Le livre de l’ancien président est un succès, ses séances de signatures font le plein, ses petites phrases contre Macron font le buzz. Un come back ?
La star attendue en Corrèze
Et les citoyens se pressent et font la queue pour voir “en vrai” l’ancien président qui rosit de plaisir. “Les premiers sont arrivés vers 14 heures, une heure avant le début officiel de la dédicace et les derniers sont repartis bien après 21 heures”, note la Nouvelle République après le passage triomphal de l’ex à Tours. La star est désormais attendue en Dordogne et sur ses terres corréziennes. La préfecture a fait provision de barrières anti-émeutes.
De nouveau, François Hollande laboure la France. Un mot pour chacun, un clin d’œil, une bise, une tape dans le dos, un selfie. “Et votez-bien !”… C’est ainsi qu’il a appris à faire de la politique. “Au cul des vaches”, comme disait Chirac. On ne l’arrêtera plus.
“L’ancien monde, c’est le mien. Et il a de l’avenir”, clame-t-il dans son livre.
On croyait avoir à faire à un rad-soc déprimé, c’est un évangéliste charismatique qui surgit. A l’évidence, ces bains de foule, qui font ricaner les macroniens, agissent comme un onguent pour ce grand blessé de la politique qui cache ses blessures par pudeur… Ou pas !
Boîte à gifles
Gare à ne pas le prendre pour un cave. Tout-à-trac, sur le plateau de Quotidien, le snipper du PS des années 2000 a ressorti la boîte à gifles et corrigé Macron, le “président des très riches” jugé “passif ” (Ouh ! la gonzesse !) dans le couple qu’il est censé former avec ce grand fou de Donald Trump. Une franche rigolade. Et une surprise du chef. Car le plan initial concocté avec l’éditeur ne prévoyait pas du tout ce genre de “punch lines” de cour d’école.
Avant la publication de son livre, François Hollande, interviewé par “l’Obs” en avant-première, refusait même carrément de s’abaisser à critiquer son successeur. Ses mémoires, fruit d’une expérience au sommet de l’Etat, méritaient mieux que cela. Pourquoi ne pas parler d’abord des accords de Minsk, de ses conversations avec Merkel ou de sa campagne triomphale au Mali ? Pourtant la critique implicite de Macron constituait bien le leitmotiv de l’opus. Mais la vacherie se distillait goutte à goutte. Chapitre après chapitre, il s’agissait de moucher l’impudent qui lui avait chipé le job en lui adressant des sourires enjôleurs ! Un poison lent.
“L’Obs” ne s’y est pas trompé. “Macron creuse les inégalités”, avons-nous titré en reprenant une saillie de l’ouvrage.
Nous étions dans le vrai, au moins psychologiquement. Deux semaines plus tard, François Hollande a soudain changé de pied et débordé Jean-Luc Mélenchon par la gauche traitant son ancien conseiller et ex-ministre de l’économie de suppôt du grand capital. Après des débuts timides pour sa première interview ratée sur France 2 qui fit plonger l’audience du JT, l’ancien président s’est progressivement enhardi.
“La politique fiscale d’Emmanuel Macron avantage les privilégiés et c’est de ce point de vue une politique d’inspiration libérale”, a-t-il déclaré sur France Inter. Trop mou !
“Pour la transgression, il (Macron) a des prédécesseurs. Et pour la trahison, il y a des cas illustres”, avait-il fini par lâcher sur les ondes du service public.
Trahison ? Le mot était lâché. Mais ce n’était pas encore suffisant. C’est donc Yann Barthès et son show Quotidien qui ont enfin récolté le fruit amer…
Il fallait que cela sorte. Les mille chapelles de la psychanalyse peuvent tomber d’accord sur ce constat. Mais pour quoi faire ? Soulager l’ancien président qui culpabilise de ne pas avoir été en mesure de se représenter ? Ou lui permettre de relancer sa carrière ? A ses admirateurs surgis des faubourgs et des bocages, François Hollande explique qu’il demeure engagé “en politique”. Sur France 2, il a refusé de répondre à Anne-Sophie Lapix qui s’enquérait d’une nouvelle candidature de sa part… Hollande, l’as de la voltige, n’exclut rien. Il sait à quel point la vie politique est contingente. “La chance”a fait Macron, répète-t-il. Pourquoi cette bonne fée ne ressusciterait-elle pas Hollande ?
Poser la question, c’est déjà y répondre par la négative. Comme Giscard d’Estaing et Sarkozy avant lui, Hollande présente tous les symptômes du président “mono-mandat”, obsédé par la possibilité d’un retour. Même s’il souligne qu’il est un “sortant” et non un “battu”, Hollande veut aussi, se prouver qu’il a en lui la faculté de se faire élire président et que sa victoire de 2012 n’est pas due à un concours de circonstance. Comment en avoir le cœur net sinon en rééditant l’exploit ? Cette faille narcissique conduit les recalés ou les empêchés à tenter l’improbable.
L’illusion de l’éternel retour
Même l’austère Lionel Jospin qui avait pourtant été éliminé dès le premier tour en 2002 a été frappé : en 2006, l’ex-Premier ministre a cru qu’il aurait la possibilité de remonter sur scène. François Hollande, alors premier secrétaire du PS, ne lui a jamais ouvert la porte. La fameuse deuxième chance ne survient jamais : en réalité, les névrosés de l’Elysée sont enfermés dans une répétition de l’échec. Même Napoléon a échoué lamentablement après 100 jours de come back.
Tous ces ex se bercent d’illusion en constatant que leur popularité instantanée paraît intacte. Comme dans la chanson, ils rêvent de “faire rejaillir le feu d’un volcan qu’on croyait trop vieux”. En 2016, Nicolas Sarkozy, dont le livre “Pour la France” se vendait comme des petits pains, et dont les meetings faisaient salles combles, était persuadé qu’il pourrait devenir le candidat de la droite à la présidentielle et remettre ses pantoufles à l’Elysée. Il a été battu à plates coutures.
Victime de la même illusion – même s’il s’en défend -, François Hollande peut se griser de sa “tournée” revival, comme un artiste qui réinterprète son unique tube dans les salles polyvalentes mais se montre incapable d’en créer un nouveau. Sa foule sentimentale carbure à la nostalgie. Mais ne songe pas aux lendemains. Selon un sondage Kantar-Sofrès récemment réalisé pour l’Obs, 77% de nos concitoyens ne souhaitent pas que François Hollande joue un rôle dans les prochaines années. Est-ce suffisamment clair ? Mais que cela n’empêche pas l’ex-président Hollande d’entonner ses classiques “le changement, c’est maintenant” , “mon adversaire la finance” ou même “pour toi, j’inverserai la courbe du chômage”. Le souvenir embellit presque tout, même les hits de 2012.
Sylvain Courage
Source: nouvelobs