Aucun film d’Afrique subsaharienne ne concourt pour la palme d’or à la 71 ème édition du festival de Cannes, ouverte le mardi 8 mai. Cela devient une constance depuis le début de ce 21ème siècle, malgré de rares exceptions comme Mahamat-Saleh Haroun du Tchad en 2010 avec Un Homme qui crie et en 2013 avec Grigris, et Abderrahmane Sissako, Mauritanien, en 2014 avec Timbuktu,
Cependant, le continent pourra se consoler dans cette compétition avec en lice un long métrage d’Afrique du Nord dénommé Yomeddine de l’Égyptien Abu Bakr Shawky, qui en est à son premier film. Un film qui réunit, l’espace d’un voyage, un lépreux en quête de ses origines et un jeune orphelin originaire de Nubie. Beshay – qui fut abandonné enfant à la léproserie et guéri de la maladie bien des années plus tard, part à la recherche de ses parents dans son village natal au sud de l’Egypte. Il est en butte à l’hostilité et au rejet que son visage ravagé par les stigmates et son corps contrefait suscitent sur son passage. Obama, orphelin qui lui est attaché par communauté de destin, lui impose son compagnonnage et se joint à l’étique attelage que forment Beshay, sa carriole et son âne.
Les percées effectuées à ce prestigieux festival par les cinéastes africains symbolisées par la prouesse de Souleymane Cissé avec son film Yeleen qui a remporté le prix du jury en 1987 ou la Palme d’Or décernée en 1975 au film Chronique des années de braise de l’Algérien Mohamed Lakhdar Hamina, n’y ont rien fait. La sélection à Cannes demeure impitoyable pour le 7ème art africain, ce qui donne un parfum d’injustice à l’encontre d’un cinéma qui connaît une grande évolution qualitative. C’est d’autant plus frustrant qu’aucun film africain n’a été retenu pour participer à la compétition des courts métrages.
Il faudra tourner le regard vers l’autre grande sélection du festival officiel, Un Certain Regard, pour trouver cette année trois films réalisés par des Africains. Le film Sofia de la Marocaine Meryem Benm’Barek, également à son premier long métrage, évoque le parcours d’une toute jeune maman qui veut éviter d’être dénoncée par l’hôpital comme fille-mère, acte considéré comme un grave péché ; elle part à la recherche du père de son enfant nouveau-né.
Le très controversé film Rafiki de la Kényane Wanuri Kahiu qui a osé conter une histoire d’amour entre deux jeunes femmes, contrariées par leurs familles et le poids de la tradition. Un film qui crée la polémique au Kenya où il n’a pu avoir l’autorisation d’être projeté.
Enfin, on trouve les Moissonneurs du sud-africain Etienne Kallos, tout aussi à son premier long métrage, portant sur un drame qui se passe en pays afrikaner.
Pour la première fois, lors de la cérémonie d’ouverture, le délégué général du Festival, Thierry Frémaux est venu lui-même le jury de la 71e édition, qui se veut paritaire et divers. Il se compose de cinq femmes et quatre hommes venant des cinq continents. Parmi elles, une Africaine, la chanteuse burundaise Khadja Nin.
Huit mois après le scandale de l’affaire Weinstein, ce producteur américain accusé d’agressions sexuelles par de nombreuses actrices, le festival en ressent encore les secousses. Les VIP sont prévenus : avec leur badge d’accréditation, ils ont reçu un fac-similé de billet d’entrée, orné d’un nœud papillon et de cet avertissement : « Comportement correct exigé. Ne gâchons pas la fête, stop au harcèlement. » Suit le numéro de la hotline pour « toute victime ou témoin de violences sexistes ou sexuelles».
Kabiné Bemba
Diakité
Source: Essor