Secteur très développé dans le Mali profond, l’orpaillage apporte de la valeur ajoutée mais sa cohabitation avec les sociétés minières devient de plus en plus difficile. Il urge de réglementer l’activité.
Le torchon brule entre les sociétés minières et les orpailleurs dans nombre de localités où l’activité aurifère bat son plein. Si rien n’est fait pour organiser le secteur, il est fort à parier que la situation pourrait prendre des tournures dramatiques.
En effet, orpailleurs et sociétés minières doivent se donner la main afin d’éviter des incidents. Mais il faut craindre que les engagements et bonnes intentions ne soient pas traduits en acte concret. Par le passé, des incidents entre sociétés minières et orpailleurs ont éclaté sur plusieurs sites miniers.
Ce qui pose l’impérieuse nécessité de créer un véritable couloir d’orpaillage, qui délimitera les zones d’intervention de chaque entité, orpailleurs et sociétés minières propriétaires légales de permis d’exploration et d’exploitation.
De nos jours, l’orpaillage draine du monde et constitue une activité économique des plus prisées. De fait, ses acteurs ignorent tout de la réglementation en la matière. Si par le passé l’orpaillage était pratiqué de façon traditionnelle, de nos jours, la donne a changé avec l’utilisation des moyens mécaniques.
La balle est dans le camp des plus hautes autorités pour mettre fin à la pagaille qui règne dans le secteur et de permettre aux sociétés minières ainsi qu’aux orpailleurs de s’épanouir dans un cadre légal.
Après des investigations menées, nous sommes en mesure de révéler que depuis le lancement de l’exploitation aurifère dans le pays, il y a de cela quelques années, les zones sont en train de devenir rapidement les plus conflictuelles du pays.
L’insécurité transfrontalière en raison de la présence d’orpailleurs de diverses nationalités, les maladies infectieuses qui y sont légion du fait des produits utilisés, la prostitution, les divers trafics, sans compter l’emploi d’enfants pour extraire l’or.
Toutes choses qui gangrènent inexorablement ce beau pays dans l’indifférence générale, car il ressort d’enquêtes menées sur place que des sites d’orpaillage clandestins sont exploités illégalement par des gens au détriment des sociétés bénéficiant de contrats en bonne et due forme.
Un bourbier en gestation
Des employés d’une société minière soupçonnent même certains agents de l’Etat de fermer les yeux : “Il y a une complicité des agents de l’Etat. Des individus viennent s’installer dans nos périmètres, y importent du matériel (groupes électrogènes, pelles mécaniques, etc.) leur permettant d’extraire de l’or, de le vendre en toute impunité au vu et au su de forces de sécurité basées sur place”.
Un responsable de sécurité d’une grande compagnie minière nous apprend que ces gens qui sont pour la plupart des Burkinabés, Guinéens et autres les narguent quand on leur interdit l’accès à leurs périmètres en disant “qu’ils paient dans tous les services et mairies pour avoir la paix et exploiter ce qu’ils veulent”.
Ce qui peut être considéré comme vrai quand on sait que ni le gouverneur, ni le préfet, ni la gendarmerie ne veut y faire régner l’ordre, encore moins la DNGM. Et d’ajouter ceci : “Malgré nos plaintes, ces gens continuent et plus grave, ils sont entourés souvent d’hommes armés jusqu’aux dents pour faire leur sale besogne même les élèves désertent les classes pour travailler au péril de leur vie”.
Constat : “Dans nombre des villages des régions de Sikasso et de Kayes, il n’y a plus d’élève. Les parents préfèrent envoyer leurs rejetons travailler dans les mines afin de ramener de quoi manger à la maison”, soulignent plusieurs observateurs.
Par ailleurs, les prostituées sont fort nombreuses et de nationalité diverses. Elles sont souvent sous la protection de proxénètes maliens, guinéens ou sénégalais. Aussi, dans des villages où il y a plus de 10 000 âmes sans aucune couverture médicale, les gens meurent comme des mouches.
Il est temps, pour les autorités, de mettre un holà à tout cela, car les zones aurifères sont en train de devenir des mouroirs après avoir suscité l’espoir. Les différents sites miniers en activité sont les plus “infestés” ; ils sont devenus les champs de prédilection des orpailleurs illégaux qui s’y installent davantage en profitant de situation de crise dans le pays.
Un élément des forces armées bien informé de ce qui se trame sur le terrain nous a fait cette confidence : “Nous risquerons d’être confrontés à un sérieux problème surtout avec la situation actuelle. Déjà, les anglophones qui étaient là s’adonnaient à des trafics mais avec cette nouvelle donne, l’Etat doit ouvrir les yeux et mettre un maximum de sécurité si on ne veut pas que des groupuscules ne fassent de ces sites des zones de repli car toutes les conditions sont réunies pour cela”. Et d’ajouter : “Il est à craindre que les coupeurs de route ou autres trafiquants de drogue n’y fassent leur marché”.
D’où l’impérieuse nécessité de mobiliser les moyens militaires pour mettre un terme provisoire à cela. C’est toute l’importance de voir la matérialisation de l’unité chargée de la sécurité des zones minières.
En tout cas, si on ne prend pas garde, les populations des localités voisines de la mine qui, malgré cette richesse, restent les plus pauvres du pays, se lèveront un jour pour exiger réparation car mieux que quiconque, elles sont les vraies ayants droit des produits issus de cette terre.
Que dire des recommandations du forum sur l’orpaillage dont l’objectif était de règlementer la pratique ? Sauf qu’entre le ministère de tutelle et la Chambre des mines et autres organisations d’orpailleurs, c’est un dialogue de sourd auquel on assiste présentement.
Alpha Mahamane Cissé
Source : l’indicateur du renouveau