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Faits divers : LES TRAFIQUANTS VOYAIENT GROS

La filière était bien rôdée au point que ses acteurs ont voulu tenter un grand coup. Ce qui a précipité leur chute 

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C’est incontestablement une superbe prise qu’ont réussie les agents de l’Office central des stupéfiants (OCS) en mettant la main sur une importante quantité de chanvre indien la semaine dernière. L’exploit des policiers et gendarmes qui composent cette structure spécialisée dans la lutte contre les stups a été salué à sa juste importance par les autorités. Mais tout n’a pas été facile pour les agents qui dans la toute dernière étape de leur opération ont dû affronter l’adversaire le plus inattendu pour eux. Autrement dit, une partie de la population même qu’ils sont chargés de protéger des méfaits de la drogue et du trafic de drogue.

Rappel des faits. Peu avant le déclenchement de leur opération, les agents de l’Office avaient reçu une alerte venant de l’un de leurs plus actifs « pions ». L’importance de l’information était telle que la source avait voulu la transmettre sans tarder. Le message était donc parvenu à ses destinataires à une heure du matin passée. L’informateur donnait avec force précisions le signalement d’un camion semi-remorque qui se trouvait au niveau de l’entrée de la ville de Bamako dans les environs  de Yirimadio. Le véhicule se préparait à se diriger dans les profondeurs du quartier.

Cette information allait s’avérer déterminante pour la conclusion d’une opération montée de longue date par l’OCS. En fait, les dernières précisions données constituaient l’ultime maillon d’une longue chaîne de renseignements collectés pendant plusieurs semaines. Depuis un certain temps, les agents de l’Office avaient acquis la certitude que des passeurs se proposaient d’introduire dans notre pays une quantité importante de cannabis en provenance du Ghana. Ils avaient aussi pu établir que les trafiquants choisiraient pour cela un véhicule adapté  au volume de la cargaison, vraisemblablement un camion semi remorque. A partir de ces deux éléments, l’OCS avait mis en alerte tous ses relais se trouvant sur le trajet Accra-Bamako. Les agents n’ont pas voulu pour des raisons évidentes de confidentialité entrer dans les détails de la traque. Mais ils ont reconnu que le véhicule avait été identifié dès son entrée sur le territoire malien.

Les policiers auraient pu le faire stopper dès sa première escale au Mali. Mais ce faisant, ils se seraient privés de la possibilité de collecter de précieuses informations sur les acteurs de la filière et sur les circuits qu’empruntait l’acheminement de la drogue. Ils se contentèrent donc de suivre la progression du poids lourd jusqu’à Bamako. La surveillance avait été assurée avec une telle prudence que le chauffeur principal et son collègue – communément appelé « côté droit » – progressèrent vers leur destination finale sans se douter de rien. Ce furent des conducteurs complètement rassurés sur la réussite de leur convoyage qui sont arrivés à Yirimadio. De là, les deux hommes dirigèrent directement leur véhicule vers une maison en chantier située dans le secteur du quartier appelé « Kadobougou ».

SUR LE QUI VIVE. Cette maison était le terminus du voyage. Elle se trouvait dans un des angles d’une très grande cour. Les trafiquants étaient visiblement des gens bien organisés. Ils avaient recruté un gardien qui logeait en ces lieux avec toute sa famille. Lorsque le véhicule suspect pénétra dans la cour, le « comité d’accueil «  était déjà en place. Un groupe de  manœuvres attendait en effet impatiemment de se mettre au travail. Les manutentionnaires ne perdirent de temps pour entamer le transfert de la cargaison de stupéfiants. Celle-ci avait été dissimulée dans le compartiment de la remorque qui sépare la cabine de la locomotive. Les sacs sortis de la semi remorque étaient déposés dans une pièce accotée au bâtiment central et qui possédait une porte ouvrant sur la cour.

Les policiers de l’OCS, guidés par les renseignements donnés par l’informateur, se tenaient prêts à intervenir. Il leur fallait cependant s’assurer de deux choses. Primo que Kadobougou était bien le dépôt terminal de la drogue. Secundo que tous ceux qui étaient impliqués dans le déchargement se trouvaient bien sur place. Une fois qu’ils eurent la certitude qu’il n’y avait plus aucune raison d’attendre que survienne un élément nouveau, ils passèrent à l’action.

Les limiers ont essayé de s’approcher de leur objectif le plus silencieusement possible. Mais leur tâche était rendue malaisée par l’obscurité et  l’état du terrain. En outre, toutes les personnes employées dans le déchargement nocturne se doutaient bien qu’elles étaient impliquées dans une opération parfaitement illicite et elles étaient sur le qui vive. Les policiers ne savent pas ce qui a alerté l’un d’entre elles, mais à peine celle-ci eut-elle poussé un cri d’avertissement que toute la troupe de travailleurs de la nuit s’éparpilla dans la nature. Le gardien en fit autant, abandonnant les siens. Toute poursuite aurait été absurde et les limiers avaient plus utile à faire. Le véhicule et le restant de son contenu furent formellement saisis. Les policiers s’attelèrent alors au décompte de leur butin. Au final, ils ont dénombré 1505 briques de chanvre indien soigneusement emballées. Le poids total de la drogue a été estimé à environ deux tonnes sept cent. Ce qui représente une valeur saisie de plusieurs centaines de millions de francs CFA.

La nuit avait été très longue pour les agents de l’Office et le jour qui suivit ne fut pas moins chargé. Dès les premières heures de la matinée, les limiers lancèrent des enquêtes et recoupèrent les informations accumulées depuis des semaines. La qualité des renseignements récoltés leur fit interpeller un premier suspect, un certain Sékou, âgé de 28 ans et né au Gabon. L’homme eut a sagesse de reconnaître très vite sa participation dans le trafic international. Mais obnubilé par la crainte de devoir payer pour tous les autres, il se démena comme un beau diable pour réduire sa part de responsabilité. Il s’efforça obstinément à se présenter comme un petit rouage sans importance. Il insistera par exemple sur le fait qu’il n’était « que » le chauffeur en second du véhicule.

Les policiers firent vite comprendre au jeune homme qu’au-delà de ses dénégations, la meilleure manière de minimiser pour lui les dégâts était de coopérer. Sékou expliqua tout d’abord la façon dont il s’était retrouvé dans cette activité sans mesurer en réalité les conséquences qui pouvaient en découler. Il cita ainsi un certain Siby, un des ses oncles, comme étant celui qui l’avait initié à cette activité. Selon lui, ce serait Siby qui l’aurait engagé comme chauffeur en second. Sous la férule de son protecteur, le chauffeur aurait déjà effectué trois voyages de ce type entre le Ghana et le Mali. A chacun des trajets Accra-Bamako, Sékou camouflait les produits interdits au milieu des cartons de pièces de rechange auto ou des sacs de riz.

UNE AGRESSIVITE PEU COMMUNE. Pour tromper la vigilance des policiers, le chauffeur avait aussi recours à des procédés rudimentaires, mais efficaces. Ainsi il achetait très souvent des sacs de charbon à Sikasso, puis les vidait de leur contenu et substituait la drogue au combustible. Chaque fois qu’il arrivait à Bamako, le chauffeur en second n’avait une seule destination située à Sirakoro Méguétana, à la sortie Est de la capitale. Il y garait son engin durant tout le temps qu’il passait à Bamako. Le jeune homme percevait une somme de 150 000 francs CFA pour chacun de ses convoyages.

Les policiers ont tiré le maximum de la mine d’informations que représentait Sékou. Les renseignements fournis par lui leur permirent d’aller appréhender le nommé Siby. Visiblement le jeune conducteur craignait son oncle. En effet, il avait délibérément caché le fait que son parent était le chauffeur principal qui assurait l’acheminement de la cargaison du Ghana jusqu’à Bamako. Les policiers ne découvrirent ce fait qu’après leur passage dans la journée au domicile du suspect à Daoudabougou. C’est là bas que ce dernier sera interpelé en plein jour. Mais l’enquête qui avait été menée tambour battant et qui s’achevait de manière satisfaisante pour les policiers enregistra à ce moment une complication entièrement paradoxale.

Au moment de l’interpellation de Siby, un sexagénaire qui affirmait être le père du suspect s’interposa vigoureusement. L’homme, qui se présentait comme un ancien combattant de son état, fit savoir aux policiers que son fils ne pouvait être en aucun cas  un trafiquant de drogue. Pour le vieux, Siby aurait été victime d’une dénonciation calomnieuse et son interpellation relevait de l’arbitraire. Quelles que soient ses motivations, le vieillard fit preuve d’une agressivité peu commune. Il n’hésita pas à appeler la foule de ses voisins à se ranger à son côté pour empêcher l’arrestation de son fils. Une vraie rixe en pleine rue opposa alors les policiers à une partie de la population. Les agents se sont extraits avec beaucoup de difficultés de ce qui ressemblait à un guet-apens.

Cet épisode malheureux a été vivement déploré par le directeur général de l’OCS, le magistrat lieutenant-colonel Adama Tounkara. « Nous ne pouvons pas comprendre cette attitude de la foule qui a constitué un obstacle pour nous dans notre travail. Les populations oublient  que nous travaillons pour leur propre sécurité. Le comportement de certains a été vraiment déplorable », a expliqué l’officier de police. Celui-ci propose une véritable sensibilisation de nos frères et sœurs quant à la vigueur avec laquelle doit être mené le combat contre le fléau que représente la drogue dans notre société.

Poursuivant leurs enquêtes, les policiers ont découvert que les documents du véhicule saisi portaient le nom d’un certain  I. Keïta, chauffeur de profession. L’intéressé se trouve sous le couvert d’un dénommé Doucouré. La piste n’est pas encore entièrement remontée et les policiers n’excluent pas que des surprises les attendent en cours de chemin.

A ce jour le véhicule a été mis à la disposition des autorités compétentes et les 2 700 kilogrammes de chanvre indien stockés à l’OCS et prêts à être détruits dans les jours à venir.

MH.TRAORE

Source : L’ Essor

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