A moins de seulement trois (3) mois de la fin de la transition, les chefs d’État de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), réunis en sommet ordinaire le weekend dernier à Abuja, ont exigé la tenue de l’élection présidentielle en février 2022 au Mali. Difficile de les blâmer puisque le respect des 18 mois pour la fin de la transition est un engagement des autorités de la transition. Mais la réalité du terrain doit être également prise en compte.
Alors que les Assises nationales de la refondation en cours au Mali depuis le samedi dernier donneront la position des Maliens sur la durée de la transition, l’organisation sous-régionale devient, elle, très exigeante quant à la tenue des élections en février prochain.
En effet, dans son communiqué, la CEDEAO dit déplorer le fait que l’échéance du 27 février 2022 pour la tenue des élections risque de ne pas être respectée. « En conséquence, la conférence rappelle la nécessité urgente de respecter la date du 27 février 2022 pour la tenue des élections », précise le communiqué. En plus du maintien des sanctions déjà prises, l’organisation sous-régionale a menacé, si à la fin de décembre 2021 aucun progrès tangible n’est réalisé dans la préparation des élections, d’infliger des sanctions additionnelles contre le Mali dès le 1er janvier 2022. « Ces sanctions incluront notamment des sanctions économiques et financières », a-t-on menacé.
Le principe
Les chefs d’État de la CEDEAO ont été durs avec les autorités maliennes dans leur prise de décision. Ils n’ont pas pris en compte les bonnes volontés des autorités maliennes qui tiennent à la refondation du l’État, aux réformes politiques et institutionnelles, à la sécurisation du pays…comme les prunelles des yeux. Mais peut-on blâmer ces chefs d’État de la CEDEAO ? Difficile pour deux raisons : la première, ils mettent en application les textes de l’organisation. La deuxième : le respect des 18 mois pour la fin de la transition est un engagement des autorités maliennes. La CEDEAO, en exigeant le respect de ces engagements, n’a fait que jouer son rôle en tant qu’organisation sous-régionale. Il est donc difficile de blâmer les chefs d’État pour leur décision.
Nécessité de prendre en compte les réalités du terrain
La situation n’est pas rose au Mali. Les solutions définitives n’ont pas encore été trouvées aux maux pour lesquels IBK a été chassé du pouvoir même si les autorités en place fournissent de gros efforts. La situation sécuritaire continue à se détériorer. Les réformes politiques et institutionnelles dont la révision constitutionnelle, la révision de la loi électorale, la mise en place de l’organe unique de gestion des élections…réclamées par les Maliens ne sont pas encore faites.
La CEDEAO doit donc comprendre qu’avec la situation sécuritaire actuelle, il est difficile d’organiser les élections en février. Les régions du nord, du centre sont en rouge. Des villages entiers sont sous embargo des forces du mal. Des centaines de personnes sont pris en otage. Dans certaines localités du pays, les terroristes profitent de l’absence de l’État pour imposer leur diktat aux populations. Comment les candidats, dans ces conditions, peuvent battre campagne ? Comment dans les zones où les terroristes ne veulent pas entendre parler de démocratie, ou sentir l’administration, peut-on organiser les élections ? Difficile. Les chefs d’État de la CEDEAO doivent prendre cette réalité du terrain et comprendre les autorités de la transition qui, semble-t-il, se battent pour un nouveau Mali sécurisé et refondé.
Les réformes politiques et institutionnelles sont une nécessité pour éviter d’autres crises politico-institutionnelles. Aller aux élections sans reformes ne conduira-t-il pas le Mali dans une autre crise ? En tout cas le risque est gros. Si les chefs d’État souhaitent rendre un service au Mali, ils doivent accorder un peu de temps aux autorités et prendre en compte la réalité du terrain.
Boureima Guindo
Source: LE PAYS