Situés à 35 km de Sikasso, dans la sous-préfecture de N’Kourala, les 50 hectares litigieux étaient exploités par plusieurs familles depuis 200 ans. Une véritable jungle politico-judiciaire qui risque d’affamer de nombreuses familles dans cette Commune rurale.
Le village de Farakala est le chef-lieu de la Commune rurale. Molasso est une subdivision de cette Commune. La limite naturelle des deux villages est Nianzankè (en sénoufo dernière la colline). Les terres ont été exploitées par la famille Diamouténé de Farakala depuis environ deux siècles.
Une fille des Diamouténé du nom d’Ouafonro était mariée dans la famille Kofan de Molasso, bien avant l’arrivée de l’Almamy Samory Touré du Royaume Wassoulou. Cette dernière n’eut pas d’enfant, mais bénéficiait de l’amour des enfants de sa coépouse. C’est ainsi qu’elle fut venue voir ses frères à Farakala pour prêter une parcelle de culture.
Compte tenu de la proximité de la parcelle à Molasso, la famille Diamouténé a cru bon de permettre à la famille Kofan de Molasso d’en exploiter une partie. L’avènement de Samory Touré a disloqué les villages. Lorsque Sikasso fut prise par les Français, ils demandèrent aux uns et aux autres de rejoindre leurs anciens sites. Farakala, jadis composé de 17 grandes familles, ne connut que le retour de 2 familles : les Diamouténé et les Sanogo.
Le premier s’appelait Kléniaré Diamouténé (en sénoufo la Grâce d’Allah). Molasso fut ensuite érigée en chef-lieu de canton. Oulapégué dit Samba Sanogo, représentant du chef de canton auprès du colonisateur à Sikasso eut des embrouilles avec le chef de canton qui l’a aussitôt remplacé. A son retour, il ne pouvait plus aller chez les siens, vu les griefs formulés contre lui. C’est alors qu’il demanda une concession à Farakala qui a été obtenue sans polémique.
Le samedi 3 février 2007, la population de Molasso envahit cette parcelle qui n’est séparée des concessions de Farakala que par le goudron de la route nationale (RN7), avec des coupe-coupe, fusils… personne à Farakala n’a répondu à la provocation. En mars 2009, le maire de Farakala, en la personne de Baber Sanogo, avait obtenu l’autorisation du pouvoir compétent de lotir la parcelle. Les populations de Molasso sont venues enlever les bornes de délimitation de la mairie situées à 4 km de leur village.
Auparavant, en mars 2006, des orpailleurs, venus de Misseni ont vu l’un des leurs mourir sur le site. Ils ont pris attache avec Samba Sanogo, qui n’est plus dans ce monde, un endroit pour inhumer leur camarade. Samba a fait savoir qu’il n’a pas de terre et les renvoya chez Kléwa Sanogo à l’époque du village de Farakala II.
L’inhumation fut faite avec l’accord de celui-ci. Le vendredi 12 mai 2006, l’épouse de Samba Sanogo, mère de Binafou Sanogo, décéda. L’autorisation fut demandée encore au même Kléwa Sanogo pour son enterrement. Ce dernier envoya son neuve Gaoussou Sanogo qui assumait ses courses pour donner le coup de la pioche de la tombe.
A l’étonnement de Farakala, le 10 août 2011, feu Samba Sanogo, en complicité avec son fil Binafou Sanogo, ancien fonctionnaire de l’Union européenne, aujourd’hui fonctionnaire international introduit une requête d’obtention de ladite parcelle. Ce riche fonctionnaire jouit d’une très grande popularité dans toutes les sphères administratives de Sikasso et du village.
Malheureusement pour lui, le Tribunal de grande instance de Sikasso, dans son jugement n°167/CH-CIV du 20 avril 2015, a attribué aux familles concernées de Farakala les 50 hectares de terres, objet du litige. Ce qui n’était que justice puisqu’hier, feu Samba et aujourd’hui son fils Binafou dans leurs prétentions ont reconnu devant le juge de première instance avoir volontairement cédé les terres à ceux qui les exploitent aujourd’hui.
En cette vielle de campagne agricole, telle ne fut la surprise de Farakala d’entendre que leur terre fait l’objet de défens, selon l’ordonnance des référés n°40 du 3 juin dernier du même tribunal l’assignation leur est parvenue le 11 juin dernier.
Un procès… sucré
La décision du juge de Sikasso, outre la violation des procédures, manque de bon sens. En effet, dans un pays en proie à la disette permanente, voire la famine en raison de la mauvaise pluviométrie récurrente, on ne s’explique pas que des paysans se voient interdire l’exploitation de leurs propres terres.
On aurait compris le juge si on était en face d’une situation de deux ou plusieurs familles de paysans se disputant un lopin chacune pour sa mise en valeur à des fins agricoles or ce n’est point le cas ici. Mieux, les faits établis par le juge dans le jugement cité plus haut montrent que feu Samba père et à sa suite, Binafou son fils, ont vécu de toute autre chose que de l’exploitation de la terre.
Le premier qui n’a jamais de sa vie possédé un champ était tantôt trafiquant aux confins des frontières Mali-Burkina, Mali-Côte d’Ivoire, tantôt auxiliaire des services de douane. Tandis que le second, Binafou ainsi chouchouté du produit de ce commerce illicite n’eût jamais besoin de vivre à la force de ses muscles dans une ferme quelconque puisque le père n’en avait pas.
Mais l’homme avec ses reins solides ou plutôt les poches pleines a pu convaincre le juge d’instruction de prendre une décision dont la conséquence immédiate est d’affamer de nombreuses familles dans cette Commune rurale de Farakala. Est-ce là l’équilibre du droit ?
A l’analyse des choses, on se croit réellement à une autre époque où le fait du prince suffisait à faire acte de justice. Or nous sommes bien à plus de 20 ans d’exercice de la démocratie et de l’Etat de droit avec des décisions de justice aussi controversées que suspectes comme celles-là.
L’indignation des notabilités
On comprend donc la colère des populations de Farakala qui se refuse à regarder impuissantes leurs champs en friche alors que le chrono de l’hivernage passe avec certitude. La Cour d’appel de Bamako, saisie sur le fond et sur la forme, n’a pas changé le verdict du Tribunal de grande instance Sikasso. Une justice à double vitesse : une pour le riche, une pour le pauvre.
Par ailleurs, nous ne doutons point de la crédibilité du juge, au contraire, nous l’invitons à étudier le dossier au fond. Car, c’est bien Binafou lui-même lors de ses rares passages dans sa grosse cylindrée qui n’a eu de cesse de mettre en avant les grands moyens dont il dispose et d’intimider les pauvres paysans en soutenant qu’au bout du compte c’est l’argent qui fera la différence.
Il y a justement péril en la demeure pour plusieurs familles sans autres ressources que la terre. Les risques sont grands : famine et exode rural sans compter les risques d’affrontements.
A suivre…
Bréhima Sogoba