L’histoire se déroule dans un commissariat d’un arrondissement de la capitale (dont nous tairons le numéro, pour certaines raisons). Elle nous rappelle en tous points la fin de la première saison du feuilleton comique, ‘’Les Mésaventures de Séko Bouaré’’ du Guimba national, quand le malheureux Séko, confronté à sa naïveté qui en fait le complice d’un vol, préfère prendre ses jambes à son cou pour échapper à un Kardjiké Laïco Traoré plus que déterminé cette fois à le fourrer au gnouf.
Au matin de ce jour sombre pour la Police, notre quidam franchit le portail de ce commissariat, souhaitant rencontrer le Commissaire lui-même. Sa mise élégante et son maintien sérieux impressionnent assez pour qu’il soit directement conduit au patron. A ce dernier, il s’ouvrira de son vœu de se faire accompagner par deux agents pour se rendre au Grand Marché, afin d’acquérir une moto Apache, une bécane assez robuste dotée d’un moteur puissant et très prisée en ce moment par une frange importante de la jeunesse friande de vitesse. Compte tenu de l’attrait que cette moto exerce et vu le culot des bandits à s’emparer même en pleine journée des motos de leurs malheureuses victimes, le quidam assure alors au Commissaire qu’il craignait qu’il ne soit pisté par les criminels depuis l’achat, comme c’est souvent le cas. Aussi souhaitait-il que le Commissaire commette à sa protection deux de ses agents armés. En contrepartie, il s’engage à prendre financièrement en charge les frais relatifs à cette opération et le déplacement des policiers désignés.
Auquel vœu le Commissaire généreusement doté d’un 50.000 Fcfa matinal, mais on l’apprendra plus tard, ne manquera pas de déferrer. Les policiers, eux recevront également chacun le même montant et le trio de se rendre au Grand marché pour l’achat de la moto. Ce qu’il faut dire, c’est qu’une moto de ce calibre coûte entre environ un million et 875.000 Fcfa.
Arrivé sur place, l’acheteur, accompagné de deux policiers en mission de protection, s’ouvrira à un vendeur qui lui désignera plusieurs caisses avec différentes options de couleurs. Le quidam fera son choix et aussitôt des mécaniciens commis à cet office se mettent à monter une de ces motos pendant que le vendeur prépare les documents de vente.
Entre-temps, pour passer du temps et se sustenter, les policiers ayant été requis d’assez bon matin, l’acheteur potentiel ira jusqu’à acheter pour environ 10.000 Fcfa de dibi, agrémenté de cannettes de Vimto et autres douceurs liquides. Au bout de quelque temps, la bécane flambant neuve est montée et il reste à l’essayer, après le démarrage du moteur, pour en vérifier le rythme. Le quidam demandera alors de l’essayer lui-même après les mécaniciens, avant de s’acquitter des frais d’achat. Comment ne pas faire confiance à un acheteur d’un tel port altier, surtout accompagné à sa demande de deux policiers, les flingues pendouillant sur leurs cuisses comme dans les westerns ? On comprend alors que ni le vendeur, encore moins les deux agents gardes du corps, n’y verront aucun inconvénient.
Enfourchant la puissante et nerveuse bécane, qu’il fera d’abord hurler sur place avant d’enclencher la première, l’acheteur fera quelques tours sur place, puis prendra une des allées du marché (la boutique du vendeur est située juste sur une voie passante du centre-ville…). Et depuis, on l’attend !
Las d’avoir attendu assez longtemps, les deux policiers se proposent de partir. Ce à quoi s’oppose fermement le vendeur, expliquant que n’étant encore entré dans ses frais et comme leur protégé ne semblait pas revenir, ses deux gardes du corps ne pouvaient partir ainsi. Après bien d’échanges houleux, l’on se transportera au Commissariat d’origine des policiers pour porter l’affaire devant le Commissaire qui a ordonné à ses agents de s’engager dans cette mission. Le vendeur exige que lui soient payés intégralement les frais d’acquisition de l’Apache, les policiers arguent, et avec raison, n’avoir pris aucune part à la transaction qui s’est déroulée entre le vendeur et le gredin, leur rôle, assurent-ils, n’étant que simple sécurisation d’un individu qui les avait requis à cet effet auprès de leur hiérarchie. Qui, au cours des discussions assez vives, fera savoir qu’il lui avait été remis une petite commission de 50.000 Fcfa.
L’histoire ne dit pas comment les naïfs policiers, le commissaire et ses agents bernés par un escroc plus que culotté, s’en sont sortis ni si le vendeur de moto a pu rentrer dans ses fonds. Toujours est-il que l’individu, à la mise agréable et au maintien si sérieux qu’on lui donnerait le bon Dieu sans confession, continue de toujours essayer son Apache flambant neuve et n’est toujours pas de retour…
A.T.Dansoko
Source: Malijet