niveau du G5 Sahel, les sommets des chefs d’Etat se suivent et, malheureusement, se ressemblent. En effet, le constat est que les lignes ne bougent pas et l’organisation passe à côté de sa mission principale : combattre le terrorisme pour réinstaurer la stabilité qui est la condition sine qua non pour la mise en œuvre des projets de développement. Et cela parce que le G5 Sahel ne parvient pas encore à opérationnaliser comme il se doit son outil de défense, la Force conjointe, à cause du faible niveau de mobilisation des ressources. Sa redynamisation était encore au centre des échanges du 5e sommet organisé à Ouagadougou le mardi 5 février 2019.
Les pays du G5 Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad) parviendront-ils à enrayer les attaques qui secouent la bande sahélo-saharienne ? La question n’est pas saugrenue puisque les observateurs les plus réalistes font toujours «l’amer constat que les résultats invisibles, car les actions ne semblent avoir aucun impact sur l’insécurité qui, curieusement, gagne du terrain» !
«Le Burkina Faso qui était parmi les pays les plus paisibles au moment de la création du G5 Sahel, est aujourd’hui victime d’attaques de terroristes aux visées obscurantistes», a déclaré à Ouagadougou M. Pierre Buyoya, ancien chef d’État burundais et représentant de l’Union africaine au Sahel. Il a enfoncé le clou comme pour rappeler cruellement l’incapacité de cette organisation à atteindre son objectif principal : éradiquer le terrorisme pour stabiliser le Sahel !
Une victoire rapide sur le terrorisme est moins sûre d’autant plus que ces Etats n’ont pas les moyens de leur détermination à éradiquer le terrorisme. Ils sont impuissants à faire du G5 Sahel «cet outil par excellence pour venir à bout du terrorisme et promouvoir le développement économique et social» au profit des Sahéliens. Les dirigeants des cinq pays membres (Burkina, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad) sont ainsi réduits aux discours pour maintenir l’espoir.
Le 5 février 2019 à Ouagadougou, comme lors des précédents sommets, les chefs d’Etat de l’organisation se sont contentés de réitérer leur appel au Conseil de sécurité de l’ONU à «examiner favorablement notre requête de placer la force conjointe du G5 Sahel sous le chapitre VII de la charte des Nations unies».
En fin 2018, moins d’un quart des quelques 400 millions d’euros promis pour équiper la force conjointe du G5 Sahel avaient été effectivement été déboursés. Et cela malgré les multiples rappels des pays donateurs à tenir «leurs engagements».
Pour lutter contre les réseaux criminels qui se jouent des frontières dans la bande saharo-sahélienne, le G5 Sahel a réactivé en 2017 son projet de force conjointe, initialement lancée en 2015 avec l’appui de la France.
Mais, les 414 millions d’euros promis lors d’une conférence internationale en février 2018 afin d’équiper cette force de près de 5.000 hommes qui manquent cruellement de moyens n’arrivent au compte-gouttes.
En conséquence, la FC G5 Sahel n’a mené que six opérations depuis la fin 2017. Des actions qui n’ont pas donné lieu à des affrontements directs avec les groupes djihadistes comme cela avait été le cas de son Quartier Général (QG) de Sévaré en juin dernier. Ce qui a entraîné le transfert de QG à Bamako.
La montée en puissance de la force conjointe est une menace pour Barkhane et la Minusma
Comment une force qui «n’est pas équipée comme elle doit l’être» peut-elle être positionnée à l’avant-garde du combat contre des forces du mal dont certaines sont puissamment équipées et guidées par les mêmes donateurs pour défendre des intérêts inavouables ?
L’utopie, c’est de croire que la France est résolument engagée en faveur de l’opérationnalisation (dont elle veut juste bénéficier des dividendes financiers pour son économie en déclin) de la Force conjointe ou que le Conseil de sécurité va aisément accepter de la placer sous le chapitre VII de la charte des Nations unies pour bénéficier des facilités de financement.
Et cela d’autant plus que la montée en puissance de la FC G5 Sahel sera synonyme du déclin de Barkhane et de la Minusma au Sahel, notamment au Mali où elles semblent être déployées sur la durée avec des objectifs totalement différents de leur mission officielle. C’est à notre avis surtout le cas de la Force française Barkhane plus présente pour protéger les intérêts de la France que combattre le terrorisme.
Quant à la Minusma, dans sa conception actuelle, son inutilité n’est plus à démontrer. En quoi cette mission contribue-t-elle réellement à la stabilité du Mali ? Ce n’est pas en tout cas avec ses rapports tronqués pour justifier la nécessité de son maintien ! Et selon certaines indiscrétions, le Canada a vite compris cela et c’est pourquoi il est décidé à ne pas prolonger la présence de son contingent (250 soldats au Mali depuis août 2018 et qui vont plier bagages avec leurs moyens logistiques en juillet 2019) au sein de cette mission qui joue à la prolongation et non à l’efficacité. Encore faudrait-il qu’un objectif clair lui ait été assigné.
Comment alors résoudre l’équation de la mobilisation des ressources, condition sine qua non de l’efficacité de la Force conjointe, alors que les donateurs jouent à l’hypocrisie et que les pays concernés sont financièrement limités car figurant parmi les plus pauvres du monde ?
La réflexion est ouverte !
Moussa Bolly
Le Matin