Au Mali, l’opposition et le pouvoir sont à couteaux tirés concernant la reforme constitutionnelle à l’issue d’un référendum qui peinent à voir le jour depuis le vote de la loi par l’Assemblée Nationale.
De son côté, la société civile se mobilise pour faire échec à ce qu’elle qualifie de velléités de pouvoir du président IBK, velléités entretenues, selon elle, par des cercles du pouvoir qui nourrissent des ambitions de modification constitutionnelle pour permettre à l’actuel locataire du palais de Koulouba de jouer les prolongations à la tête de l’État malien à travers une main mise sur toutes les institutions du pays.
C’est pour cette raison que l’opposition a marché le 15 juillet dernier à Bamako, pour exiger le rejet du référendum constitutionnel, dénonçant au passage la mal-gouvernance qui caractérise, selon elle, le pouvoir du professeur IBK et qui se manifeste en termes de « népotisme, et corruption ». Dans le même temps, la société civile, mobilisée derrière les figures emblématiques de l’opposition, entendait arracher du président IBK une déclaration de clarification sur la question de reforme constitutionnelle.
L’accession d’IBK au pouvoir avait suscité bien des espoirs
Pour qui connaît le parcours du chef de l’État malien, éminent dirigeant du RPM et opposant historique au régime ATT renversé par un push, il y a lieu de se poser des questions face à tous ces griefs que lui font l’opposition et la société civile, et qui ne manquent visiblement pas de fondements. Et pour cause. L’accession d’IBK au pouvoir au Mali, en 2013, avait suscité bien des espoirs. Ce d’autant qu’il a été de tous les combats de l’opposition pour un meilleur ancrage de la démocratie dans notre pays dont l’image a longtemps flirté avec celle des pires gouvernances du continent.
C’est pourquoi avec l’arrivée d’IBK au pouvoir, nombre de nos compatriotes et d’observateurs de la scène politique malienne espéraient un changement radical, en rupture totale avec les méthodes quasi-totalitaristes. Mais avant même un mandat de gestion du pouvoir, force est de constater que l’ex-opposant historique n’est pas fondamentalement différent de ses prédécesseurs. Et la fébrilité dont il fait montre lorsqu’on aborde la question de la reforme constitutionnelle, en dit long sur ses intentions réelles.
Dans le cas d’espèce, IBK ne semble pas mieux briller que ses prédécesseurs en matière de respect des libertés démocratiques. L’on en veut pour preuve les répressions récurrentes de la manifestation de la jeunesse, quand ce ne sont pas des contre-manifestations à travers des débats téléguidés par le gouvernement qu’il suscite en réponse à celles de l’opposition, comme ce fut encore le cas, le 17 juillet dernier à la Maison de la Presse où une conférence « spontanée » du ministre Bathily, a eu lieu comme par hasard sur le parcours des manifestants de l’opposition qui battaient le macadam le 15 juillet dernier, pour dénoncer la gestion du pouvoir.
Pour toutes ces raisons et bien d’autres, IBK déçoit. Il déçoit d’autant plus que sur la question du référendum constitutionnel, par exemple, qui souffre d’unanimité, n’est plus à démontrer dans un état comme le Mali, qui se veut démocratique. Mais le peu d’empressement que le président IBK affiche par la suite pour la tenue de ce référendum constitutionnel, porte à croire que la situation de statu quo lui profite en tant que chef de l’État. Surtout s’il n’est pas sûr de les remporter, et d’avoir à ces postes hautement stratégiques, des hommes acquis à sa cause. C’est pourquoi IBK déçoit encore plus, parce que les intentions de tripatouillage de la constitution qu’on lui prête ne semblent guère étrangères à cette situation.
Le Président IBK déçoit
Et le comble est qu’il ne fait rien et ne dit rien pour clarifier la situation. Au contraire, l’on a le sentiment qu’il avance masqué, instrumentalisant au passage ses partisans pour ruer dans les brancards en attendant le moment opportun pour dévoiler ses vraies intentions. Une tactique déjà vue et éprouvée par son prédécesseur qui s’était laissé gagner, à ses risques et périls, par la maladie de la reforme constitutionnelle. Dans ces conditions, comment ne pas être déçu quand on sait que le combattant qu’il a été, avait admirablement placé sa lutte sous le signe de l’approfondissement de la démocratie dans son pays ?
Mais comme bien des opposants historiques de sa trempe parvenus au pouvoir, IBK risque de rater son rendez-vous avec l’Histoire, au moment de joindre la parole à l’acte pour donner une belle leçon de démocratie au monde entier. Mais si le Mali devait s’embraser à cause de ses velléités monarchistes, il en porterait l’entière responsabilité devant l’Histoire.
Car, Dieu seul sait ce qu’un tel entêtement pourrait avoir comme conséquences pour le Mali. De plus, il n’aura pas échappé aux observateurs que le président malien est en train de s’enfermer de plus en plus dans une logique qui le rend pratiquement réfractaire aux critiques. Si fait que l’on est porté à croire qu’il est aujourd’hui convaincu d’être l’homme de la situation, sans qui le Mali courrait inexorablement à sa perte. Un tel état d’esprit serait hautement dangereux, face à une opposition et une société civile qui ne veulent pas se laisser conter fleurette.
En tout état de cause, s’il n’y prend garde, IBK risque de connaître le sort peu enviable de certains de ses pairs qui ont voulu ruser avec leurs peuples pour se maintenir au pouvoir. Au mieux, il se fera battre proprement dans les urnes. Et au pire, il risque de se faire chasser du pouvoir par la rue tel un malpropre. Comme ce fut le cas en Égypte et au Burkina-Faso. Il est encore temps pour lui de se ressaisir et de redresser la barre. Croire que cela n’arrive qu’aux autres, pourrait être une erreur fatale.
Jean Pierre James