonie qui agacerait en premier le président de la transition, lui qui reste adepte de l’ordre et de l’harmonie.

Dianbré Séga

Source : Sud Hebdo

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