Le président des Associations pour le Mali (APM), Mohamed Ali Bathily, non moins ministre des Domaines de l’Etat et des Affaires foncières du gouvernement sortant, a été accueilli, samedi dernier, par la population de la ville frontalière Mali-Côte d’Ivoire, Zégoua. L’objectif de cette visite était de s’entretenir avec ses hôtes sur leurs préoccupations et trouver ensemble des solutions durables aux problèmes posés. Si dans cette localité, il n’a pas été signalé une question de spéculation foncière majeure, il n’en demeure pas moins que ses habitants attendent du gouvernement, plus de visibilité, d’emplois pour les jeunes, de développement de leurs secteurs d’activité…
Pour cette mission, le ministre, qui a été accueilli par les autorités administratives et politiques locales, était accompagné des responsables de son association qui se bat pour expliquer la vision du président, Ibrahim Boubacar Kéita aux Maliens : le changement, la restauration de l’honneur et de la dignité des Maliens bafoués par plusieurs années de gouvernance démocratique.
Jeunesse orpheline ?
Par sa grande mobilisation, la population de Zégoua a prouvé au ministre et à sa délégation un réel engouement pour leurs idéaux. Sur les lieux de la cérémonie s’était installée une véritable ambiance festive avec des animations folkloriques du terroir dignes des grands jours. Malgré la foire hebdomadaire de la localité qui se tenait, ce samedi, le ministre et sa délégation ont eu droit à tous les honneurs.
Du président des APM de Zégoua à la jeunesse, en passant par la porte-parole des femmes, il est ressorti qu’il n’y a pas un problème foncier majeur dans la localité. Ces différents intervenants ont plaidé pour des appuis en faveur des différents groupements locaux (jeunesse, les femmes qui se sentent aujourd’hui orphelines dans leur pays) en vue de faire face au chômage et à la pauvreté ambiante.
Pour le ministre/président des APM, notre pays traverse un des moments les plus délicats de son histoire, à cause de la politique de gouvernance qui nous a été servie par les dirigeants de notre pays, depuis les premières heures de la démocratie. Cette situation aussi, a poursuivi le ministre, n’est pas tombée du ciel. Elle est la résultante d’une gouvernance sur la base du mensonge et de la tromperie. “Aussi longtemps que cette méthode se poursuivra, le pays demeura dans la crise”, a mis en garde le ministre.
Le ministre s’est interrogé, si les Maliens ont jusque-là compris la philosophie du président de la République qui a promis aux Maliens “l’honneur et la dignité”. Selon Mohamed Ali Bathily, ce combat se mènera et se gagnera avec l’ensemble des Maliens où il ne se gagnera pas. En effet, pour restaurer à quelqu’un son honneur, sa dignité, il faut impérativement l’implication de la personne elle-même. Pour lui, “il faut un changement de comportement pour chacun d’entre nous. Chacun doit s’interroger quotidiennement : qu’ai-je fait ? Qu’avons-nous fait pour l’avènement du changement ?” Il ne s’agit pas d’élire le président et lui tourner immédiatement le dos, a-t-il dit.
Des titres fonciers aux paysans
Pour l’emploi des jeunes, le président des APM a été on ne peut plus clair : “Les emplois offerts par le gouvernement sont insignifiants par rapport à la masse de Maliens qui souffrent et il est bien conscient de cet état de fait”. C’est pourquoi la solution envisagée est le développement du secteur privé.
Pour ce qui concerne son département, il a son idée à lui. Pour Me Bathily, les agriculteurs, les éleveurs ont eu suffisamment d’appuis de la part du gouvernement, pour leur développement, il faut aider maintenant le secteur (l’agriculture). La future stratégie à développer par le département consiste à donner à la terre sa valeur : l’Europe est passée par là depuis le 14e siècle ; les Etats-Unis ont terminé avec la politique d’immatriculation des terres au 18e siècle.
Au Mali, le département de tutelle envisage dans les jours, mois et années à venir d’immatriculer toutes les terres pour donner des titres de propriété aux paysans. La mesure, a dit le ministre, a non seulement l’avantage de sécuriser les exploitations paysannes, mais aussi de leur permettre de faire des emprunts dans les banques pour envisager des activités génératrices de revenus pour les paysans.
Selon le président des APM, l’immatriculation donne accès au crédit. Pour preuve, rien qu’en 2015, les titres fonciers créés par les services des domaines, d’après le rapport de l’Union des banques du Mali, ont pu permettre l’hypothèque de 1534 milliards de F CFA. Cette nouvelle initiative permet également à l’Etat d’avoir des fonds sans avoir recours à la dette souvent coûteuse et compliquée.
“… On n’a pas besoin de la coopération pour avoir de l’argent que la terre peut nous donner. Parce qu’on ne nous donne quand même pas plus de 1500 milliards en coopération et voilà ce que les hypothèques ont permis d’avoir en 2015”, a martelé le ministre.
Selon le président des APM, “si la fiscalité foncière fonctionne, les services d’enregistrement, d’immatriculation, de fonctionnaient, quel qu’en soit le coût qu’on y met au départ, même à zéro franc, et qu’une fiscalité spécifique s’y attache, je vous assure que vous êtes les plus riches au Mali. Encore, faudrait-il le comprendre et encore faudrait-il sortir des sentiers battus, battus par qui ? Par la routine”.
Sentiment d’accomplir un devoir
Face aux préoccupations soulevées, le ministre a expliqué, qu’en entamant cette mission, il était animé d’un sentiment d’accomplir un devoir.
- Bathily a fait savoir : “Le plus important pour nous, moi comme le président de la République et le commun des citoyens, est que le souci que nous pouvons développer est de prendre en charge la recherche de solutions aux réelles préoccupations de notre pays, de prendre conscience de notre responsabilité quant à la mise en œuvre de ces solutions, parce que personne d’autre ne le fera à notre place, nous autres Maliens. Ou nous le faisons et le Mali s’en sort ou nous ne le faisons pas et le Mali s’enfonce. C’est une évidence aujourd’hui et c’est une réalité que nous devrions nous réarmer pour prendre tout notre courage et affronter la réalité. Nous n’avons pas le choix. La société, la réalité ne nous donnent pas le choix et je crois que Dieu aussi ne nous donne pas le choix. La question maintenant : est-ce que nous serons écoutés ?”
A travers ce déplacement, a-t-il expliqué, c’est une volonté d’aller voir les autres, pour leur dire : “nous sommes dans le même bateau et pour leur dire que toutes les difficultés, nous les partageons, les préoccupations, nous les partageons et c’est le moment de leur proposer, de partager les solutions aussi. Les solutions ne peuvent pas venir d’ailleurs. Personne ne détient la solution miracle, elle sera trouvée ensemble”, a averti le ministre.
Victimes résignées ?
La meilleure appropriation des textes par rapport aux litiges fonciers, c’est de ne pas baisser les bras, a martelé le ministre. Quand on baisse les bras, on est une victime résignée. Un cas réel : “A Gouana (Commune de Kalabancoro) quelqu’un a été créé un titre foncier sur un site habité par 140 familles. Il est allé voir les tribunaux qui ont dit à ces familles-là si vous n’avez pas de papier, dégagez. Il avait une grosse, on peut dire alors que conformément à la grosse, il est propriétaire des lieux. Mais il a été, les familles ont refusé de partir : les familles ont dit, nous ne partons pas ! Et lui, il a dit à l’Etat, viens dégager, donne-moi la Police, je vais dégager. L’Etat lui a dit : je ne le fais pas, je ne veux pas de problème. Il a attaqué l’Etat devant la justice et les tribunaux ont condamné l’Etat à lui payer sept milliards de F CFA pour la valeur du terrain et trois milliards de dommages et intérêts. Il est venu me (ministère des Domaines de l’Etat) voir pour payer ça (paye-moi 10 milliards de F CFA). Je lui ai dit que je n’ai pas ces dix milliards. La preuve, toi qui as eu ce terrain-là, j’ai regardé les documents, au moment de la création du titre, tes droits ont été liquidés à 149 millions de F CFA. C’est les droits liquidés, moi je n’ai même pas vu la preuve que tu as payé ces droits et tu me demandes de te payer 10 milliards pour 149 millions ? Le lendemain, je l’ai appelé pour lui dire, dis-moi où tu veux avoir des terrains, je vais te faire la compensation pour que tu laisses ces familles en paix. Il me dit qu’il veut sa compensation dans le domaine aéroportuaire ! Je dis non, c’est une aberration et une ignorance au point d’être contre soi. Parce que l’aéroport a été créé par un décret pris en conseil des ministres. Quel que soit le titre que vous avez là-dessus, dans la norme juridique, c’est en dessous du décret. Cela veut dire, si tu construis ta maison là-bas, le jour où tu meurs, tes enfants vont venir avec ton document pour dire que notre père est mort, nous on est les héritiers, on veut vendre cette maison. Nous (gouvernement), on va dire que non, on ne va pas faire la mutation en votre nom, parce que ce titre n’aurait jamais dû être créé ici. Il ne peut pas violer le titre créant l’aéroport, ta maison n’est pas censée être là. Donc, ton titre est faux. Il m’a répondu qu’il ne veut nulle part d’autre si ce n’est l’aéroport. Je lui ai dit, tu as acheté ce terrain avec l’Etat à 149 millions, laisse-moi te rembourser cela. Il me dit, pas question ! En conclusion, si les 140 familles avaient baissé le bras et accepté de partir, est-ce qu’il y aurait eu une justice ? Le titre a été créé sur du faux. Sinon, s’il y avait eu une enquête, elle allait révéler l’existence de ces familles. Si on va créer le titre comme s’il n’y avait rien, cela veut dire que la procédure de création du titre est entachée de faux. Et la loi dit que les lois de procédures sont d’ordre public. Personne n’a le droit de les violer. En les violant, les actes issus sont nuls et non avenus”.
Sur le chemin du retour à Bamako, le ministre et sa délégation ont eu des entretiens avec les populations de Sikasso qui sont venues lui présenter des dossiers fonciers qui les préoccupent. À chacun des cas, le président des APM a donné une solution satisfaisante aux intéressés qui l’ont remercié pour son pragmatisme et son sens de la justice.
S.D.
Source: l’indicateur du renouveau