Suivez-nous sur Facebook pour ne rien rater de l'actualité malienne

Gao : RAMADAN SUR FOND DE CRISE

Les maîtresses de maison sont au désarroi.Tout se vend à prix d’or dans la cité des Askia

marché jeune vieille femme vendeuse legumes fruit tomate

Il est 8 heures du matin, le temps est un peu clément ce dimanche 5 juillet il affichait alors 39°C à l’ombre. Nous sommes au grand marché de Gao dénommé «Washington», situé près du Commissariat de police de la ville. C’est l’imposante disposition sécuritaire qui marque, en premier, le visiteur. L’on aperçoit d’un bout à l’autre, les grosses cylindrées de la Minusma et de l’armée malienne. La scène fait craindre toute personne étrangère. Cependant, quelques secondes suffissent grâce à l’ambiance et à l’atmosphère autour du marché pour être rassuré. Le temps de reprendre notre esprit, on se retrouve au cœur du marché, précisément chez les grossistes et les revendeuses de légumes. Dans la 7e région, les légumes sont ce qui manque le plus au marché.
Or, ce qui est rare se vend cher, dit-on. Cette dure loi s’impose ainsi aux ménagères de Gao du moins pour celles qui peuvent se le permettre. Du coup, les légumes jadis ordinaires sont devenus des produits de luxe. Il y a de quoi ! Pour avoir un petit poivron, il faut débourser entre 100 à 125 Fcfa. Les gros sont cédés entre 200 à 225 Fcfa l’unité. Ce n’est pas tout ! La tomate qui est couramment utilisée dans la cuisson est introuvable. Seule une dame proposait à sa clientèle des tomates de qualité douteuses. Elle vend l’unité à 100Fcfa. Le spectacle est ahurissant.
Oulématou Amadou est vendeuse de légumes. Elle nous explique les raisons de cette cherté presqu’insoutenable. Notre revendeuse souligne qu’avec la crise, le marché de Gao qui était approvisionné par les villages environnants et celui de Bamako ne l’est plus. Le marché est désormais servi par les maraîchers du Niger. « Il y a trop de tracasseries déjà pour avoir les légumes, donc cela va de soi que les clients sentent cela sur leurs portefeuilles», dit-elle.

En rupture. Notre interlocutrice propose de petites tranches de choux à 100 Fcfa. Quand à l’aubergine, elle est cédée entre 50 et 75 Fcfa selon la grosseur et la qualité. Pour pouvoir déguster un piment, il faut débourser au moins 50 Fcfa ou plus. L’aubergine africaine communément appelée « N’goyo », les persils, céleris et autres sont en rupture dans ce grand marché à légumes. Les amateurs devront faire avec. Non loin de notre interlocutrice se trouve Mme Hawa Maïga, une vendeuse de salade, concombre, betterave et de la carotte. Notre commerçante cède 3 petites tiges de salade à 200 Fcfa. Le prix d’une betterave varie entre 50 et 100 Fcfa, selon la grosseur et la qualité. Pour une petite concombre, il faut avoir 200 à 250 Fcfa. Quant à la carotte quatre petits morceaux sont vendus à 200Fcfa. Qu’elles soient revendeuses ou grossistes, les acteurs de la chaîne de légume se plaignent de la mévente qui occasionne un manque à gagner. « Souvent on est obligé de céder au plus offrant pour ne pas tout perdre », indique Ouleymatou Amadou. Normal, dans une zone de post crise ou l’argent se fait rare.
Mme Touré Hazara, une ménagère de Gao, nous raconte qu’elle ne peut plus s’offrir le luxe de payer les légumes. Elle nous révèle que son mari lui donne chaque jour 2000 Fcfa, mais que cette somme est insignifiante pour acheter le minimum au marché. Faire le tour du marché bref, tourner en rond est devenu le quotidien de notre maîtresse de maison qui ne sait plus à quel saint se vouer. «On ne peut plus rien acheter, du coup, les gens mangent mal ou sinon difficilement. C’était déjà difficile avant le Ramadan. Présentement je peux vous assurer que très peu de familles mangent à sa faim à Gao. Même le prix d’huile a grimpé. La fête qui se pointe à l’horizon n’arrange rien à la situation», lance-t-elle en exposant le contenu de ce qu’elle a acheté. Pour avoir présentement les bidons de 5 litres d’huile, il faut dépenser 3500 Fcfa ou plus alors qu’ils étaient cédés à 2750 Fcfa. Pour ceux qui veulent acheter en détail, il leur faut débourser 800 Fcfa pour un litre d’huile. «Nous n’avons rien à envier à Bamako. Et pourtant ce sont nous qui ravitaillons les marchés bamakois », remarque notre interlocutrice.
En effet, en faisant un tour chez les vendeurs de viande au marché l’on comprendra aisément l’amertume de notre interlocutrice. Là, également les prix ont augmenté. Mme Touré Hazara nous raconte que c’est du jamais vu dans sa région.
«Jamais le kilogramme de la viande sans os n’avait atteint 3000 Fcfa. Aujourd’hui c’est malheureusement le cas. Le kilogramme de la viande avec os est quant à lui cédé à 2500 Fcfa. C’est dans cette condition de cherté généralisée que les ménagères de Gao font face pour faire manger leurs familles surtout en ce mois béni de Ramadan pendant lequel les habitudes alimentaires changent. Les commerçants sont conscients de cela et savent que les clients que nous sommes finiront par céder puisqu’il faut manger », souligne notre interlocutrice. Dans cette situation les uns et les autres se contentent de peu pour pouvoir résister.

Le kg de capitaine à 2000 Fcfa. Les ménagères qui ne peuvent plus acheter de la viande se rabattent sur le poisson. Là aussi, les maîtresses de maison doivent se plier en quatre pour l’acquérir et à quelle condition ? Mme Keïta Haguichatou Touré est vendeuse de poissons. Elle étale à même le sol ses marchandises. Elle vend un kilogramme de capitaine à 2000 Fcfa. Quant à la carpe, elle est vendue par tas. Le prix d’un tas varie entre 1000 et 3000 Fcfa selon les dimensions.
Elle soutient que le poisson est cher présentement. Cela pour la simple raison que l’eau se fait de plus en plus rare dans le fleuve. Cependant avant le début du carême, le kilogramme de capitaine était cédé à 1500 voire 1250 Fcfa. Quand au poisson fumé, il faut également payer 2000 Fcfa le kg contre 1250, il y a quelques semaines. Il faut dire que ce n’est pas facile pour les femmes de Gao surtout en cette période de vache maigre. En effet, le kg du riz est au top. Il est vendu à 400 Fcfa, le sorgho est cédé entre 250 et 300 Fcfa le kg. Le kilogramme du haricot fait 500 Fcfa.
Fatoumata Tampily est assise autour de sa grande table de marchandises. Elle offre à ses clients des oignons, l’échalote, la pomme de terre, l’igname, les œufs, l’huile en gros ou en détail etc. Cette ancienne déplacée de retour au bercail explique qu’elle a dû reprendre à zéro son activité. Comme nos autres interlocutrices, elle confirme aussi la cherté de la vie à Gao. « C’est l’une des nombreuses conséquences de la crise. Alors que nos portefeuilles sont au plus bas, on nous demande de dépenser plus. C’est dommage, nous ne voulons pas de cette cherté, mais c’est l’exigence du moment », déplore-t-elle.
Notre interlocutrice vend le kilogramme de la pomme de terre à 800 Fcfa et l’igname à 500 Fcfa. Ici pour avoir une alvéole d’œufs, il faut payer 2500 Fcfa. Quant au kilogramme d’échalote chez notre commerçante, il faut débourser 400 Fcfa contre 300 Fcfa la semaine dernière. Idem pour l’oignon. Normal, comme le juge notre interlocutrice, que les activités soient au ralenti. Notre commerçante reconnaît qu’en dehors de la conséquence de la crise, qu’il faut retenir que le Ramadan comme d’habitude a fait parler de lui. Cependant elle s’empresse d’ajouter que les revendeuses qu’elles sont, sont aussi victimes de cette spéculation pendant cette période.
En attendant la fin de Ramadan et la fête, les maîtresses de maison doivent s’armer de patience et faire avec les moyens de bord. Comme dirait l’autre : «A l’impossible nul n’est tenu». Gao à l’instar de Tombouctou et Kidal méritent bien un bon coup de main du gouvernement et des partenaires afin d’adoucir les arrières effets négatifs et spéculatifs de la vie quotidienne.
M. A. TRAORE

Veille de fête, CE N’EST PAS LA JOIE

A quelques jours seulement de la fête du Ramadan le marché peine à s’enflammer

La fête de Ramadan s’approche à grand pas. Les préparatifs ont déjà commencé à Gao. Dans la 7e région le marché est timide et le cœur n’est pas à la fête, mais plutôt à comment terminer en beauté le mois béni jugé budgétivore (voir l’article ci contre). Ici également l’effet de la cherté de la vie plane sur les affaires. Les commerçants, qui d’habitude font de bonnes affaires pendant ces moments, guettent toute la journée les potentiels clients. Ceux-ci se font en effet désirés. Pourtant le marché est bien fourni dans ce domaine.
Il y a tout pour faire plaisir aux tout petits, de l’habillement en passant par les chaussures, les lunettes et montres pour enfants et d’autres parures surtout pour les petites filles. Les prix de ces divers articles sont jugés abordables. Mais hélas ce sont les moyens qui manquent le plus.
Mme Traoré Maïmouna Diarra vend des habits pour enfants et pour les grandes personnes. Elle propose des jolis complets en wax pour les petites filles venus d’Abidjan, de Ouagadougou et de Dakar. Nous avons rencontré Maïmouna alors qu’elle était en marchandage séré avec une cliente. Les deux dames ont fini par se mettre d’accord sur un complet en jupe pour une fillette de 3 ans. Pour cette merveille, la maman de la petite fille a payé 5000 Fcfa. Chez notre commerçante, les prix pour une robe ou une jupe pour enfant varient entre 3000 et 6000 Fcfa, selon la qualité du tissu et le modèle. Consciente de la cherté de la vie notre vendeuse d’habits nous révèle qu’elle a tenu compte de la réalité du moment pour passer ses commandes. « Chez moi, j’ai prévu toutes les bourses. Tout le monde y trouve son compte », dit-elle souriante.
Malgré tout les clients viennent au compte-gouttes. Ce ne sont pas les visiteurs qui manquent à Maï, mais très peu se décident pour acheter. D’autres viennent passer leurs commandes en attendant de trouver l’argent nécessaire.
Mme Maïga Oumou Touré fait partie de cette catégorie de clients. Elle était, à cet effet, accompagnée de ces deux petites filles. Elle leur laissera le temps de choisir l’habit qui leur convient. Fixée sur le choix de ses filles, Oumou commença une discussion ardue avec Maï. Au bout de 5 à 6 minutes le marché fut conclu et notre mère de famille et la commerçante. Mme Maïga Oumou Touré devait ainsi payer 12500 Fcfa pour repartir avec les habits que ses enfants ont choisis.
Elle n’avait malheureusement pas la somme requise. Elle demandera à la vendeuse de mettre de côté les deux habits. Elle promettra de revenir payer et prendre son dû. Sa plus petite fille d’environ 5 ans ne voulait rien entendre. Elle s’est mise à pleurer et obligea la commerçante à faire une faveur à sa maman. Celle-ci avait ainsi obtenu le droit d’amener les habits, cependant elle avait une semaine pour venir payer.
«Nous sommes obligés d’aller vers cette stratégie avec nos fidèles clients. De tout temps, cette dame achète ses habits chez moi, je sais qu’elle est en difficulté présentement et que dès que cela sera possible elle me donnera sans problème mon argent», nous raconte notre interlocutrice. Qui ajoute que beaucoup espèrent sur les parents à Bamako ou ailleurs pour leur venir en aide afin de pouvoir faire plaisir à leurs enfants. «En réalité rien ne va ici actuellement, les gens cherchent plutôt à manger», a conclu notre interlocutrice.
Non loin de son étal, se trouve le jeune Seydou. Il propose à ses clients tout pour l’habillement moderne (garçon et fille). Chez Seydou, les prix varient entre 4000 et 10.000 Fcfa le complet. Il nous indique qu’il ne peut pas céder au delà de ces sommes. Notre interlocuteur juge l’affluence en cette veille de fête de ramadan trop morose.
«Les gens regardent de loin mes marchandises et n’osent pas s’approcher. Ceux qui s’approchent repartent aussitôt malheureusement. Cela fait plus de 7 ans que je vends dans ce marché, je n’ai jamais vécu une telle situation», lance-t-il. Au bord du désespoir, Seydou envisage de venir vendre ses habits à Bamako. «Nous sommes à seulement 10 jours de la fête rien ne bouge. Je n’ai pas encore vendu 10 complets, c’est déprimant », proteste-t-il avec un regard inquiet. La particularité c’est qu’on retrouve plus d’articles pour enfants que pour les grandes personnes ou les jeunes filles. La raison est toute simple pour Seydou : «Nous savons tous que dans l’état actuel des choses, seuls les tout-petits seront prioritaires pour la fête », a conclu Seydou.
Même son de cloche chez les vendeurs de chaussures et autres accessoires pour enfants. Pendant cette période, seuls les commerçants des parures pour la tête des petites filles se frottent les mains. Celles-ci sont prisées et les prix sont abordables 250 Fcfa le paquet. Cependant il faut deux ou trois paquets pour une coiffure.
D’une façon générale les commerçants ne désespèrent point. Tous pensent pouvoir faire de bonnes affaires à la dernière minute. «C’est timide maintenant, mais je reste convaincu que les gens viendront à deux ou trois jours de la fête », a lancé un vendeur de chaussures pour enfants. Ils ont raison ! Ce n’est pas pour rien qu’on dit que : «Les enfants sont rois ». Les parents se surpassent pour leur faire plaisir.

M. A. T.

source : L ‘ Essor

Suivez-nous sur Facebook pour ne rien rater de l'actualité malienne
Ecoutez les radios du Mali sur vos mobiles et tablettes
ORTM en direct Finance