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Gouvernement-CNT: Guerre ouverte ?

Les honorables membres du Conseil national de Transition (CNT) ont adopté ce vendredi à une très large majorité le projet de loi électorale par 115 voix pour, 3 contre et 0 abstention. Déposé sur le bureau du CNT, depuis le 3 décembre 2021, le texte a fait l’objet de plusieurs mois d’examen et d’écoutes : 87 composantes de la société malienne et 260 de nos compatriotes ont été écoutés. Le projet de loi attendu par la classe politique et la communauté internationale car devant baliser la voie pour les futures élections aura suscité l’intérêt des membres du CNT qui y ont apporté 92 amendements et retoqué le texte initial de 6 articles sur les 225 proposés par le gouvernement. 

 

L’adoption de cet important texte a suscité de vifs débats, des divergences profondes, parfois une polémique entre l’exécutif initiateur du projet et l’organe législatif de la transition. Signe de vitalité démocratique retrouvée ou querelle de clocher pour ne pas dire bataille de positionnement engagée trop tôt par certains en manque d’éternel conflit permanent au haut sommet de l’État ?

Les débats parfois vifs de ce vendredi ont révélé aux Maliens un CNT jaloux de ses prérogatives (au nombre desquelles apporter des amendements aux projets de loi soumis par le gouvernement) et déterminé à jouer pleinement son rôle aux antipodes des caisses de résonnance et des chambres d’enregistrement que la démocratie malienne a connu jusqu’ici. En refusant de suivre le gouvernement à l’aveuglette, le CNT a-t-il tranché le cordon ombilical ou a juste fait un coup d’éclat pour donner le change au Premier ministre qui domine la joute institutionnelle ces temps-ci ? S’agit-il d’un divorce, d’une guerre ouverte entre les deux institutions ou juste d’un rééquilibrage du jeu institutionnel ?

Nous sommes vendredi 17 juin 2022. La question qui se pose dans toutes les chapelles de la classe politique est : qu’est-ce qui s’est passé entre le 21 mai et ce vendredi 17 juin pour mettre la République en ébullition ? Le rendez-vous manqué du 4 juin avec la CEDEAO ? Le silence subliminal du Président de la Transition, le colonel Assimi Goita, le 17 juin qui rompt ainsi une longue tradition d’investiture festive et budgétivore ? Le « Sanké-Mo » ?

L’adoption de la loi électorale qui devrait être perçu comme un gage de bonne volonté de notre pays, mieux une preuve de notre engagement et détermination à tenir les futures élections, en dépit du narratif des adversaires du Mali Kura, a été présentée par certains acteurs comme la pomme de discorde au sein d’une rectification à bout de souffle. Pour eux, l’adoption par le CNT de la loi électorale ce vendredi est présentée comme le désaveu à un gouvernement dont la tête du chef est réclamée par la communauté internationale, en particulier la CEDEAO par procuration pour la France.

Lundi 13 juin 2022, la conférence des présidents du Conseil national de Transition (CNT) a adopté l’ordre du jour de la plénière du jeudi 16 juin 2022 et jours suivants. Au nombre des points inscrits figurent l’examen et l’adoption du projet de loi électorale déposé par le gouvernement le 2 décembre 2021.

Mercredi 15 juin 2022, après avoir pris connaissance du rapport de la commission lois et acté des divergences persistantes plusieurs jours durant dans l’examen en commission de certains des 92 amendements (une dizaine au fond) dont une trentaine ont fait l’objet d’accord en commission (environ une cinquantaine d’amendements de forme), le gouvernement avait souhaité (sollicité du CNT) un report de la séance du vendredi en vue de parvenir à plus de convergence avec le CNT sur le projet de loi.

Jeudi 16 juin 2022, le Conseil national de Transition (CNT) a informé le gouvernement, qu’en vertu des dispositions de son règlement intérieur et de la pratique parlementaire la séance du vendredi ne peut être ajournée sauf si la commission de loi saisie au fond n’a pas déposé son rapport. Or celle-ci a bel et bien déposé son rapport qui a même été transmis au gouvernement. Trouvent ici tous leur sens une partie des piques en filigrane du président du CNT, l’honorable Colonel Malick Diaw au ministre de la refondation de l’État chargé des relations avec les institutions, le Pr Ibrahim Ikassa Maïga : «…cette Transition aussi ne doit pas être une période d’essai, allons à l’essentiel ».

En effet, l’ordre du jour de la séance plénière est arrêté par la Conférence des présidents en présence du ministre chargé des relations avec les institutions. Si le gouvernement n’était pas prêt, n’avait pas préparé ses arguments pour convaincre les membres du CNT sur leurs amendements en vue d’obtenir plus de partage, le gouvernement pouvait demander depuis le 13 juin 2022 le report à une autre séance. Nul n’étant sensé ignoré la loi, ce n’est pas parce que le gouvernement a senti qu’il ne peut pas emporter la bataille de l’opinion en direct à la télévision qu’il demande le report de l’examen du projet de loi à une autre séance pépinière.

Le gouvernement aurait dû savoir qu’il ne lui était pas possible de demander le renvoi de l’examen du projet de loi. En le faisant, il allait faire preuve d’amateurisme que le CNT a sanctionné par son refus retentissant qui a inondé dès jeudi tous les réseaux sociaux sonnant comme une veillée d’armes de ce qui va être un lynchage médiatico-parlementaire d’un gouvernement qui sombre comme des stagiaires à la barre.

Pour les réseaux sociaux chauffés à blanc et bien aiguillonnés, la claque parlementaire serait si retentissent que le Premier ministre, Dr Choguel Kokalla Maïga, devrait en tirer toutes les conséquences et partir pour préserver la paix sociale et éviter à la transition une crise supplémentaire ! Pour cause, disent-ils, ceux qui ont largement voté à une écrasante majorité son PAG, (les honorables membres du CNT) ont rétorqué un projet de loi électorale de son gouvernement et rejeté à une large majorité ses propositions partisanes !

Toutefois, le bémol est qu’il faut mettre balle à terre et avoir modeste le triomphe, si c’en est un. Quel est le rôle d’une chambre qui se respecte dans une démocratie si ce n’est de contrôler l’action gouvernementale et de faire des amendements aux projets dont ils sont saisis ? Notre conseil national de transition (CNT), organe parlementaire de la transition, est-il sur ce point à hauteur de mission ?

Quid des amendements kilométriques ?

En présentant comme faramineux le nombre des amendements au projet de loi (92), l’infox, pardon la manipulation à desseins, voudrait qu’on croit que dans l’histoire de la procédure parlementaire malienne c’est la première fois qu’on a enregistré un tel nombre d’amendements. Ce qui est faux et archi faux. Pour qui sait se souvenir de l’examen du projet de loi portant code de la famille, ce nombre d’amendement parait bien dérisoire. Le 3 août 2009, lors de l’examen de ladite loi, il y a eu 18 amendements de fond et 114 amendements de forme et de correction.

En faisant les amendements qu’ils ont fait au projet de loi électorale comme des hauts faits d’armes et en ne suivant pas le gouvernement sur toute la ligne, le CNT entre-t-il en guerre ouverte contre le gouvernement par procuration ou faisait-il seulement son travail ?

Dans un pays dont la transition parlementaire s’est jaugée jusqu’ici à l’applaudimètre, en tout cas la grande majorité des députés, du Prince du jour dont le bon vouloir passait comme force de loi, les deux mains en l’air, ce vendredi 17 juin 2022 voir des parlementaires nommés se démener comme des beaux diables pour montrer aux Maliens à la télé qu’ils font le travail pour lequel ils sont payés à deux millions en refusant de suivre le gouvernement est une révolution dans le Landerneau politique malien.

Entre les lignes ça donne quoi ? Que le Président de la Transition, le colonel Assimi et le président du Conseil national de transition (CNT) le colonel Malick Diaw, deux officiers aient comploté et trahis le civil Choguel Kokalla Maïga… pardon aient décidé de le lâcher pour s’entendre avec les politiciens que les Maliens ont déjà vu à l’œuvre ou pour avoir la paix avec la CEDEAO ?

Après tout le Premier ministre Dr Choguel Kokalla Maïga n’est pas leur adversaire.

La vérité est qu’il n’y a à ce jour aucune entente entre les Présidents Assimi et Diaw pour trahir le Premier ministre Dr Choguel K Maïga et il n’y a aucune guerre ouverte entre le gouvernement et le CNT au point d’évoquer une crise de régime. Ce qui s’est passé ce vendredi entre dans la chronique de l’exercice normal des prérogatives légales du CNT. Un parlement de refondation qui ne se veut plus béni oui-oui et qui veut se crédibiliser aux yeux des Maliens. Rien de plus, rien de moins.

De quoi sera fait

demain ?

Le CNT qui exerce aujourd’hui le pouvoir parlementaire sait que son désaccord avec le gouvernement sur un texte n’entraine aucunement la démission du Premier ministre qui n’a en aucun moment engagé sa responsabilité sur ledit texte. En dehors de cette procédure connue de tous (l’article 78 alinéa 1er Constitution : « le Premier Ministre, après délibération du Conseil des Ministres engage devant l’Assemblée la responsabilité du Gouvernement sur son programme ou éventuellement sur une déclaration de politique générale. »),s les honorables membres du CNT n’ont jamais expliqué à quelqu’un qu’ils ont fait une Motion de censure contre le gouvernement ce vendredi (article 78 alinéa 2). Donc, cette thèse n’est pas à l’ordre du jour à ce stade. Ce qui nous écarte la crise de régime en ce moment critique de l’histoire de notre pays.

En effet, qu’est-ce que le pays gagnerait dans une crise de régime ? Un nouveau Premier ministre ? Combien de temps pour former une nouvelle équipe et mettre en place tous les mécanismes pour le mettre à la hauteur des défis et enjeux ? Deux, trois, quatre, cinq mois ? Qui viendront en déduction des 24 mois avec un risque d’enlisement avec la CEDEAO…

PAR SIKOU BAH

Source : Info-Matin

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