Deux semaines après le Conseil national de la société civile (CNSC) du Mali et une semaine après l’Association peul« TapitalPulaku », l’Association Malienne pour la protection et la promotion de la Culture Dogon « GINNA DOGON » monte à son tour sur le créneau pour dénoncer la situation sécuritaire au centre du Mali et particulièrement au Pays Dogon. C’était à la faveur d’une conférence de presse animée, le samedi 2 février 2019, à la Maison de la presse de Bamako. Pour ramener la paix dans cette zone, Ginna Dogon exige l’instauration de dialogues intercommunautaires, l’ouverture d’une enquête sur des atrocités commises et la traque des présumés auteurs et leurs instigateurs. Par ailleurs, Ginna Dogon invite le gouvernement à anéantir les groupes terroristes. « Tant que les forces de sécurité demeureront statiques, retranchées dans leurs camps et sourdes aux appels alarmants des populations, les violences s’aggraveront »,a indiquéGinna Dogon.
Cette conférence de presse était animée par le vice-président de Ginna Dogo, Hamidou Ongoïba, en présence du président de Ginna Dogon, Mamadou Togo et d’autres personnalités. « Mesdames, Messieurs les hommes des médias, chers invités. Merci d’être venus si nombreux répondre à notre invitation. C’est sans doute une gageure que de vouloir parler de la situation sécuritaire au centre de notre pays et singulièrement au Pays dogon, car combien cette situation est fluctuante, volatile. Chaque jour qui passe, est un jour de deuil pour le pays. Au moment où je vous parle, peut-être qu’on est en train de brûler un village ou un campement. En effet pas plus qu’hier, vendredi 1er février, des « individus armés non identifiés » ont attaqué et détruit les villages de Yara, Bohila et Zimito dans l’arrondissement de Baye dans le cercle de Bankass. Il y a eu plusieurs morts selon les informations qui nous sommes parvenues », c’est par cette nouvelle triste que le conférencier, Hamidou Ongoïba a commencé son allocution. Avant de signaler qu’il existe deux groupes armés face à face dans cette zone de la région de Mopti : L’un composé de terroristes et de bandits se prétendant jihadistes, qui écument les forêts, qui coupent la route qui pillent et saccagent des villages, s’attaquent aux notabilités. Le second groupe est composé de chasseurs connus de leurs villages. Pour lui, Danan Amasagu qui prétend défendre toutes les populations du Pays Dogon et particulièrement les dogons n’est ni de près ni de loin une création de Ginna Dogon. «Nos amis de Tabital Pulaaku le savent bien. Nous avons été ampliataire de leur décision de création signée du préfet de Bandiagara. Après ils sont venus nous voir pour nous demander de les aider. Nous leur avons dit qu’en temps qu’association qui prône la paix, nous pourrions cautionner un groupe armé. Ils nous ont fait comprendre qu’en tant que chasseurs ils ne pouvaient s’asseoir et observer se faire assassiner et laisser assassiner leurs parents puisque l’Etat ne fait rien pour les protéger », a-t-il rappelé. A l’en croire, les violences qui se déroulent dans cette partie de la région de Mopti ne présentent pas toutes les mêmes caractéristiques. «Ainsi, dans le cercle de Koro, du côté des collines, les attaques se font surtout dans les hameaux de culture devenus villages. Généralement ces villages sont pillés, incendiés, leurs greniers éventrés, leurs bêtes emportés. Les populations recherchent abri vers les collines. En retour les chasseurs, en expédition punitive, incendient les hameaux peuls du voisinage sans discernement et tuent tous ceux qu’ils rencontrent. Craignant pour leur sécurité beaucoup de peuls ont cherché refuge dans le cercle de Bankass où la situation était globalement plus calme et où le vivre ensemble avait encore un sens. Malheureusement depuis quelques mois, le cercle est aussi atteint par la violence », a souligné Hamidou Ongoïba. A cet effet, il dira que la résolution de ces conflits ne pourrait se faire de façon uniforme. Selon lui, il faudrait entreprendre des entretiens zone par zone, d’abord avec les représentants des associations résidant à Bamako, puis avec les notabilités locales, pour dégager des solutions. A l’en croire, il n’existe pas de solutions clés en main. « Malgré tout, une constance demeure : tant que les forces de sécurité demeureront statiques, retranchées dans leurs camps et sourdes aux appels alarmants des populations, les violences s’aggraveront. Car ces populations n’auront d’autre choix que de s’organiser et de se défendre comme elles peuvent. Ils s’agira donc pour le gouvernement d’anéantir les groupes terroristes qui écument cette partie du territoire national, il n’y a pas d’alternative à cela si l’on veut que la paix revienne et que ne se constitue une multitude de seigneurs de guerre qui rendront encore la résolution des conflits plus compliquée », a déclaré le conférencier.
« Le Pays Dogon est au bord de l’asphyxie »
Le vice-président de Ginna Dogon a fait savoir qu’aujourd’hui, toutes les communautés vivent dans le désespoir caractérisé par la fermeture des écoles et des centres de santé. Dans certaines zones, dit-il, la plupart des habitants n’ont pas pu planter et ceux qui ont eu à le faire, n’ont pas pu récolter. A ses dires, le Pays Dogon est au bord de l’asphyxie. « Aujourd’hui, on parle de désarmer les groupes terroristes et les milices d’auto-défense pour ramener la paix. Cela est possible en nouant le dialogue avec ceux qui ont des armes. Ce qui suppose qu’on peut les identifier et pouvoir prendre attache avec eux. Comme nous l’avions noté, le groupe des chasseurs est identifiable, mais le véritable problème demeure l’identification des groupes terroristes. C’est dire que toute tentative de cessation des hostilités doit passer nécessairement par l’identification et/ou la neutralisation de ces groupes terroristes composés pour l’essentiel de peuls », a insisté le conférencier. Selon lui, la résolution de ces conflits nécessite des personnes ressources qui permettront d’identifier ces différents groupes afin de dialoguer avec eux. Ensuite, a-t-il ajouté, il faudrait prendre des mesures idoines et immédiates pour stabiliser la situation.« Les populations de cette région, toutes ethnies confondues ont le sentiment que l’Etat malien les a abandonnées. Un déficit de confiance entre Etat / Populations qui sera difficile à combler. Quel que soit le dénouement de cette crise, la cohésion sociale qu’il y avait entre les deux communautés Dogon et Peul a pris un bon coup, qui mettra du temps à se refaire. En dépit de cette situation, on peut dire que ces violences ne sont pas intercommunautaires. La preuve dans certaines zones, jusqu’ici peuls et dogons cohabitent sans violences, même si des tensions sont perceptibles », a-t-il martelé. Pour ramener la paix dans cette zone, les responsables de Ginna Dogon soulignent qu’il serait judicieux de mener des actions d’urgence simultanées, et des actions à moyen terme. Dans l’urgence, Ginna Dogon préconise l’instauration de dialogues intercommunautaires ; de patrouilles incessantes des forces de sécurité maliennes dans la zone ; la neutralisation des nids de groupes armés qui sont pour la plupart constitués d’éléments allochtones ; la sécurisation des foires hebdomadaires ; des aides alimentaires et financières conséquentes. En moyen terme, Ginna Dogon recommande la nomination des agents de l’Etat après enquête de moralité et lancement d’appel à candidature ; la réouverture des centres de services sociaux de base : mairie, centre de santé et écoles fondamentales avec cantines où on exigerait la présence d’enfants de pasteurs ; la création d’internats au niveau du secondaire avec présence d’enfants des 2 communautés Dogon / Peul ; la réhabilitation des pistes rurales et construction des principaux axes de la zone : Somadougou / Wô, Koro / Douentza, Bandiagara / Douentza, Bandiara / Koro en passant par Dourou ; Boni Modoro, Dounagourou ; piste touristique qui va de Kani Kombele à Amba et qui longe le flanc du plateau en passant par Tely, Indé, Amani, Bamba ; la réhabilitation des forages et nouveaux forages ; l’ouverture d’une enquête sur des atrocités commises et la traque des présumés auteurs et leurs instigateurs ; d’initier des programmes conjoints de développement des activités agro-pastorales Mali / Burkina Faso sur tout le long de la frontière.
Aguibou Sogodogo
Le Républicain