Sans jamais faire ses preuves ou avoir un quelconque charisme, il détenait le record de longévité au gouvernement malien. Mais, la baraka a lâché ce samedi 03 septembre Tiéman Hubert Coulibaly, c’est bien de lui qu’il s’agit. Il a été limogé le 3 septembre par le président de la République et remplacé par celui qui était le ministre de l’Administration territoriale, Abdoulaye Idrissa. C’est justement ce dernier, connu pour sa rigueur et son intégrité morale qui est désormais chargé de redonner le moral à une armée qui a perdu le Nord, au propre comme au figuré.
C’est un communiqué de la présidence de la République lu au JT (Journal télévisé) de 20h du samedi 3 septembre 2016 qui a annoncé le limogeage du ministre de la Défense et des Anciens combattants, M. Tiéman Hubert Coulibaly. Il a été remercié par un décret (Décret N° 2016-0675-P-RM du 03 septembre 2016 relatif à la composition du gouvernement) pris par le président de la République Ibrahim Boubacar Kéita.
Ainsi, indique le communiqué, le Décret n° 2015-510/P-RM du 7 juillet 2016 portant nomination des membres du gouvernement, est «abrogé en ce qui concerne Monsieur Tiéman Hubert Coulibaly, ministre de la Défense et des Anciens Combattants».
Et, précise-t-il, sont nommés membres du gouvernement en qualité de ministre de la Défense et des Anciens combattants, M. Abdoulaye Idrissa Maïga. Ce dernier était jusqu’à ce jour le ministre de l’Administration territoriale. Un poste stratégique où le président IBK a eu tort de l’enlever à la veille d’importantes échéances électorales pour le pays.
Sa rigueur et sa clairvoyance en font le meilleur pilote du processus électoral et des réformes politiques indispensables pour consolider la démocratie malienne. N’en déplaise à l’opposition qui tente de le discréditer parce qu’il n’a jamais cédé au chantage et a toujours privilégié le jeu démocratique opposé aux intérêts politiques de ses leaders.
Et le communiqué de la présidence a aussi annoncé la nomination de M. Mohamed Ag Erlaf comme ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation. Il était jusque-là le ministre de la Décentralisation et de la Réforme de l’Etat.
L’entêtement de Ag Erlaf à faire passer la loi sur les Autorités intérimaires au conseil des ministres et à l’Assemblée nationale le prouve. Au lieu de relancer le processus de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation, ce texte le bloque.
Ce n’est qu’un secret de polichinelle que c’est l’éventualité de la mise en place des autorités intérimaires qui est la base de la reprise des hostilités à Kidal. Sans compter le climat social et politique très tendu dans toutes les autres régions du septentrion malien.
Une incompétence et une incapacité notoires à défendre l’intégrité du territoire
Tiéman Hubert Coulibaly fait les frais de la multiplication des attaques au centre du pays. En tout cas pour le quotidien national, l’Essor, «le départ de Tiéman Coulibaly du gouvernement est sans doute lié à la situation sécuritaire au centre du pays où les forces armées et de sécurité font face au harcèlement des groupes armés».
En effet, ces derniers jours, plusieurs postes militaires et de gendarmerie ont été attaqués par des bandits et narcoterroristes à Boulkessi, Gawa, Wô, Bandiagara, Mopti, Sy, San et Ségou. Toujours surprises les Forces armées et de sécurité ont encore subi de lourdes pertes en vie humaines et des dégâts matériels importants.
Ces derniers mois, plus d’une vingtaine de militaires maliens ont été tués dans le centre du pays dans des attaques terroristes.
Ainsi, selon de nombreuses sources proches du gouvernement, il est reproché à M. Coulibaly de «n’avoir jamais su apporter des solutions appropriées aux différentes attaques meurtrières perpétrées contre l’armée surtout celles de Bèlènitièni et de Boni».
Ainsi, peu d’observateurs ont été surpris par cette décision présidentielle qui n’a que trop tardé en réalité. «C’était une décision attendue. Ce n’était qu’une question de temps», nous confie un Officier des forces des FAMA sous le couvert de l’anonymat. «Que Tiéman Hubert soit viré du gouvernement, ce n’est pas ce qui m’étonne. C’est sa longévité au gouvernement qui me surprend», a commenté un chroniqueur politique sur les réseaux sociaux. Un avis largement partagé aussi dans le cercle de nos interlocuteurs.
Surtout que Tiéman Hubert s’était mis la corde du suicide au cou en s’attaquant récemment à Soumeylou Boubèye Maïga (SBM), par rapport à la gestion des FAMA. Même s’il est un protégé du «Fils de la nation», il a été très naïf et mal inspiré d’agir ainsi parce que les signes de rapprochement entre SBM et IBK n’ont pas manqué ces derniers mois.
Et qui plus est, SBM a été deux fois ministres de la Défense et des Anciens combattants et est réputé être un grand spécialiste des questions de défense et de sécurité.
Certains n’hésiteront donc pas de dire que Soumeylou s’est payé sa tête parce que Tiéman a été limogé au lendemain de sa prise de fonction comme ministre Secrétaire général de la présidence. Le perdant, de toutes les manières, c’est le président de l’Union pour la démocratie et le développement (UDD) qui a eu tort de s’attaquer à son parrain politique se croyant ultra-protégé par celui qui est opportunément devenu son ami et protecteur, honorable Karim Kéita.
Beaucoup plus homme d’affaires que dirigeant politique, Tiéman Hubert Coulibaly (THC) a été ministre des affaires étrangères et de la Coopération internationale du Mali de 2012 à 2013, puis ministre des Domaines de l’Etat et des affaires foncières dans le gouvernement de Tatam Ly avant de se retrouver à la Défense dans l’équipe de Moussa Mara.
Ce changement portera-t-il ses fruits permettant ainsi au Mali de reprendre le contrôle du Centre puis progressivement des régions de Taoudéni et Kidal ? ce challenge est un baroud d’honneur pour l’homme d’action qu’est Abdoulaye Idrissa Maïga auquel le président IBK a une confiance totale, à juste titre.
Difficile de répondre à ces questions dans l’immédiat. Surtout que, comme beaucoup d’observateurs, nous sommes convaincus que, «le problème n’est pas les hommes mais le système». Et bien sûr que «ce n’est pas en cassant le thermomètre qu’on fera baisser la fièvre» !
Les fins stratèges ne manquent pas aujourd’hui au sein des forces armées et de sécurité pour occuper ce fauteuil ministre de la Défense qui doit revenir aux hommes en uniformes en temps de conflits et de crises sécuritaires. La méfiance (entre civils et militaires) à ce niveau est un sérieux handicap qui peut vite anéantir toute une stratégie de défense !
Hamady Tamba
Source: Le Matin