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France-Afrique : La diversion d’Emmanuel Macron

Dans la livraison N°4860 du 05 décembre 2019 du quotidien «L’Indépendant», il est écrit que «Macron invite les dirigeants du G5 Sahel à «clarifier et assumer» leurs positions sur la présence des forces françaises». La gravité et l’inopportunité de cette déclaration du Président français conduisent bien à certaines interrogations.

 

Peut-on imaginer qu’à ce niveau du chaos sécuritaire vécu dans les pays du Sahel, en particulier au Burkina Faso et au Mali, que le Président Macron ne se soit pas encore rendu compte de l’écroulement dans ce cadre de l’ensemble des dispositifs politiques et militaires élaborés et mis en place sous l’influence et l’autorité du Gouvernement français ?

Est-il également acceptable, qu’après avoir maintenu les forces armées de défense et de sécurité du Mali hors des combats à l’extrême nord du Mali qui auraient pu très certainement mettre fin à l’invasion du Mali par des bandits armés, que le Président Macron n’avait pas entendu les plaintes et les frustrations des Maliens et des pays amis du Mali à ce sujet ?

Le Président Macron avait-il véritablement pesé les conséquences directes des disparitions tragiques et quotidiennes des militaires maliens, burkinabè et nigériens, du fait des djihadistes et des terroristes, pendant que des forces françaises stationnées dans ces pays, surarmées et suréquipées et spécialement engagées dans la lutte contre ces menaces pouvaient efficacement intervenir en faveur des forces loyalistes ?

Le Gouvernement de Macron avait-il réellement évalué la confiance et le grand espoir que les populations des pays du G5 Sahel avaient nourri et avaient placé dans l’intervention des troupes françaises aux côtés des forces armées de ces pays contre ces nombreuses menaces en cours ?

Le Gouvernement de Macron avait-il mesuré le grand attachement des populations africaines, en particulier maliennes,  à leur souveraineté  politique et territoriale ainsi que l’acharnement et l’engagement de celles-ci  à préserver leur Unité nationale ?

L’omission, la négligence et la sous-évaluation de ces éléments par le Gouvernement de Macron sont en effet à l’origine du rejet intégral et de l’échec de la politique française au Sahel, à savoir celui des interventions françaises au Mali, au Niger, au Tchad et au Burkina-Faso.

Mais contrairement à cette réalité incontestable d’impertinence et d’inefficience des stratégies de sortie de crise préconisées par le Gouvernement de Macron, le Président Macron veut faire croire au monde et au peuple français qu’un sentiment anti-français émerge avec intensité dans ces pays et qu’il faille fondamentalement revoir la coopération avec ces Etats… C’est là où pointe justement la diversion politique du Président Macron.

Conscient de la volonté affichée des populations des pays du G5 Sahel de construire des alternatives plus crédibles de partenariat avec des pays comme la Russie de POUTINE et sachant que le peuple français est bien susceptible de lui demander des comptes au sujet des multiples opérations militaires envisagées au Sahel, du fait des lourdes pertes enregistrées au détriment de la France pendant que des sommes colossales sont engagées dans ce cadre,  le Président Macron, en prélude également à sa défense devant l’histoire, a ainsi pensé «cette invitation» des chefs d’Etat des pays durement éprouvés par les attaques terroristes quotidiennes que les troupes françaises n’arrivent toujours pas à vaincre.

Le Président Macron sait bien que les défaites militaires ont toujours provoqué des instabilités politiques, cette diversion fait donc partie intégrante des moyens de défense du Président Macron et de son Gouvernement devant les critiques sévères de leurs adversaires politiques français et européens.

Avec certitude, le peuple français est appelé à comprendre que les populations des pays du G5 Sahel n’ont aucune antipathie en son égard ni contre les intérêts légitimes français au Sahel.  Ce sont plutôt des politiques publiques françaises, de nature colonialiste comme l’avait souligné récemment le Président BOLSENARO du Brésil, qui sont contestées et rejetées par les populations des pays du G5 Sahel.

C’est la déception des populations par les troupes françaises dans l’accomplissement de leur engagement vis-à-vis des Gouvernements des pays du G5 Sahel qui est vigoureusement exprimée par celles-ci contre le Gouvernement du Président Macron. Le peuple français est et restera l’allié historique des populations des pays du G5 Sahel et tout doit être mis en œuvre par les peuples pour sauvegarder éternellement cette relation fraternelle au-delà des contingences politiques.

Pour se défendre des échecs des politiques imposées à ces Gouvernements africains du Sahel,  le Gouvernement de Macron a adopté la diversion politique : stratégie politique qui consiste à épingler au premier chef la responsabilité des chefs d’Etat et des Gouvernements des pays du G5 Sahel qui, cependant, n’ont suivi depuis le début des douloureux évènements en 2012 et appliqué à la lettre les recommandations et les résolutions de la Communauté Internationale et plus particulièrement les solutions préconisées directement et politiquement par les Gouvernements successifs français dont celui du Président Macron.

La présence des troupes Onusiennes et celle des troupes françaises n’ont jamais été contestées ni remises en cause dans ces pays du G5 Sahel. En ce qui concerne la France, c’est l’attitude des gouvernants français dans l’adoption et la mise en œuvre des mesures inacceptables car contraires aux règles du Droit International et hostiles aux intérêts de ces pays dont le Mali.

La régionalisation ne trouve pas encore son chemin en France, alors comment le Gouvernement français et la communauté internationale peuvent vouloir imposer cette forme politico-administrative au Mali, sachant bien qu’elle transforme l’Etat unitaire en un Etat fédéral ou presque que les Maliens ne veulent pas pour l’instant ?

La proximité douteuse du Gouvernement de Macron avec les groupes armés rebelles du nord du Mali ainsi que le comportement «souverain» des troupes françaises en terre étrangère malienne sont également constamment indexés par les populations et ces réalités heurtent gravement la conscience nationale.

Sous les contraintes d’un Accord pour la paix, imposé à Alger au Gouvernement du Mali et aux groupes armés rebelles du nord-Mali par la France et par la Communauté Internationale qui n’existe aucunement pas au regard du Droit International, les forces armées de défense et de sécurité du Mali sont presque interdites de faire mouvement vers des localités comme Kidal où la présence de l’Etat malien est quasi nulle.

Sur ce point, il est important de rappeler que le Gouvernement du Président Macron n’est pas le seul concerné. D’autres pays européens sont aussi sérieusement soupçonnés d’appuyer les groupes armés du nord dans leur aventure hasardeuse de division du Mali.

Le Gouvernement de Macron est celui qui pilote ouvertement toutes les manœuvres. Un ancien Ambassadeur français au Mali n’a-t-il pas écrit que le Gouvernement français avait bien «ajouté du désordre au désordre», en faisant par exemple renaître des groupes armés comme le MNLA qui s’apprêtait pourtant à l’époque à déposer les armes…

S’agissant de la présence de la communauté internationale notamment au Mali, Ce sont les mandats de la MINUSMA qui font couramment l’objet de critiques de la part des Maliens parce que ces derniers avaient espéré à juste titre l’engagement ferme des troupes Onusiennes aux côtés des forces de défense et de sécurité du Mali dans la lutte pour la conquête de l’intégrité de leur territoire national.

À cette retenue de la MINUSMA, on peut également ajouter les effets néfastes des massacres quotidiens des populations civiles au centre du Mali par des groupes terroristes alors que les troupes Onusiennes prétendaient avoir la charge essentielle de protéger ces populations civiles non combattantes. Des critiques sévères avaient bien été élevées à ce sujet mais jamais le départ du Mali des troupes étrangères n’avait été une préoccupation des Maliens.

Les cas graves de violations des droits de l’homme, les nombreuses et quotidiennes exactions contre les enfants, les femmes et les vieilles personnes ont bel et bien été à l’origine de quelques manifestations de jeunes contre les forces Onusiennes, mais qui furent toutefois très vite maîtrisées par le Gouvernement malien par la voie du dialogue et de la sensibilisation. Le contexte démocratique faisant du peuple malien le souverain, le Gouvernement malien ne pouvait aucunement agir autrement contre les manifestants. Le droit de manifester est fondamental dans une démocratie.

Il ne revient donc pas aux chefs d’Etat des pays du G5 Sahel de clarifier leurs positions sur la présence des forces françaises et onusiennes au Mali, mais c’est à la communauté internationale et surtout au Gouvernement de Macron de clarifier les positions de son Gouvernement, de démentir concrètement les allégations nombreuses soulevées contre eux au Sahel et de justifier les turpitudes vécues sur le terrain. C’est au Gouvernement de Macron de s’expliquer aux Maliens sur l’absence de l’Etat du Mali à Kidal et sur les objectifs visés dans la mission des forces françaises au Mali, au Burkina-Faso, au Niger et au Tchad.

Il était plus raisonnable aussi qu’une telle rencontre ait lieu en dehors de la France du fait du ton autoritaire emprunté et paternaliste dans lequel «l’invitation» avait été lancée. L’occasion est toutefois bonne pour les chefs d’Etat «invités ou convoqués» d’apprendre à Macron et à son Gouvernement que le monde a beaucoup changé.
La raison n’est plus exclusivement Hélène ainsi que l’émotion qui n’est non plus exclusivement nègre. Le respect du droit international s’impose à tous les Etats en matière de coopération.

S’il faut pour le triomphe des règles du Droit International dans cette confrontation avec la politique française au Sahel, saisir des instances juridictionnelles appropriées au plan européen et international, le peuple africain ne devrait épargner aucune piste. Le salut se trouve bien dans cette voie. Aussi, il faut rappeler que les partenaires fiables ne manquent pas pour aider les pays du G5 Sahel à sortir victorieux de ces formes d’agression.

Mamady SISSOKO

Docteur d’Etat en Droit

Source : Nouvelle Libération

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