La crise qui secoue le Mali depuis deux ans a gravement « électrocuté » la société Energie du Mali et aura été à l’origine des délestages intempestifs vécus pendant au moins 6 mois l’année dernière.
Mais, cette année encore, malgré les circonstances favorables à une amélioration de la production en électricité, celle-ci ne sera pas à même de combler les attentes. C’est la principale information qui ressort de cet entretien que nous accordé M. Thiona Mathieu Koné, directeur de la communication de EDM-SA
26 Mars : L’année dernière, les maliens ont beaucoup souffert de coupures intempestives d’électricité. Peut-on cette année, s’attendre à une fourniture régulière d’électricité ?
Thiona Mathieu Koné: Merci de votre approche qui consiste toujours à venir recueillir à la source l’information relative à la fourniture de l’électricité dans tous les centres du Mali.
Le pays sort d’une grave crise, et je pense que c’est la pire des crises de notre histoire contemporaine. Dieu merci, il ya eu la libération des zones naguère occupées.
Concernant la fourniture en électricité, je vous signale que ces deux dernières années (2012 et 2013) nous avions connu des coupures dues à un moment donné aux effets conjugués de la crise. Car, à cette période, on avait des difficultés de ravitaillement de nos centrales en combustible et il ya eu une incidence négative sur la trésorerie de l’entreprise. L’Etat s’est assumé, tant bien que mal, on a essayé de limiter les nuisances. Mais, cela n’a pas empêché les coupures qui étaient dues parfois à des raisons financières, techniques, indépendantes de notre pouvoir en termes d’actions. Cela, parce que le Mali n’est pas producteur de pétrole et nous continuons à consommer beaucoup de combustible et parfois, il n’est pas facile de s’en approvisionner. C’est pour ces raisons qu’il ya eu des coupures intempestives et nous avons été compris par la clientèle que nous saluons pour cet accompagnement.
Par rapport à cette année, il faut dire que l’économie reprend, les consommations reprennent de plus belle dans tous les secteurs. Quand les consommations reprennent, le pays reprend à vivre normalement. A EDM SA, on note un accroissement de la consommation de plus de 16% et également, pour des raisons de trésorerie, nous avions un peu gelé les branchements des compteurs et tout cela a repris. Donc, nous pensons qu’il y aura une amélioration, mais je n’ai pas dis qu’il n’y aura pas de déficit. Nous continuons à enregistrer un déficit de production.
Vous savez, Sélingué entame sa révision décennale, Sopam est en pleine maintenance et même Manantali qui est notre principal fournisseur connait de petits problèmes de fonctionnement. Donc, nous serons handicapés au point de vue production d’électricité. Tout le parc national de production, plus l’apport de Manantali et celui de la Côte d’Ivoire ne pourront pas permettre de réunir suffisamment de production pour faire face à la forte demande. Mais, je pense que le déficit de 2014 sera inférieur à ceux des années passées.
Je profite donc de cette occasion que vous nous donnez pour dire que l’implication de tout le monde à travers les bonnes pratiques de consommation permettra de faire face à cette gestion de déficit qui avoisinerait les 20 à 30 mégawatts et qui va baisser au fur et à mesure que les réparations vont s’effectuer.
26 Mars : Les clients ont longtemps espéré bénéficier d’une baisse du coût de l’électricité surtout après l’interconnexion avec le réseau électrique de la Côte d’Ivoire…
Thiona Mathieu Koné : Tout client espère et Dieu merci, puisse cette espérance se concrétiser un jour. Mais, vous savez, les autorités sont très soucieuses de la satisfaction des grands besoins.
Aujourd’hui, l’interconnexion avec la Côte d’Ivoire apporte au maximum 30 mégawatts, alors qu’on comptait sur 80 mégawatts. Cela est dû faut fait que la Côte d’Ivoire elle aussi sort d’une dizaine d’années de crise. Donc, elle ne peut pas nous donner ce que nous attendons actuellement. Mais, on ne peut pas prendre cela comme modèle pour dire de baiser les tarifs d’électricité. Il faut plutôt réussir à satisfaire la forte demande.
Je pense que notre challenge, c’est d’abord de satisfaire les besoins qui vont croissants. Quand vous regardez nos coûts de production (ou mixte de production), le combustible tient une part importante. On n’a pas encore une énergie bon marché grandement disponible pour permettre d’amorcer cette baisse. Mais, pour les années à venir, EDM SA est entrain de tout faire pour agir sur les coûts de production. Nous avons entamé une sorte de transition énergétique à travers la multiplication des centrales hybrides, c’est-à-dire, les solaires et les diesels. Cependant, tant que le gasoil et même le fuel lourd continueront à être grandement utilisés, je pense que l’espérance de la baisse tarifaire sera lointaine.
26 Mars : Après la libération des régions nord du Mali, EDM-SA s’est réinstallée dans ces localités, fournissant gratuitement de l’électricité aux populations. Quelles explications donnez-vous à cette situation ?
Thiona Mathieu Koné : Depuis la libération de ces régions, nous avons entamé un processus de reprise des activités de fourniture d’électricité dans les sept centres qui échappaient à notre contrôle du fait de l’insécurité à Kidal, Gao, Tombouctou, Niafunké, Douentza, Diré et Goundam. Et, à la faveur de la libération, nous avons envoyé des équipes qui ont pu reprendre la fourniture de l’électricité qui s’améliore au fil des mois. Maintenant, après la remise des réseaux et du parc de production (avec l’apport parfois des partenaires) nous sommes entrain de nous organiser pour procéder à la normalisation de nos activités. Il faut signaler que dans ces localités, tous les compteurs ont été détruits. Maintenant que les choses se normalisent, nous avons entamé un travail (qui a certes pris du retard) qui consiste à normaliser les choses. Nous avons bouclé le processus à Douentza et nous allons l’entamer dans les autres villes. Tout cela pour vous dire que c’est un chantier qui nous occupe actuellement. Bientôt, nous allons corriger cette situation. Sinon, tous les citoyens ont les mêmes droits. Nous avons mené une campagne d’information, la population a compris notre démarche. Tout le reste consiste à doter les clients de compteurs. C’est les compteurs à prépaiement qui ont été retenus pour la normalisation de nos activités comme nous l’avons ici en termes de grande diffusion dans les autres centres du Mali.
26 Mars : EDM SA a-t-elle reçu une subvention de la part de l’Etat ou d’autres partenaires pour supporter les charges de fonctionnement dans les régions nord ?
Thiona Mathieu Koné : Je vous signale qu’aucune subvention ne peut permettre à EDM SA de ne pas facturer l’électricité et aucune subvention n’est suffisante pour pouvoir apporter la gratuité de nos services à tous les clients. C’est des raisons objectives d’insécurité et de ravitaillement en combustible et en matériels de comptages, qui expliquent la situation. C’est tout cela qui a un peu retardé la normalisation des activités et je vous dis que ce chantier bat son plein actuellement.
26 Mars : Pourquoi le choix des compteurs I SAGO ? Quels avantages ont-ils ?
Thiona Mathieu Koné : D’abord ça permet de planifier son budget de consommation d’électricité. Pour les maisons en location, il y a moins de litiges parce que personne ne charge le compteur pour partir laissant des dettes. Bref, ça améliore les relations d’EDM SA avec sa clientèle.
Je pense aussi qu’avec les compteurs ISAGO, les gens en arrivent à une meilleure maitrise de leur consommation domestique. Et tout cela permet à EDM SA de servir un grand nombre de clients mais, nous insistons sur les pratiques d’économie d’énergie.
Nous entamons actuellement la période de forte chaleur, période pendant laquelle, les gens ont tendance à consommer d’avantage d’électricité. Surtout, que cette année, à partir de juin, c’est la Coupe du Monde de Football. Donc, si chacun s’implique dans la démarche d’économie d’énergie, on s’en sortira. Il faut nous aider et on compte sur la population.
Propos recueillis par
Dieudonné Tembely