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François Fillon nous insulte, nous, les journalistes, et maquille la vérité : ça suffit !

. François Fillon a tenté de s’expliquer sur les emplois présumés fictifs de sa femme lors d’une conférence de presse, ce 6 février.

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Une opération d’enfumage qui a ciblé les médias pour faire diversion sur les incohérences, les approximations et les dissimulations du candidat de la droite et du centre. Ce numéro de vérité alternative, digne de Donald Trump, sera peut-être gagnant, mais il n’est pas glorieux et assurément dangereux pour le mental de notre démocratie, estime Olivier Picard.

Taper sur les journalistes, c’est une affaire rentable. Dans les enquêtes d’opinion, notre profession est presque aussi détestée que la classe politique jusque dans les dîners de famille où nous devons invariablement défendre notre métier, notre déontologie et notre éthique, et croyez-moi, c’est usant.

Habile, François Fillon a parfaitement compris, depuis longtemps, qu’il y avait là un filon à exploiter. L’ancien Premier ministre qui, à Matignon, organisait des séances de vœux inutilement fastueuses pour nous présenter ses vœux, a donc déployé lundi après-midi toute sa hargne contre la presse accusée de “lynchage”, et contre le tribunal médiatique dont il réfute le droit à le “juger”.

Avec culot, il nous a fait la leçon

Avec un culot incroyable – et une certaine audace, il faut bien le reconnaître – il nous a fait la leçon : “Vous en avez un peu trop fait”. Et, selon lui, “les Français seraient tout doucement en train de s’en rendre compte”.

Nous aurions donc délibérément “assassiné politiquement” et “pendant dix jours” un “candidat à l’élection présidentielle” sans qu’aucun d’entre nous n’ait eu “d’interrogations sur la violence de la semaine qui vient de se produire”.

Autrement dit, si on le comprend bien, nous ne serions qu’une meute des chiens enragés, sans conscience, excités par des “officines”, qui n’hésiteraient pas à mettre en danger le fonctionnement de la démocratie en déstabilisant au pire moment le champion désigné par les primaires de la droite et du centre.

Une opération de diversion

En disant cela, François Fillon sait parfaitement qu’il agite un fantasme populaire. C’est un enfumage spectaculaire, qu’il a peut-être réussi, d’ailleurs, l’avenir le dira. Car son “opération vérité” est une opération de diversion pour culpabiliser ces médias voyous : ils ont commis la faute de découvrir que son habit d’honnête homme n’était pas sans tâche. Ils ont eu l’impudence, ces chacals de s’intéresser à ses petites affaires familiales et, ce faisant, de s’interroger sur son rapport à l’argent.

Un crime de la transparence, mesdames et messieurs. Si on n’a plus droit à un peu d’intimité. Si, un parlementaire doit justifier de l’utiliser de l’argent public qui lui est confié pour rémunérer ses collaborateurs, où va-t-on ? La séparation des pouvoirs est en péril ! Ce n’est pas un peu gros ?

Une exigence d’exemplarité tout simplement normale

Après 32 ans d’ancienneté dans le métier politique, François Fillon fait mine de s’étonner qu’un candidat à la présidentielle, jusque-là, favori, puisse faire l’objet d’une radiographie sans complaisance de son passé, de ses pratiques, de ses comportements, comme s’il s’agissait d’une inquisition des temps modernes. L’article du “Canard Enchaîné” n’a fait que lever le voile sur un aspect dissimulé du profil d’un possible futur président de la République. Rien de plus. Est-ce si scandaleux à l’égard de l’intéressé qui prétend n’avoir “rien à cacher” ?

Cette curiosité est tout simplement normale, Monsieur Fillon. Elle n’est pas tournée contre vous – vous n’êtes pas si passionnant, rassurez-vous – et elle n’est pas voyeuriste. Elle est simplement saine. Il n’y aurait pas eu d’affaire Fillon, si, comme de nombreux députés anonymes, vous aviez respecté non seulement le cadre légal pour choisir vos collaborateurs – personne ne vous a obligé à rémunérer votre épouse au foyer et vos enfants encore étudiants – mais aussi le cadre moral, et une simple décence.

La méfiance envers les politiques et le “tous pourris” ne datent pas de 2013. Ils auraient dû vous inciter bien plus tôt à la prudence et à la dignité. Nous connaissons des dizaines de parlementaires qui s’appliquent des règles strictes qui vont bien au-delà du “c’est légal” dont vous vous faites un bouclier et n’en font pas toute une histoire. C’est simplement normal… On peut légitimement attendre d’un prétendant à la magistrature suprême qu’il soit particulièrement exemplaire, non ? C’est le débat, rien d’autre.

Un “procès diffamatoire”… dont vous vous êtes excusé !

Quant à “la chasse à l’homme” que vous dénoncez en faisant imprimer quatre millions de tracts, vous n’auriez pas eu à la subir si vous aviez été clair dès le départ sur l’emploi, plus que douteux, de votre épouse et de vos enfants – en sus de votre propre salaire et de vos indemnités de représentation. Vous auriez dû comprendre qu’il y avait de quoi choquer des millions de foyers français qui peinent, eux, à atteindre la barre d’un salaire médian (2.389 euros mensuels). Quant à vos approximations, vos silences, vos changements de version, ce sont toutes ces manœuvres dilatoires qui ont fait durer le plaisir.

Hier vous nous avez accusés collectivement de mener un “procès diffamatoire et calomnieux” mais, dans la même conférence de presse, vous avez reconnu la réalité des faits que nous n’avons fait que relater. Vous vous en êtes même excusé ! Vous avez implicitement admis que nous ne vous avons donc ni diffamé, ni calomnié, mais vous l’avez quand même prétendu !

En quelque sorte, vous voudriez gagner sur les deux tableaux.

Un maquillage des faits qui laissera des traces

Quel bluffeur ! Vous nous morigénez sur la vérité, que nous nous attachons à faire apparaître. Vous êtes quand même gonflé : vous vous affranchissez vous-même de toute rigueur sur ce terrain, mélangeant les sommes et les années sur quinze ans (gros trous compris) pour aboutir à une moyenne plus présentable des gains de votre épouse, parlant cette fois en “net” (3.677 euros quand même !), parce que ça les rend moins impressionnants.

Vous êtes malin, M. Fillon. Très malin. Très adroit pour vous racheter à bon compte sur notre dos. Les méchants, c’est nous. Sauf que les petits mensonges, c’est quand même vous. Vos enfants étaient, selon vous, “avocats”, et nous avons découvert qu’ils étaient étudiants rémunérés comme assistants parlementaires. Votre femme nous dit face caméra qu’elle n’a jamais été votre assistante et vous nous expliquez qu’on a mal compris une émission “en anglais” et les propos “tout en pudeur” de Pénélope. Ce n’est pas sérieux… D’autant moins que vous prétendez que la journaliste britannique qui a réalisé l’interview vous a appelés pour s’excuser de propos “sortis de son contexte”. Or la même journaliste a démenti formellement toute intiative de ce genre et confirmé les faits ! Comment vous croire après ça ?

Le plus formidable, c’est qu’un certain nombre d’observateurs vous ont trouvé “bon” dans votre numéro de maquillage des faits. Vous avez été agile, c’est vrai. Peut-être allez vous-même réussir à abuser l’opinion, et à acheter la lâcheté de votre camp, avec le bel emballage de vertu outragée dont vous enveloppez vos petits bobards. Tant mieux pour vous, si votre orgueil et votre conscience s’accommodent de cet arrangement avec vous-même.

Mais de grâce, n’oubliez pas que vous nous avez livré,

comme le fait Donald Trump, une de ces vérités alternatives, savamment recomposées, qui masque celle des faits. Vous piétinez la presse tout en sachant pertinemment que c’est dangereux, surtout en ces temps incertains, pour le mental de nos sociétés démocratiques. Le mal est fait. Cela vous ouvrira peut être les portes de l’Élysée, mais en chemin, vous aurez perdu l’essentiel : l’honneur.

 

La rédaction

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