Société patriarcale, au Mali, comme un peu partout dans la Sous-région, le rôle de la femme dans la société est réduit à s’occuper de la famille, de son mari et de ses enfants. Même si les mentalités évoluent de plus en plus, les femmes peinent à se faire une place dans les instances de prises de décisions.
L’Assemblée Nationale du Mali a voté la loi N°052-2015 visant à accorder un quota de 30% aux femmes sur les listes électorales et aux postes nominatifs. A ce jour, cette loi n’est pas encore promulguée. Pourquoi ? Mystère et boule de gomme. Le sera-t-elle ? Nous donnons notre langue au chat. L’enthousiasme qui a accueilli le vote de cette loi tend à disparaitre en laissant place à l’inquiétude. L’on a encore en mémoire le tollé soulevé par le code des personnes et de la famille sous l’ex-président Amadou Toumani Touré. Loi rejetée par les leaders « musulmans » ; car, accordant trop de faveur aux femmes. Si cette dernière loi semble avoir échappé, c’est parce qu’elle s’est limitée à l’espace publique et s’est gardée de franchir la porte des concessions. En tout cas, le retard pris dans la promulgation de la loi dénote de la délicatesse du rôle que notre société est prête à accorder à la femme. Or, en réalité, il ne s’agit pas de donner ou de faire des faveurs à la gente féminine, mais plutôt de lui rendre JUSTICE. La notion de genre qui a fait son émergence ces dernières années et qui est vue par certains comme une arme des « féministes » pour défier les hommes, n’en n’est pas une. Le genre tend à faire percevoir et à faire comprendre que les rôles attribués aux hommes et aux femmes sont le fait des pratiques culturelles. Au contraire du sexe, ces rôles ne sont pas innés, ils ne sont pas figés encore moins fixes. Elles changent d’un pays à un autre et d’une situation à une autre. Combien sont-elles, les femmes, à assurer le rôle de Chef de famille de nos jours ? Nombreuses. Et, pourtant, notre société attribue ce rôle uniquement à l’homme. Combien sont-elles à damer le pion aux hommes dans les services et les amphithéâtres ? Nombreuses. Et, pourtant une croyance bien de chez nous voudrait faire croire que l’intelligence est l’apanage de l’homme. Mais, malgré tout, l’on continue à dénier à la femme la capacité à gouverner, à être leader. Il n’y a qu’à voir nos 6 braves dames entre 26 Messieurs à la table des Conseils des Ministres, nos 15 Dames sur les 146 Députés de l’Assemblée Nationale pour se rendre compte que les nombreux discours de nos autorités sur la nécessité de faire plus de place aux femmes dans les instances de prises de décisions restent à l’état d’intentions. Sur le terrain, la réalité est là, les femmes restent marginalisées. Et, rien n’est concrètement fait pour faire évoluer sa situation. Les nombreuses actions de dons de moulins, de machines à coudre, répondent à des besoins pratiques des femmes mais ne changent en rien leur statut. Il faut, pour changer sa position, multiplier des projets qui répondent à des besoins stratégiques et qui ont pour noms : l’éducation, la formation, la scolarisation de masse des filles, etc. Pays à majorité musulmans ; l’on se cache généralement derrière des arguments bancales du genre qu’« il n’y a pas de Prophètes femmes » pour dénier tout droit à ces êtres qui sont pourtant, selon les écritures saintes, complémentaires de l’homme et non inférieur à lui. Le Malheur c’est que cet argumentaire est très souvent utilisé au sein de nos formations politiques de façon saugrenue pour empêcher les femmes de figurer en haut des listes électorales. Grandes mobilisatrices, on les préfère, elles et les jeunes, comme du « bétail électoral ». Comment une société peut aspirer au développement en marginalisant plus de 50% de sa population ?
Si le Mali veut aller loin, atteindre son émergence économique, il doit composer avec les femmes, pas pour leurs beaux yeux, que non ! Mais pour ce qu’elles savent faire et qu’elles démontrent à longueur de journée. Pour ce faire, il doit commencer par faire de la politique du genre et la promulgation de la loi sur le quota des réalités et rendre la loi sur le quota applicable dès les communales qui s’annoncent. Donner aux femmes les droits qu’elles méritent, ce serait de l’équité entre elles et les hommes et non une égalité. Egalité qu’elles ne demandent d’ailleurs pas.
Mohamed DAGNOKO
Source: LE COMBAT