On sait le candidat LR à la présidentielle française, François Fillon, peu passionné par l’Afrique. Il lui fallait donc un homme de confiance et d’expérience pour traiter des questions africaines. Dans son équipe, et très tôt avant la primaire de la droite et du centre, apparait le nom de Bernard Debré. À 72 ans, le député de Paris, qui fut ministre de la Coopération (en 1994-1995, sous le gouvernement Balladur), est depuis un an cet architecte de la pensée africaine de Fillon. Une vision complexe qui doit régulièrement se confronter à une réalité tout aussi complexe. Derrière ce très respecté urologue de l’hôpital Cochin, qui a suivi la santé de plusieurs chefs d’État africains, une volonté ferme, depuis la désignation de François Fillon comme candidat de la droite à la présidentielle de 2017, de renforcer la relation de ce dernier à l’Afrique.
Quelle sera sa politique africaine s’il accède à l’Elysée en mai prochain ? Éléments de réponses.
François Fillon, une certaine vision de l’Afrique
Il est loin, le temps où François Fillon déclarait : “la France aime l’Afrique. Cette relation affectueuse, nous la considérons comme un trésor”. C’était en 2009, à Yaoundé devant l’Institut des relations internationales du Cameroun (IRIC). Et pourtant, au vu de ses déclarations avant la campagne pour les primaires et enfin la présidentielle de 2017, il a montré toute la complexité de son rapport au continent africain. Un continent qu’il découvre en 1991, alors qu’il est un jeune député invité à Douala par un ami en campagne. François Fillon s’est forgé ses relations avec le continent africain, seul et au gré de ses fonctions officielles. Très attaché au départ au Cameroun et au Gabon, où il s’affichait avec le président Ali Bongo, alors fraîchement élu, il est peu familier du Sahel par exemple. Pourtant lorsque François Hollande prend la décision d’envoyer des troupes pour l’opération Serval, il est avec sa famille politique, l’ancienne UMP, en accord avec cette décision.
Sur la présence militaire française en Afrique
Les 17 et 18 décembre derniers, le député de Paris en a surpris plus d’un en consacrant sa première sortie internationale au Niger et au Mali. Un déplacement symbolique pour tout prétendant à l’Elysée. Mais encore plus important pour l’ancien député longtemps spécialiste des questions de défense. L’occasion d’enfiler le costume de « chef de guerre ».
“On ne va pas intervenir sans que les pays africains le demandent. On n’interviendra pas partout pour n’importe quoi. Mais il est évident que quand il y a des grands risques, comme on l’a vu dans un certain nombre de pays, que ce soit la Centrafrique, le Mali, et d’autres encore, il faudra que nous répondions à l’appel des pays africains. Mais François Fillon le dit très justement, il faut que ce soit avec les Africains eux-mêmes, leur armée et la coopération des pays africains qui entourent celui qui est dans des difficultés. Mais il faut aussi que l’Europe agisse. Il ne faut pas que la France agisse seule. Et quand on regarde ce qui se passe en Centrafrique ou au Mali, certes il y a des contingents des pays voisins, mais l’Europe est singulièrement absente”, affirme Bernard Debré sur l’antenne de Radio France internationale, le 25 novembre dernier. Et l’opération Barkhane, faut-il la maintenir ? “Oui. Nous n’avons pas à intervenir dans les affaires intérieures des États, mais nous pouvons lutter contre les menaces extérieures. Les pays concernés par les opérations Serval et Barkhane étaient confrontés à un danger imminent” a répondu Bernard Debré à l’hebdomadaire Jeune Afrique dans une interview en date du 1er mars 2017.
Colonisation : “la France n’est pas coupable d’avoir voulu faire partager sa culture…”
À contre-pied de ce que déclarait le candidat Emmanuel Macron, en Algérie, début mars, dans un discours donné à Sablé-sur-Sarthe dimanche 28 août, François Fillon a fustigé les enseignements scolaires qui apprennent à avoir “honte” de son pays. Pour lui, “la France n’est pas coupable d’avoir voulu faire partager sa culture aux peuples d’Afrique”. Quelques mois plus tard, c’est cette ligne qui domine dans sa campagne, comme l’expliquait Bernard Debré à nos confrères de Jeune Afrique : “Tous les pays occidentaux ont colonisé. Cela n’a pas été très glorieux, mais il n’y a pas eu que des mauvaises choses : l’enseignement, etc. On croyait amener la civilisation. C’était une autre époque ! Si nous revenons en permanence sur ce sujet, la coopération deviendra impossible. Je ne suis pas pour la repentance. C’est du passé, et la jeunesse de ces pays n’a pas connu la colonisation”.
Faire un sort à la Françafrique et au Franc CFA
“C’est une question qui doit être traitée par les Africains, affirme l’ancien Premier ministre sur RFI. La France ne tire aucun avantage de cette affaire du CFA. La question qui est posée, c’est : “Est-ce que c’est un élément de stabilité qui protège les économies des pays africains, ou non ? C’est une discussion qui doit s’engager avec les pays africains et, pour ma part, je suis ouvert à toutes les solutions.”
Une aide au développement revue et corrigée
Selon Bernard Debré, “l’aide doit être conditionnée à la bonne utilisation de cette aide. C’est peut-être difficile à dire, mais c’est vrai que, depuis un certain nombre d’années, l’aide au développement a beaucoup diminué, la coopération a beaucoup diminué – surtout ces cinq dernières années. Il ne conditionne pas l’aide à quoi que ce soit si ce n’est à une démocratie qui soit équilibrée”, a t-il dit sur l’antenne de RFI, ajoutant que “démocratie équilibrée ne veut pas dire prendre position dans les élections des uns et des autres, mais qu’il y ait une démocratie et une stabilité. C’est la stabilité qui est la plus importante. La stabilité, ça veut dire aider les pays quand ils sont en lutte contre des rebelles. Essayer de les aider, on l’a fait en Centrafrique, on l’a fait au Mali, on continuera à le faire”. Et de conclure : “Mais c’est important que ces pays soient en paix pour qu’ils puissent se développer”.