Blogueur et journaliste, Fousseni Togola est également un jeune écrivain prolifique. Auteur des ouvrages : Féminitude, Le drap rouge et Une foi errante, il vient de mettre un quatrième livre sur le marché intitulé “La société close et ses militants”. Inspiré de “La société close et ses ennemis” du philosophe anglais, Karl Popper, cet essai, publié chez la plateforme d’autoédition d’Amazon, Independently pubishing, critique et pose des solutions politiques aux Etats africains. L’auteur a bien voulu répondre à nos questions sur son livre, ainsi que ses projets d’écriture.
Aujourd’hui-Mali : Bonjour, pouvez-vous nous présenter votre nouvel ouvrage “La société close et ses militants” ?
Fousseni Togola : Il s’agit d’un essai de philosophie politique ayant pour vocation de contribuer aux débats sur la démocratie dans le monde et en particulier en Afrique. La société close et ses militants est également un ouvrage de propositions de solutions à certaines problématiques actuelles : de la crise sécuritaire, notamment de la négociation avec les terroristes, aux crises politiques et institutionnelles. Comme tout ouvrage philosophique, ce livre est “fille de son temps” puisqu’il aborde les problèmes que vivent les démocraties modernes aussi bien en Afrique qu’en Europe. J’avoue que j’ai été très ému par le retour d’une lectrice française qui a eu l’impression que le livre n’était écrit que pour les Français, puisqu’il existe un continuum entre les positions défendues dans cet ouvrage et celles des Gilets Jaunes. C’est quand même réconfortant.
Comment expliquez-vous le titre de l’ouvrage ?
Comme tout auteur, le titre de cet ouvrage n’est pas né ex-nihilo. Il reste inspiré de celui de Karl Popper intitulé La société ouverte et ses ennemis. Si dans cet ouvrage subdivisé en deux tomes, ce philosophe, pétri de théories scientifiques, se livre à des critiques acerbes contre certaines idéologies qu’il juge néfastes pour le progrès social, le règne d’une société plus rationnelle, alors dans le mien je ne fais pas moins. “La société close et ses militants” évoque tous ces pays africains où des Tyrannies sont hissées en lieu et place de la démocratie. Cette situation reste favorisée par l’émergence d’une crise sécuritaire grandiose, la course aux intérêts du côté de la classe politique, ainsi que de la société civile, voire des simples citoyens. Des situations qui ne favorisent pas le règne d’un véritable rationalisme.
Les idéologies de Karl Popper dont vous vous inspirez dans cet ouvrage sont-elles adaptables à nos sociétés africaines ?
Bien sûr que oui ! Si tel n’était pas le cas, il ne serait pas utile d’écrire cet ouvrage. Ce philosophe anglais trouve que le dialogue peut être un antidote à la guerre. Je ne pense pas que les valeurs traditionnelles africaines disent moins. La discussion était au centre de toutes les grandes prises de décision sociale. D’où la notion d’arbre à palabre. Je pense d’ailleurs que beaucoup de pays africains en crise ont commencé à le comprendre. La “théorie du complot”, en vogue dans les États africains victimes de crises sécuritaires, reste condamnée par ce philosophe. La pensée politique poppérienne trouve que cette victimisation conduit à l’inaction. Je vous laisse trouver le lien entre cette idéologie et ce qui se passe aujourd’hui au Mali, où les forces étrangères sont tenues pour responsables de la situation sécuritaire régnante dans le pays. La force des idées philosophiques est qu’elles dépassent les frontières qui les ont vus naître.
Dans cet ouvrage, vous proposez le bipartisme au détriment du multipartisme… !
Evidemment. Je sais que cela va susciter des débats. Mais si je le dis, c’est que j’ai de bonnes raisons d’adopter une telle position. Aujourd’hui, l’expérience démocratique africaine a suffisamment montré que le multipartisme ne peut conduire qu’à l’asservissement du peuple. Les partis politiques sont tous devenus des “groupements d’intérêts”. Ce qui explique les migrations irrégulières entre eux. Les petits partis sachant qu’ils n’ont pas assez de chances d’atteindre la magistrature suprême, s’allient vite aux grands qui s’appuient sur eux à chaque fois qu’ils voient que la défaite est au bout de leurs efforts. Dans ces circonstances, quoi que le peuple fasse, il se retrouve à la case de départ. Le changement voulu ne se concrétise jamais. Voilà pourquoi je propose de tester l’expérience du bipartisme qui pourra créer une forme de concurrence susceptible d’obliger chaque parti à se faire aimer par les citoyens en posant des actions de développement.
Vous parlez aussi de la mise à l’écart du peuple, comment ?
Cela me paraît assez clair dans les démocraties actuelles du continent. Le peuple est réduit aux élections. Après ces échéances, on n’a plus de considération pour lui. Il devient une épave. Or, c’est lui qui devrait avoir le rôle d’évaluateur de ses mandants et devrait avoir droit de réponse sur toutes les affaires non couvertes par le secret-défense. Je parle de cette forme de mise à l’écart du peuple. La non implication ou encore le peu de considérations accordées à la souveraineté du peuple.
Avez-vous d’autres projets d’écriture ?
En tant que jeune et dynamique, les idées ne cessent de me bousculer de l’intérieur. J’y réponds favorablement. Bientôt, un nouvel ouvrage sera sur le marché malien. Il s’agit cette fois-ci d’un roman philosophique au service de l’enseignement de la philosophie dans nos lycées. En plus de cela, je suis présentement sur un projet commun d’écriture avec un ami congolais. Cela ne tardera pas également à voir le jour.
Quel sera votre mot de la fin ?
J’invite la jeunesse à prioriser la culture intellectuelle à toute autre forme de pratique. Un homme sans culture n’est pas loin d’une bête. Il n’y a pas meilleur refuge que les livres, les bons livres, ceux qui nous parlent. Dans ceux-ci, nous trouvons la réponse à nos maux, à ceux de nos sociétés. Mais la vertu de la lecture est cultivée depuis à bas âge. Je demande alors aux parents d’y veiller.
Réalisé par Youssouf KONE
Source: Aujourd’hui-Mali