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Force armée du G5 Sahel : les enjeux d’une reconnaissance internationale mitigée

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Le dossier de financement de la nouvelle Force armée du G5  Sahel, s’invite au centre des débats du Sommet extraordinaire des Etats du G5 Sahel, qui se tient aujourd’hui à Bamako, où les Chefs d’Etats des pays membres de cette jeune organisation sous régionale, en présence du nouveau Président français M. Macron, se penchent sur la question de la mobilisation d’un budget de 423 millions d’euros pour rendre opérationnelle la force conjointe régionale  du G5 Sahel, au lendemain de l’adoption à l’unanimité le 23 juin dernier, de la résolution du Conseil de Sécurité (S/2017/2359) approuvant le déploiement  de cette Force  (FC-G5S) dans la région du Sahel pour combattre le terrorisme et le crime transfrontalier.

A l’issue d’une lecture analytique de cette résolution, j’essayerai,  ci-après,  de contribuer à éclairer l’opinion publique nationale ainsi que celle des pays de la sous région, par rapport aux enjeux stratégiques de cet événement politique et diplomatique majeur, par les commentaires suivants:

  1. La résolution 2359 est globalement très positive, quand bien même, elle tergiverse au sujet du financement de la force du G5  Sahel en prescrivant, dans son paragraphe 6, aux Etats de cette organisation de donner à la Force, créée récemment, les ressources nécessaires pour son fonctionnement d’une part, mais aussi en engageant (au même paragraphe 6, ligne 5) les partenaires bilatéraux et multilatéraux à apporter davantage leur appui sur les plans  logistique, opérationnel et financier et, à convoquer par ailleurs, une conférence des donateurs pour coordonner l’aide internationale à la  FC-G5S;

2.    Objectivement, la Force du G5 Sahel ne pouvait pas espérer avoir plus d’engagement de la part du Conseil de sécurité, par rapport à la question de financement, dans le contexte mondial actuel, puisque le Conseil ne peut exclusivement engager d’appui financier direct que dans deux cas de figure:

a.    L’usage de la force armée pour l’application du chapitre VII de la Charte des Nations Unies, relatif à l’action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d’actes d’agression (Articles 43,44 et 45 du Chapitre VII). Toutefois dans ce cas, l’emploi de la force armée est décidé par le Conseil de sécurité lui même avec l’aide de son Comité d’état-major. L’application du chapitre VII est souvent bloquée par le veto avec en filigrane les jeux politiques des membres permanents du Conseil. Tout de même que l’idée initiale de la création de la Force du G5 Sahel n’est pas qu’elle soit assujettie au Comité d’état-major du Conseil de sécurité, mais plutôt à un Commandement collégial relevant des Etats-Majors des armées des Etats membres du G5 Sahel;

b.   Le second cas concerne l’intervention militaire dans le cadre des Opérations onusiennes de Maintien de la Paix (OMP). Ce concept, ayant été inventé par l’ONU en 1956 à l’occasion de la crise de Suez, s’est beaucoup plus développé sous le nom de «Casques bleus», constituant une réponse ad hoc à une situation non prévue par la Charte et, un  palliatif à l’usage de la force. L’absence d’assise juridique explicite des OMP a conduit à parler d’un mythique «chapitre VI et demi» comme fondement légal de ces opérations. Les OMP sont placées sous l’autorité du Conseil de sécurité, dont une résolution décide de la création d’une force de maintien de la paix et en fixe le mandat. Le Secrétaire général de l’ONU est responsable devant le Conseil de sécurité de la conduite de l’intervention militaire. Il nomme, avec l’accord du Conseil, le Commandant en chef auquel s’ajoute, pour les opérations de grande ampleur ayant des composantes civiles, un Représentant spécial. C’est à eux que le SG de l’ONU délègue le commandement opérationnel (militaire et politique) sur le terrain. Le commandant en chef désigne lui-même les membres de son état-major parmi les officiers des contingents nationaux mis à sa disposition;

  1. Depuis la fin de la guerre froide, l’ONU a été extrêmement sollicitée pour lancer ce type d’interventions: elle a déployé en cinq ans trois fois plus d’opérations que pendant les quarante années précédentes.
  2. Au 31 Mai 2017, le nombre total des personnels de l’ONU affectés sur le terrain aux 16 opérations de maintien de la paix actuellement en cous est de 112.207 employés, fournis par 128 pays. Leur statut international leur assure une totale indépendance à l’égard des États contributeurs.
  3. Le budget spécial des OMP, qui est toujours en croissance en passant de 3,6 milliards de dollars à 5 milliards de dollars (sans le Kosovo) en 2006, puis à 7 milliards de dollars en 2016, est alimenté sur la base d’un barème spécial dégressif, qui établit quatre catégories de contributeurs. En réalité, ce budget est financé presque uniquement par les pays industrialisés, qui versent leurs contributions avec de plus en plus de retard. La création d’un fonds de réserve pour le maintien de la paix de 150 milliards de dollars par l’Assemblée générale en 1992 n’a pas permis jusqu’à présent de régler le déficit budgétaire chronique, qui finit par peser lourd sur l’accomplissement des mandats de maintien de la paix à travers le Monde. Le budget approuvé des opérations de maintien de la paix pour l’exercice 2016-2017 est d’environ 7,87 milliards de dollars. Il représente moins de 1% du total des dépenses militaires mondiales estimées à 1747 milliards de dollars en 2013.
  4. Par exemple, les montants des budgets alloués aux Missions de l’ONUpour le maintien de la paix à travers le Monde, peuvent varier entre 56.582.500 $ pour la MINURSO (450 employés), 933.411.000 $ pour la MINUSMA (14.043 employés) et 1.235.723.100 $ pour la MONUSCO en RDC (22.199 employés);

 

  1. Pour mieux tirer profit de la résolution 2359, il est recommandé d’instaurer une coordination dynamique entre les diplomaties des pays du G5 Sahel, pour s’activer au plan international, dans le sens de faire valoir la concrétisation de «l’engagement» énoncé par la résolution dans son paragraphe 6. Au plan national et, il conviendrait de ramener la tutelle du G5 Sahel au Ministère des Affaires étrangères, qui est réellement son encrage institutionnel et politique naturel, au lieu du Ministère de l’Economie et des Finances, qui avait piloté le dossier durant la phase de création du G5 Sahel. La Mauritanie est sensée être le premier Etat à prendre des initiatives de ce genre pour mieux harmoniser et optimiser son action diplomatique, puisque qu’elle abrite le siège du G5 Sahel;

 

  1. Il faudra aussi impliquer davantage le Ministère de la Défense dans la coordination du dossier  FC-G5S, pour mieux évaluer la contribution de notre pays à cette force, la spécification des moyens à mobiliser et leurs coûts, dans le cadre d’une étude globale pour le financement de la Force, dont la Mauritanie pourra proposer la réalisation avec les autres pays du G5 Sahel, notamment au prochain examen du dossier de la Force devant le Conseil de Sécurité à New York en septembre prochain;

 

  1. Œuvrer diplomatiquement ensemble avec les membres du G5 Sahel pour que la conférence des donateurs se déroule avant la fin de l’année 2017 afin que les engagements de financement pour la nouvelle Force puissent être planifiés et exécutés sans tarder au titre de l’année prochaine 2018 ;

 

  1. Exploiter le paragraphe 7 de la résolution, qui prie de Secrétaire général des Nations Unies d’établir un rapport périodique adressé au Conseil de Sécurité sur l’état d’avancement du chantier de la Force du G5 Sahel, en étroite collaboration avec ses Etats membres. Pour se faire, il est recommandé de mettre à contribution les Ministères des Affaires étrangères et les Missions diplomatiques des pays du G5 Sahel à New York, à Addis, à Genève et à Bruxelles, ainsi que le Secrétariat Permanent du G5 à Nouakchott, pour mieux assurer un suivi régulier de l’évolution du dossier de la Force, sachant le prochain examen du dossier par le Conseil de Sécurité sera dans 4 mois après l’adoption de la présente résolution, donc en septembre prochain;

 

  1. Enfin, il faudra prendre en compte, lors de la mise en œuvre, les aspects spécifiques en matière de Droits de l’Homme, tel que mentionnés au paragraphe 7 de la résolution, notamment, la coordination de l’assistance humanitaire, la protection des civiles, en particulier les enfants engagés par les groupes terroristes et criminels, l’équilibre Hommes/Femmes et les questions de conduite et de discipline ;

 

Quelle que soit, par ailleurs, la bataille diplomatique à livrer pour la mobilisation du financement de la Force du G5 Sahel, il est clair que l’adoption, à l’unanimité, de la  résolution 2359 par le Conseil de Sécurité, approuvant le déploiement  de cette Force  pour combattre le terrorisme et le crime transfrontalier au Sahel, constitue en-soi une  reconnaissance politique et diplomatique sans ambages des efforts en matière de lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent, que notre Pays et notre Président ont déployés durant ces dernières années, en partant d’une vision stratégique et d’une volonté politique cohérentes, positives et ambitieuses pour la Mauritanie, la région Sahélienne, le Continent africain et le Monde arabe.

La Mauritanie, qui a été le pays initiateur du G5 Sahel et, qui est aujourd’hui présente à Bamako pour ce grand rendez-vous stratégique, régional et international, est interpelée, plus que par le passé, afin de garantir la continuité, la constance et le dynamisme de notre diplomatie, basée sur les principes et les bonnes pratiques d’amitié, de paix, de respect, de bon voisinage et de coopération entre les pays et les nations.

 C’est une Mauritanie de cette trempe que le Président Aziz dirige aujourd’hui avec un volontarisme et un enthousiasme singuliers vers des objectifs nobles, positifs et respectueux pour inviter le bien aussi bien pour le pays que pour la sous région.

 

Nouakchott, le 2 Juillet 2017

Mohamed Saleck Ould Brahim

Chercheur, Consultant international

 

La rédaction

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