Des contrats mal ficelés, des travailleurs exploités et une population sans défense : c’est le triste constat derrière les sites miniers au Mali et en Guinée. Les pourcentages gagnés par l’exploitant et le propriétaire sont à revoir sur des bases solides et plus équitables. Enquête…
Le continent africain détient plus de la moitié des réserves mondiales d’or. Le Mali dispose d’une part non négligeable de ce précieux métal, mais il lui manque cruellement l’outillage adapté pour l’extraire sous terre de façon optimale.
Le Mali dispose du métal jaune mais c’est un autre pays qui fixe le prix d’achat. A cette cadence, on se demande intégralement si nous ne sommes pas réduits actuellement au simple rang d’impuissants gardiens sans défense de nos mines d’or ? Cette situation rappelle la fameuse phrase que prononçait souvent le père de l’indépendance du Mali, Modibo Kéita qui disait : « Quand les propriétaires se transforment en spectateurs alors ça sera le festival des brigands »… N’avait-il pas seulement raison ? Ces propos n’étaient-ils pas hautement prémonitoires puisqu’ils s’imposent aux Maliens avec acuité plus de 50 ans après ?
De nos jours, toutes les hypothèses concordent à accréditer la thèse selon laquelle nous en sommes arrivés à ce stade de régression autant que de soumission.
Avons-nous réellement la mainmise sur nos ressources minières ? De quelle marge de manœuvre disposent le Mali et la République de Guinée (un véritable « scandale » géologique, eu égard à ses potentialités exceptionnelles en minerais de toutes sortes) face à leur exploitation et production aurifère ?
Voilà deux questions essentielles que tout bon citoyen originaire de ces deux pays embourbés dans la misère se pose constamment. Il est évident que nos sous-sols regorgent du métal jaune en abondance. En quoi, quand et comment ce gisement a pu servir de manière significative à la marche au développement de nos états ?
Depuis l’Antiquité, l’Empire du Mandé, l’espace géographique commun à ces deux pays a révélé sa richesse inestimable des mines d’or aux yeux du monde. Le fameux pèlerinage de l’empereur Kankou Moussa à La Mecque a contribué à projeter de la lumière sur cette réalité.
D’après les récits d’historiens, l’empereur aurait apporté entre 10 à 12 tonnes d’or qu’il dilapida à tour de bras entre l’Egypte et Médine. De nos jours, il est considéré comme l’homme le plus riche de tous les temps, l’unique représentant de l’espèce humaine qui aurait dilapidé 440 milliards de dollars. L’homme qui aurait fait chuter le prix du cours d’or à travers le monde.
Encore aujourd’hui, l’époque contemporaine vient à juste titre de confirmer l’immensité de la quantité du métal jaune enfouie dans les sous-sols malien et guinéen. Ces deux Etats sont bien debout sur des mines d’or à profusion.
En terre malienne, l’on peut citer, entre autres, les localités de Kalana, Morila, Yatéla, Siama, Kéniéba, Loulou, Misseni pour ne citer que ces villes. Pendant qu’en Guinée de Siguiri à Kouroussa, en passant par Mandiana, et Kankan et j’en passe… Hélas, malgré la présence de ce trésor le Mali et la Guinée s’effondrent sous le poids de la pauvreté.
Dans la sous-région si deux nations brillent en émettant des étincelles jaunes en leur sous-sol, ce sont bien le Mali et la République de Guinée-Conakry. Hier, le continent africain s’est fait dépouiller, le même scénario triste et honteux est encore de nos jours d’actualité. L’exploitation des mines d’or du Mali et de la Guinée-Conakry le prouve à suffisance.
Nous avons du métal jaune en quantité démesurée. Le peuple ne profite aucunement des retombées de son exploitation. Comment expliquer cette contradiction monumentale ? A qui profite cette manne financière ? Que se passe-t-il ? Qu’est ce qui ne va pas dans la chaine de la production à la commercialisation ?
Elles convergent çà et là d’une mine d’or à l’autre. Leur train de vie en dit long sur la masse salariale qui découle droit du métal jaune. Rien dans les deux cas. D’une part, les contrats sont mal scellés. C’est ce libellé mafieux du contrat qui nous exproprie de notre héritage propre.
Les pourcentages gagnés par l’exploitant et le propriétaire sont à revoir sur des bases solides et plus équitables. La part de nos Etats doit être revue à la hausse, ou à défaut l’extracteur de l’or se métamorphose d’un trait en propriétaire légitime de la richesse nationale.
D’autre part, nos Etats seraient plus inspirés d’investir à part égale et partager le bénéfice issu de l’or exploité au prorata. L’exploitant tire le gros lot pendant sous le regard impuissant du propriétaire. Pauvre gardien drapé dans une extrême passiveté de l’héritage national qui courbe l’échine continuellement. La pauvreté de nos Etats impute en premier lieu à ses dirigeants. Il est grand temps de transférer la signature des contrats prestigieux de ce genre dans les locaux de l’Assemblé nationale devant les élus du peuple aux yeux de tous pour une grande transparence.
L’époque de l’exploitation artisanale de l’or, de l’orpaillage est révolue. Kankou Moussa de l’Empire du Mandé avait un idéal bien déterminé, celui de convertir à l’islam les populations soumises à son autorité. De nos jours, nos chefs d’Etat sont aux antipodes de ce paradigme et ont bien d’autres priorités qui leur appartiennent. Ils tentent coûte que coûte, vaille que vaille d’atteindre un objectif : satisfaire les mille volontés des puissances impérialistes. Peu importe le prix à payer. Si cela doit passer par mettre le pays à genoux, leurs compatriotes dans la déchéance, ils n’en ont cure.
Le métal jaune extrait au Mali et en Guinée profite à qui du propriétaire ou à celui chargé de l’extraire ? Le grand peuple du Mali brûle d’envie de savoir le pourcentage exact engrangé par l’Etat dans les mines d’or çà et là. Ce chiffre ne doit jamais se transformer en secret de polichinelle pour les descendants de l’Empire du Mandé. Nous ne sommes plus dupes, pour avoir été sur des bancs d’école imposée par les mêmes puissances étrangères. Il est grand temps que nos plus hautes autorités se ressaisissent en se maintenant debout pour défendre l’intérêt de leur peuple.
Par ailleurs, le secteur minier est marqué par l’absence totale de transparence sur l’ensemble de la filière. Il souffre par une faiblesse des investissements dans les technologies modernes, une grande corruption dans l’attribution des titres miniers que pour la négociation des conditions d’exploitation donc profite à certains nantis du pays.
Bref, le plus décevant, l’or ne représente à l’heure actuelle que la manne financière de petits groupes de gens influents qui règnent sur les contrats de concession et les contrats d’exploitation et qui n’ont aucun intérêt à ce que la filière se modernise…
Aboubacar Eros Sissoko
Source: Sirène